Par Hadrien Bortot.
Une année populiste anti-populaire ?
Lundi 20 janvier 2025, nous sommes entrés dans une nouvelle réalité trumpiste. La cérémonie d’investiture, accompagnée d’un grand raout d’extrême droite, a illustré la folie qui s’est emparée des États-Unis. Parmi les symboles les plus frappants, le salut fasciste d’Elon Musk a pétrifié nombre d’observateurs. Ce geste s’est inscrit dans un spectacle grandiloquent et réactionnaire, où le 47ᵉ président des États-Unis a sans surprise pointé ses cibles : les étrangers, les LGBTQIA+, les fonctionnaires…
Depuis novembre, Donald Trump a minutieusement préparé son retour au pouvoir depuis son palais de Mar-a-Lago. Il a mis en place une administration entièrement acquise à sa vision populiste et libertarienne. Ce virage autoritaire constitue probablement un bouleversement sans précédent dans l’histoire des États-Unis. Par une manipulation sidérante du langage, Trump a désigné le « deep state » – “l’état profond” – comme un ennemi à abattre. Selon lui, un État parallèle, dominé par les démocrates, chercherait d’ores et déjà à entraver ses actions.
En réalité, ce que Trump qualifie d’État profond inclut l’État de droit. Cela se reflète dans une série de décrets signés à la hâte dès son investiture : réduction du nombre de fonctionnaires, remise en cause du droit du sol, restauration d’une “liberté d’expression” (pourtant intacte), et grâce accordée aux putschistes du Capitole. Ces mesures attaquent directement les fondements démocratiques des États-Unis.
Il est crucial de rappeler que les États-Unis ne sont pas seulement un empire économique et culturel, mais aussi le produit de luttes historiques pour la liberté politique. Depuis le Bill of Rights de 1791 conquis par la bourgeoisie alors progressiste, jusqu’aux batailles pour les droits civiques, l’histoire américaine est marquée par une conquête constante de libertés et de droits. Avec Trump, ce patrimoine démocratique de 300 ans est menacé de s’effondrer. Le peuple américain et les peuples du monde risquent à nouveau tragiquement de se rendre compte qu’une simple déclaration des droits, si elle peut garantir à un peuple la liberté contre la tyrannie, ne protège en rien contre l’oppression des forces de l’argent.
Les États-Unis, en tant que puissance mondiale, exercent une influence profonde sur la structuration politique et économique du monde, et en particulier de l’Europe. Le programme de Trump ne se limite pas à ses frontières. Son idéologie et ses méthodes irriguent déjà les mouvements d’extrême droite à travers le monde. Si 2024 a été une année de recul démocratique, 2025 s’annonce comme un véritable film d’horreur.
Avec l’accession au pouvoir de Musk et de Trump, le libertarianisme, qui prône une liberté individuelle absolue et une intervention minimale de l’État, devient une arme redoutable dans la lutte des classes. Cette idéologie s’accommode parfaitement de l’oligarchie économique dès lors qu’elle soutient la remise en cause autoritaire des droits des minorités. Ainsi par exemple, le New York Times révèle une offre de service des équipes de campagne de Trump à Pierre-Edouard Stérin, mécène de l’extrême droite française pour développer une campagne ultra-moderne et multidimensionnelle pour faire croître les forces réactionnaires. Si aux États-Unis, tout compromis social semble devenu impossible face à une bourgeoisie radicalisée, en France nous sommes aux portes d’une situation comparable.
Cette tendance gagne également le Canada. La démission de Justin Trudeau a ouvert la voie à Pierre Poilievre, un conservateur libertarien farouchement opposé au « wokisme ». Ce basculement politique illustre l’échec des blocs centristes, perçus comme technocratiques et déconnectés des attentes populaires, ouvrant ainsi la voie à des régimes autoritaires. Un phénomène similaire s’est produit en Italie après le gouvernement Renzi.
L’Europe face à la montée de l’extrême droite
En Europe, l’extrême droite poursuit son ascension. Elon Musk, par son soutien affiché à des partis populistes tels que l’AfD en Allemagne, renforce les mouvements autoritaires et nationalistes. Les élections fédérales allemandes de février 2025 pourraient provoquer un séisme politique sur le vieux continent.
Tous les pays européens sont touchés. La Roumanie (présidentielle en mai) et la République tchèque (présidentielle en septembre) affichent une opposition croissante à Bruxelles et des penchants pro-poutiniens. En Autriche, le FPÖ (Parti de la liberté) est sur le point de prendre le pouvoir, installant ainsi le premier chancelier d’extrême droite depuis 1945. Même la Norvège, longtemps considérée comme un modèle social-démocrate, n’échappe pas à ce virage droitier. Les élections législatives du 8 septembre s’annoncent cruciales. Les sondages prévoient une progression spectaculaire du Parti du progrès (extrême droite), talonné par le Parti conservateur mené par Erna Solberg.
L’année 2025 est d’ores et déjà un tournant pour les démocraties libérales, remises en cause par ce virage populiste et, de fait, néofasciste. Nous sommes face à un tournant, les idéologies les plus rétrogrades sont en passe de redéfinir les échiquiers politiques national et international. La question reste de savoir si cette dynamique est durable ou si elle préfigure une réaction démocratique visant à restaurer les valeurs de solidarité et de progrès.
En France, la perspective d’élections législatives anticipées en juillet ou septembre 2025 appelle la gauche à sortir d’un agenda purement franco-français. Le risque d’une bascule continentale est réel. Face à cette menace, il est urgent de construire un contre-modèle, où le mouvement social pourrait retrouver sa place de leader. La mobilisation collective sera la clé pour faire barrage à l’avènement de ces idéologies régressives, elle doit s’appuyer pour gagner sur l’aspiration à un changement de régime, sur la perspective d’une 6e République sociale, écologique et démocratique.
Image d’illustration : « Donald Trump. President-elect of the United States Donald Trump speaking with attendees at the 2024 AmericaFest at the Phoenix Convention Center in Phoenix, Arizona. », photographie du 22 décembre 2024 par Gage Skidmore (CC BY-SA 2.0)