Shein et la fast fashion : l’urgence de réguler l’industrie textile pour sauver nos écosystèmes et les droits humains


Par Hadrien Bortot.

Jeudi 8 juin 2023, le géant chinois de la mode Shein a organisé son premier défilé de mode à Paris. Une opération séduction qui s’est déroulée dans la prestigieuse rue Cambon, au cœur du Ier arrondissement de Paris, à deux pas de la place de la Concorde et des boutiques de haute couture de la rue Saint-Honoré.

Avec un chiffre d’affaires avoisinant les 21,5 milliards d’euros en 2022, le site chinois de vente de vêtements en ligne Shein est un acteur majeur de la fast fashion. Cependant, derrière son image jeune et stylée se cache une réalité préoccupante.

Un modèle économique basé sur une production rapide et à moindre coût, répondant à la demande croissante d’une mode éphémère.

La marque chinoise ajoute chaque jour environ 5 000 nouveaux produits sur son site, entraînant ainsi un impact social et environnemental colossal. Son modèle économique repose sur une production rapide et à moindre coût (proposant, par exemple, des T-shirts à moins de 5 €), répondant ainsi à la demande croissante d’une mode éphémère.

Shein est largement critiqué pour son plagiat massif de créateurs et de marques ainsi que pour le déversement de milliers de tonnes de déchets dans le désert d’Atacama au nord du Chili. De plus, des accusations ont été portées contre la marque au sujet de l’utilisation du travail forcé de prisonnier·e·s ouïghour·e·s.

Si Shein suscite des craintes en raison de son expansion rapide et des menaces qu’elle fait peser sur le marché de la mode, c’est l’ensemble de cette industrie qu’il est essentiel de réguler, car elle est en train de détruire nos écosystèmes ainsi que les chaînes de production et de distribution européennes.

Les enseignes de moyenne gamme telles que Camaïeu et Kookaï, qui ont récemment fait face à des liquidations, ont payé le prix de la guerre économique menée par les géants de la fast fashion. Bien que leur modèle de production ne soit guère plus vertueux que celui des géants de la fast fashion, la conception et la commercialisation de leurs produits étaient encore réalisées en France.

L’industrie textile représentait en 2021, au plan mondial, 1,9 milliard de dollars de chiffre d’affaires. Entre 2005 et 2019, la consommation mondiale de vêtements et de chaussures a presque doublé, passant, selon l’ONG OXFAM, de 74 milliards à plus de 130 milliards d’unités vendues.

L’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde.

L’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde. Elle figure au sixième rang des émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde et représente, en France, la troisième activité la plus grand consommatrice en eau. Ces constats sont alarmants tant pour l’environnement que pour les droits humains car les millions de travailleuses et travailleurs qui fabriquent nos vêtements dans les usines textiles subissent des conditions de travail dangereuses et vivent dans une extrême précarité. Le salaire minimum d’un·e ouvrier·e du secteur textile au Bangladesh est actuellement de l’ordre de 83 € par mois.

Il est urgent d’agir pour réguler le secteur du prêt-à-porter à tous les niveaux. En Europe, il est essentiel de mettre en place des réglementations strictes à l’entrée des produits, accompagnées de normes de responsabilité sociale et environnementale de haut niveau. En France, l’instauration d’une taxe spécifique sur les produits issus de la fast fashion serait une mesure efficace pour limiter les phénomènes de surconsommation. À l’échelle locale, des politiques innovantes sont nécessaires pour favoriser une économie durable et circulaire.

À Paris, capitale mondiale de la mode, à l’image de la bataille engagée par la Ville pour interdire les dark store et dark kitchen, il est crucial de mener une politique volontariste de lutte contre la fast fashion.

Image d’illustration : Domaine public, licence CC0.


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