ÉDITO. Convulsions de la Macronie, agonie d’une République bourgeoise


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Le 8 septembre, François Bayrou avait décidé de mettre fin lui-même de manière théâtrale à son rôle de chef du gouvernement, devant une impopularité sans cesse grandissante et un refus de son projet de budget, à l’origine du mouvement social Indignons-nous ! Bloquons tout !.

Même si ce mouvement a pu paraître, au même titre que les journées d’actions organisées par l’intersyndicale, trop peu mobilisateur à ce jour, il faut d’ores et déjà reconnaître une victoire à ce sursaut populaire. Il a imposé son calendrier social à un monde politique et médiatique trop habitué à cette période de l’année à « débattre » de l’utilisation par les familles populaires de l’allocation de rentrée scolaire ou des attitudes vestimentaires des adolescentes françaises.

Depuis il aura fallu près d’un mois au successeur de Bayrou, Sébastien Lecornu, pour composer un gouvernement fait de recyclages des précédents opus de la Macronie, et celui-ci aura tenu moins d’une demi-journée, face aux contradictions internes de la bourgeoisie et aux ambitions de LR notamment. Tout cela précédant un rappel de Lecornu par le Président de la République pour trouver en deux jours ce qu’il n’avait pu trouver en trois semaines… Un numéro de cascade politique qui témoigne d’une fin de règne digne de l’Ancien Régime.

L’attelage gouvernemental tenait pourtant bien plus du remaniement cosmétique que de la « rupture » un temps évoquée. Le simple fait de reconduire Rachida Dati à ses fonctions, malgré ses affaires judiciaires en cours, celles sûrement à venir et ses difficultés à faire aboutir au Parlement les volontés présidentielles de liquidation du service public de l’audiovisuel, constituait déjà un sacré bras d’honneur alors que Mme Dati est aussi dans le même temps candidate à la Mairie de Paris !

Se foutre de la gueule du monde, Macron y est depuis longtemps habitué mais ce gouvernement éphémère n’aura pas su contenter non plus les attentes d’une partie du grand patronat français, qui n’a plus aucun scrupule à tenter de hâter la venue au pouvoir de l’extrême droite après ses illusions perdues pour le « Mozart de la Finance ». Celui-ci semble, à leurs yeux, incapable d’aller assez vite dans la destruction du modèle social français tandis qu’au RN, Jordan Bardella fait résonner une musique plus douce que celle de Marine Le Pen aux oreilles des admirateurs de Milton Friedman et de Friedrich Hayek présents au MEDEF.

Plus que jamais depuis la Libération, une crise de légitimité du pouvoir politique est ouverte. Seul un retour vers le peuple peut être à même d’y remédier. Toute autre bricolage politique ou institutionnel avec une Constitution usée jusqu’à la corde et plus que jamais anachronique aurait le même destin que le gouvernement Lecornu.

Il en est ainsi de la volonté de certains, à gauche, qui se disent ouverts à travailler avec les partisans de Macron mais rechignent à l’unité du camp du progrès social et du monde du travail. Le retour vers le peuple que beaucoup invoquent ne peut, en revanche, pas se résumer à des législatives et/ou même à des présidentielles anticipées.

Ce retour au peuple exige au moins autant une amplification du mouvement social, comme il a besoin aussi d’un débouché politique qui crédibilise et rende palpable un monde meilleur. Ce monde meilleur, de paix et de progrès humain, passe forcément par une rupture avec le présidentialisme d’un côté et l’économie de marché de l’autre, dans une 6ème République qui donne réellement le pouvoir au peuple.

L’heure n’est pas à l’eau tiède dans le moment politique que nous vivons ! La marche est sans doute haute, mais rappelons-nous que les seuls combats perdus sont ceux que l’on ne mène pas !


Image d’illustration : « © Ecole polytechnique / Institut Polytechnique de Paris / J.Barande« , photographie du 14 octobre 2022 (CC BY-SA 2.0)

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