Par Hadrien Bortot.
Vendredi 13 octobre, l’école de la République a été frappée en plein cœur pour la deuxième fois. Dominique Bernard, professeur de lettres au lycée Gambetta-Carnot d’Arras, a été assassiné par un jeune homme de 20 ans, tandis qu’un professeur d’EPS, un agent technique et un agent de sécurité ont été grièvement blessés. Le tueur, « radicalisé » et « fiché S » pour « menace terroriste islamiste », faisait l’objet d’une surveillance resserrée par les services de renseignement français. Ce drame ne peut qu’évoquer le douloureux souvenir de Conflans-Sainte-Honorine, où Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été assassiné dans des conditions similaires, il y a tout juste trois ans.
Le crime à peine perpétré, le concert de la récupération ignoble a déjà commencé. Dès le lundi 16 octobre, Jordan Bardella, patron du Rassemblement national, a été invité sur le service public, France Inter, pour dérouler son argumentaire raciste. Sur les chaînes d’information en continu, c’est le déluge de solutions sécuritaires, toutes plus inefficaces les unes que les autres : armement des enseignant·es, mise en place de portiques de sécurité, renforcement des OQTF…
Ce drame doit bien entendu être compris comme celui d’une forme particulière du terrorisme islamiste qui vise précisément l’école publique, héritière des Lumières. Il doit aussi être regardé dans le contexte d’une montée des agressions vis-à-vis des enseignant·es en France, et dans le contexte de phénomène mondial des tueries en milieu scolaire.
Certains font des militant·es de la solidarité qui se sont opposé·es, dix ans plus tôt, à l’expulsion de la famille du terroriste vers la Russie, les responsables de cet acte odieux. Ces « défenseur·es de l’école et de la République » de la dernière heure oublient que c’est justement par plus et mieux d’école que nous pourrons éviter de nouveaux drames.
Comment faire pour rendre concrète et crédible la promesse d’égalité républicaine et d’émancipation par le savoir ? Comment faire pour que celles et ceux qui se sont assis·es sur les bancs de l’école de la République ne se retournent pas contre elle et ses représentant·es ?
Il faut, comme nous l’avons dit, plus d’école : une école avec plus de moyens, plus d’adultes, avec des accompagnements plus individualisés. Il faut permettre à l’école de mener sa mission d’émancipation des obscurantismes – et des lois du marché.
L’école en tant qu’institution est en danger : attaquée par les libéraux qui veulent la livrer au privé pour produire de la chair à patron, visée par les réactionnaires qui en ont fait une cible politique, ici jusqu’au meurtre. Avec elle, ce sont les enseignant·es, celles et ceux que l’on aime appeler les « hussards noirs de la République », ces garant·es de la concorde républicaine, mobilisé·es à chaque événement horrible pour comprendre voire expliquer, que nous devons protéger et entourer.
L’école parce qu’elle construit et diffuse les savoirs, les valeurs d’humanisme et d’émancipation, n’est pas un lieu hors du monde. Tout au contraire, elle est un rempart contre la barbarie.
Image d’illustration : « Liberté, égalité, fraternité sur le mur d’une école rue du Général-Giraud à Rouen » par Frédéric Bisson (CC BY 2.0 Deed)