Il y a des moments où l’histoire bascule radicalement, sans le bruit des canons, mais avec la force et le courage des convictions.
Alors que l’armée israélienne bloquait l’accès à Gaza au voilier Madleen, appartenant à la coalition « Flottille de la liberté », un important convoi terrestre (La Caravane Soumoud) est parti du Maghreb avec pour objectif, lui aussi, de « briser le blocus » imposé à Gaza par l’État israélien. Regroupant des dizaines d’autocars et des centaines de véhicules, ce convoi rassemble désormais plus de 7 000 personnes qui se sont données rendez-vous au Caire ce jeudi 12 juin, avant de poursuivre ensemble leur route vers Rafah, où ils prévoient d’arriver le 15 juin prochain. La marche, initiée par un collectif citoyen international, réunit des participants venus de 52 pays du monde.
Ces milliers de femmes et d’hommes lancent un message fort : face à l’impuissance des puissances, face aux institutions internationales paralysées et à la lâcheté des dirigeants, les peuples du monde peuvent encore reprendre leurs destins en main.
En traversant ces routes, ils brisent les silences et rappellent une vérité que beaucoup veulent étouffer : le peuple palestinien n’est pas seul. Ils disent au monde que ce qui se passe là-bas, en Palestine, nous concerne tous ici et qu’il est du devoir de chacun de briser l’isolement des peuples opprimés.
Plus largement, ce n’est pas un hasard si les peuples du monde arabe sont à l’avant-garde de cette mobilisation. Ce sont ces peuples qui, au cours des deux dernières décennies, ont incarné les moments révolutionnaires les plus puissants de notre époque. De Tunis au Caire, de Sanaa à Damas, d’Alger à Beyrouth, les « Printemps arabes » ont marqué l’Histoire du monde.
Ces peuples savent ce que signifie résister face à des régimes autoritaires et brutaux. Cette mobilisation est le prolongement naturel des consciences politiques forgées durant les révoltes du monde arabe. Elle démontre qu’un peuple qui s’est levé pour sa propre dignité est en mesure de se lever pour celle des autres.
Ainsi derrière les frontières nationales, des solidarités spontanées unissent souvent les peuples arabes qui partagent une histoire, une langue et des luttes communes. De l’autre côté de la barricade les classes dirigeantes arabes, qu’elles soient militaires, monarchiques ou religieuses, tendent à former un bloc homogène, soudé par des intérêts économiques, sécuritaires et diplomatiques communs avec le reste des bourgeoisies du monde.
Cette alliance tacite entre les classes dominantes mondiales renforce leur capacité à réprimer les mouvements populaires, souvent au nom de la stabilité nationale, comme tente de le faire le gouvernement égyptien, qui se rappelle lui aussi des conséquences du Printemps arabe sur son territoire.
C’est pour cette raison que cette initiative internationale se heurte à mur de répression ordonné par Israël et appliqué par l’Égypte. En effet, par la voix de son ministre de la Défense, Israël a publiquement exigé que l’Égypte bloque cette marche, allant jusqu’à qualifier les manifestants de « djihadistes ». Depuis, les autorités égyptiennes multiplient les intimidations : arrestations arbitraires, expulsions, descentes de police dans les hôtels des délégations étrangères, détentions sans motif.
Ces événements rappellent une vérité toute simple : lorsque les États trahissent les principes de justice et de liberté, ce sont les peuples qui se lèvent pour les porter. Et lorsqu’ils se lèvent, se dresse systématiquement devant eux la violence de l’ordre établi.
Du voilier Madleen à la Caravane Soumoud, nous retiendrons que l’Histoire appartient toujours à celles et ceux qui ont le courage de la faire basculer.
Pour soutenir les courageux participants de la Caravane, comme les membres de l’équipage du Madleen encore emprisonnés en Israël, rendez-vous dès ce samedi en manifestation partout en France !
Image d’illustration : « Demonstration for standing with Palestine in Tunisia Tunis Kassba square », photographie du 15 mai 2021 par Brahim Guedich (CC BY-SA 4.0)