Par Antoine Guerreiro.
Après une semaine de débats et d’événements autour de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, reconnaissons que la nature du débat public en France est assez curieuse.
Ces derniers jours, on a entendu beaucoup de protestations (ô combien justifiées !) sur la présence de Le Pen et ses amis à la cérémonie d’entrée des Manouchian au Panthéon. C’est effectivement une honte. La mémoire de la résistance communiste n’avait pas à être abîmée par la présence des responsables du RN, qui sont d’authentiques descendants politiques des collaborationnistes.
Marine Le Pen a confirmé une fois de plus sa honteuse filiation, en déclarant : « Vous savez, j’ai évidemment quelques liens familiaux avec la Légion étrangère, donc que des étrangers soient venus tout au long de notre histoire se battre pour défendre notre pays est une évidence ». Une référence à peine voilée aux sanglantes activités de Jean-Marie Le Pen pendant la guerre d’Algérie1 ! La députée d’extrême-droite n’a pas pu s’empêcher de tenter de salir la mémoire des résistants, en la mélangeant à celle d’un tortionnaire.
En ce sens, les appels à chasser l’extrême-droite du Panthéon étaient parfaitement légitimes. En revanche depuis des mois, ce même parti est placé systématiquement en première position des sondages des européennes ; pour ne parler que de ces élections. On n’entend pas grand monde s’indigner contre cette situation, ni tenter d’agir dessus. Comme si la lutte contre l’extrême-droite se limitait aux commémorations mémorielles !
Peut-être les forces de gauche pourraient-elles se réunir en urgence pour établir une stratégie visant à passer devant le RN ? Elles le peuvent encore et puisque c’est assez facile à réaliser, il s’agit d’une question de pure volonté.
Peut-être, au final, que tout n’est pas qu’affaire de symboles, que tout ne se passe pas au Panthéon, et que les stratégies politiques ont des conséquences matérielles ?
Ainsi à la veille même de la cérémonie Manouchian, Le Pen et Bardella ont eu un étrange déjeuner avec la direction de l’AFD. Il s’agit d’un parti d’extrême-droite allemand qui programme tranquillement la déportation forcée de 2 millions d’Allemands s’il parvenait au pouvoir. Un détail, sans doute ? « On a échangé sur pleins de questions, on a les mêmes solutions » a indiqué la sinistre présidente de ce parti au sujet de Le Pen-Bardella. Voici donc une indication du niveau des « conséquences matérielles » à prendre en compte, lorsqu’on parle de l’extrême-droite.
Espérons donc que les belles cérémonies du 21 février 2024 aient ouvert les yeux et les oreilles, et que chacun, parmi la gauche et les progressistes, va réfléchir à comment mieux faire pour contrer les dangereux personnages du Rassemblement national, et le dangereux gouvernement qui les nourrit depuis trop longtemps. Ne jamais désespérer !
- https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/220224/manouchian-marine-le-pen-et-la-legion-etrangere-0 ↩︎
Image d’illustration : Le Panthéon, le 8 mai 2017, par Guilhem Vellut (CC BY 2.0)
