Le monarque à la tête du front antipopulaire


Par Patrick le Hyaric.

Cet article du 7 septembre 2024 est extrait de la lettre hebdomadaire de Patrick Le Hyaric. Cliquez ici pour lire la lettre de la semaine, et ici pour vous y abonner.

L’été se retire peu à peu et laisse derrière lui son lot d’émotions, d’inquiétudes et de joies mêlées, d’espoir de temps meilleurs. Un été de contrastes refusant de céder à la coulée d’angoisses en construisant des digues de fraternité. Elles se renforceront encore dans quelques jours à la Fête de l’Humanité.

Un été sans trêve, bousculé, hanté par nos espoirs levés avec l’installation d’une majorité très relative de députés du Nouveau Front populaire à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas anecdotique. Si le monarque-président avait respecté le choix des électrices et des électeurs, le Smic serait déjà réévalué jusqu’à 1 600 €, une conférence sociale se préparerait sur la revalorisation de tous les bas salaires et des retraites, la transformation des emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés serait en discussion, la loi des 64 ans imposée autoritairement serait remis sur la table pour un débat national sur les moyens de la geler, avant son abolition. La rentrée scolaire serait moins stressante pour les enseignantes et enseignants qui seraient, avec les parents d’élèves, mobilisés pour un nouveau projet éducatif laissant derrière lui le tri social.

Autant d’idées qui durant l’été ont fait l’objet de mille discussions en famille et entre amis. Cette envie de renouveau ne s’éteindra pas avec les rayons de l’été.

Le monarque à la tête du front antipopulaire

Pourtant, le monarque s’est acharné à briser cet espoir. Il a organisé un été de confiscation sans trêve. Après avoir supprimé le gouvernement pendant tout l’été, voici qu’il choisit un Premier ministre, membre du bureau politique du parti « Les Républicains » mué en « droite républicaine » soit le parti qui n’a pas 50 députés à l’Assemblée nationale. Il est vrai qu’il reste majoritaire au Sénat.

Quel gage a-t-il fallu donner au RN/FN pour qu’il accepte M. Barnier : plus de sécuritaire, plus de restrictions à l’immigration, plus de soumission aux injonctions de la commission européenne qui dans des documents non publics réclame une réduction de crédits publics de plus de 100 milliards d’euros, autrement dit moins de moyens pour l’école et la santé, et la protection des forces de l’argent.

M. Macron brandit donc des bras d’honneur à la démocratie politique et au vote. Pour lui et sa caste, on peut bien voter comme on veut, à la condition essentielle que l’on « poursuive le politique pro-business » comme l’a dénommée son ami président du Medef. Exactement ce qu’une majorité de nos concitoyens ne veulent plus au point d’avoir réduit par les urnes, le parti du président au rang de minorité présidentielle. Ils ont dit avec force qu’ils ne voulaient plus de la politique macroniste tout en refusant de donner les clés des ministères à l’extrême droite.

L’espoir à réanimer

L’espoir est là. Celles et ceux qui rendaient les urnes silencieuses se sont fait entendre avec éclats entre les deux tours des élections législatives, ranimant le meilleur des traditions démocratiques, républicaines et révolutionnaires de la France, drapé sous la bannière dans ce qui est baptisé « front républicain ».

Ce fut un grand soulagement avant de vibrer pour les Bleus pendant l’Euro de football, d’assister médusé au duel Vingegaard vs Pogacar sur les routes verdoyantes du Tour de France, dans les plaines et à l’assaut des montagnes qui poussent au dépassement encouragé par la foule enthousiaste piétinant les accotements. On aura été heureux des performances des jeunes Français : Martin, Bernard, Madouas, Bardet, Jégat, Barguil, Laporte, Gaudu. Et avons aimé la beauté du Tour féminin dans la foulée des Jeux olympiques.

Ceux-ci auront agi comme une bouffée d’oxygène générale, avec une cérémonie d’ouverture flamboyante, puisant au plus profond de notre histoire démocratique et révolutionnaire, loin des ambiances rances et racistes, loin des discriminations et du laid qui occupent certains écrans. Le succès du film « Un petit truc en plus », celui du nouveau Comte de Monte-Cristo ou encore le foisonnement de romans en cette rentrée littéraire et le succès des festivals d’été sont également de bons signes de vitalité, d’intelligence collective, de désir d’un avenir bâtit en commun loin du vol des votes. Et le récent livre de Vincent Tiberj à rebours des jugements sur la droitisation de la société française va à la fois donner espoir aux progressistes et aux humanistes et constituera une base d’action encourageante pour parler plus encore autour de soi sans préjugés*.

Le niveau de l’entrée en matière de jeux paralympiques d’une haute qualité porte lui aussi, un admirable message de portée universelle. La culture et le sport entremêlés nous parlent d’humanité, de diversité, de respect et d’ouverture aux autres. Les visages des athlètes français disent tout de notre France métissée et créolisée à rebours des pourvoyeurs et des déversoirs de haine, de racisme, d’appels aux discriminations qui vomissent désormais au-delà du sombre lit de l’extrême droite. Le public nombreux aura montré un beau visage de la France : celui du respect et du partage, de la solidarité et de la fraternité.

On aura apprécié la présence et le courage des athlètes de l’équipe des « réfugiés », celui des femmes afghanes, iraniennes, ukrainiennes ou palestiniennes.

On aurait aimé que les commentateurs, aussi approximatifs que sélectifs sur la géopolitique mondiale, eussent une pensée partagée pour l’absence du Karatéka kurde Mohammad-Mehdi Karami, sélectionné pour représenter l’Iran aux Jeux olympiques. Il a été exécuté par le régime dictatorial islamiste de Téhéran le 7 janvier 2023 pour s’être inscrit au sein du mouvement « Femme Vie Liberté ».

Et puis, les larmes aux yeux et les poings serrés nous venons d’apprendre que l’athlète ougandaise qui rentrait des jeux Olympiques, Rébecca Cheptegel vient de décéder après avoir été brûlée vive par son mari.

Les portes des jeux refermés, il faudra bien agir à nouveau pour le développement du sport et des disciplines culturelles à l’école. Il ne suffira pas non plus de célébrer à juste titre les jeux paralympiques si on continue de délaisser les enfants handicapés.


* La droitisation française, mythes et réalités de Vincent Tiberj aux Éditions PUF

Image d’illustration : « Presidente do Senado Federal, senador Rodrigo Pacheco (PSD-MG), recebe a visita do presidente da França, Emmanuel Macron. » par Agência Senado from Brasilia, Brazil (CC BY 2.0)


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