ÉDITO. Face au chaos de Macron et à la haine de l’extrême-droite, faire gagner le Front populaire !


Par Basile Noël.

Après la lourde défaite aux élections européennes de la liste « Ensemble » conduite par Valérie Hayer, recueillant deux fois moins de voix que celle du Rassemblement national (RN), le président Emmanuel Macron a annoncé dimanche soir la dissolution de l’Assemblée nationale. Un fait historique depuis 1997 et la réforme constitutionnelle de 2000 inversant le calendrier électoral au profit de l’élection présidentielle. Ce faisant, il a surpris tout le monde, y compris semble-t-il parmi ses proches.

On aurait tort d’y voir là un grand geste démocratique. Bien au contraire, le président de la République prend ainsi le risque de voir l’extrême-droite, en position de force et boostée par une couverture médiatique complaisante, accéder au pouvoir pour la première fois en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au regard de ses dernières déclarations, renvoyant volontiers dos-à-dos la gauche et l’extrême-droite, et des derniers rebondissements du côté de la droite soi-disant « républicaine », la victoire claire et massive de la gauche unie en Front populaire apparaît comme la seule perspective d’espoir possible.

Depuis les législatives de 2022, la recomposition du paysage politique français en trois blocs est de plus en plus nette. Le bloc bourgeois, se revendiquant centriste et libéral, incarne ce qu’a historiquement été la droite. En renvoyant dos-à-dos la gauche (assimilée à une « extrême-gauche ») et l’extrême-droite, les leaders de ce bloc cherchent à se poser en unique « voix de la raison ». Une sorte de nouveau « there is no alternative » (« il n’y a pas d’alternative »). Cela ne fait que confirmer la tendance amorcée en 2022, où des candidats de la majorité avaient refusé d’appeler à voter pour des candidats de gauche face à l’extrême-droite. De ce point de vue, les « digues » et les contours censés délimiter le champ républicain semblent avoir disparu. Le bloc bourgeois en est presque à se poser en parti unique, puisqu’il incarnerait toutes les tendances « acceptables » selon ses critères.

Plus que jamais, le bloc d’extrême-droite apparaît en position de force. Non seulement son principal représentant, le Rassemblement national, plafonne dans les urnes et les sondages d’opinion, mais il voit même ses idées, des mots et son programme politique être largement repris par le bloc bourgeois. Progressivement, le parti Les Républicains (LR), censé être l’héritier de la droite « républicaine », apparaît comme éclaté entre les Macron-compatibles (qui finiront bien par trouver leur place) et ceux qui, comme Éric Ciotti en début de semaine, ont officiellement basculé à l’extrême-droite. La tête de liste aux Européennes, François-Xavier Bellamy, dont le programme et le discours n’avaient rien à envier à ceux de l’extrême-droite, ne dit pas autre chose en annonçant voter pour le RN face aux candidats de la gauche au second tour. Il n’y a rien de réjouissant, pour nous, dans ce chaos que l’on retrouve tant à LR que chez Reconquête ! (R!), le parti d’Éric Zemmour qui a récemment exclu Marion Maréchal, tête de liste aux Européennes. Car cela ne fait apparaît le RN que comme plus « stable », avec les reports de vote que l’on peut imaginer.

Face à cette position, largement renforcée par un traitement médiatique complaisant qui nous répète inlassablement depuis des années que le RN a changé et qu’il serait devenu un parti « de gouvernement » « respectable », la gauche n’a d’autre choix que de s’unir et de faire front. De faire Front populaire, même. C’est bien cette nécessité historique qui a été entendue par les responsables des partis de la coalition « NUPES » et d’autres organisations de gauche et du mouvement social.

Avec la constitution ces jours derniers d’un « nouveau Front populaire », les organisations de gauche entendent enfin les appels des militant·e·s et sympathisant·e·s qui n’en peuvent plus de voir la gauche se diviser et s’écharper tandis qu’en face le bloc bourgeois se radicalise et le bloc d’extrême-droite fanfaronne. Les échos que l’on entend depuis le lancement de cette campagne doivent nous conduire à l’optimiste. Même les responsables politiques habitués aux petites phrases, à la division et à la complaisance avec les polémiques de la bourgeoisie se sont montrés dans l’ensemble irréprochables ces derniers jours. On ne peut que s’en réjouir et espérer que les logiques d’ego et d’appareils laissent place à l’union dans la lutte contre l’extrême-droite.

Dans sa radicalisation, le bloc bourgeois a rendu de plus en plus flou la ligne qui le sépare de l’extrême-droite. Complaisant avec les riches et les puissants, il s’en prend volontiers aux plus pauvres, à commencer par les étrangers, les chômeurs et les précaires. L’extrême-droite au pouvoir ne fera pas autre chose. Elle fera la même chose, en pire encore. Macron et Attal ont beau se poser en rempart contre l’extrême-droite, personne n’est dupe quand au fait qu’ils lui ont servi de marche-pied. Pire encore, en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, Macron n’a fait qu’accélérer le processus visant à permettre au RN de gouverner le pays.

Peu importe qu’il s’agisse d’une démarche cynique visant à « montrer » ce que serait le RN au pouvoir. Une victoire de l’extrême-droite, même dans le cadre d’une cohabitation, c’est lui laisser le champ libre pour détruire nos droits et nos vies, à commencer par ceux des étrangers, des précaires, des femmes, des personnes LGBT+ et plus encore. C’est renforcer encore la répression des syndicalistes, des militant·e·s associatifs et de toutes celles et tous ceux qui se battent pour améliorer concrètement leurs vies et celles des autres. Laisser le champ libre à l’extrême-droite, c’est aller encore plus loin dans la loi du plus fort, chère au bloc bourgeois comme au bloc d’extrême-droite.

La gauche unie en Front populaire doit se poser en rupture claire avec cet ordre des choses. La haine des autres et la trop grande inégale répartition des richesses ne sont pas des fatalités avec lesquelles il faudrait composer. L’espoir doit se construire autour d’un programme de solidarité visant au bien-être de toutes et tous, tant sur le plan matériel que moral. Il apparaît évidemment que les politiques bourgeois nous ont conduit et continuent de nous conduire vers l’abîme. Le bloc bourgeois, soi disant modéré et rationnel, se montre incapable à la fois de répondre à la crise climatique et à faire barrage à l’extrême-droite, comme l’ont confirmé les dernières élections et comme le confirment les sondages. Parce que nous ne voulons pas d’un pays plongé dans la haine, le chaos et la lutte de tous contre tous, nous devons maintenant nous poser pour ce que nous sommes : la seule alternative possible à l’extrême-droite. C’est ainsi que les choses se joueront le 30 juin et le 7 juillet dans les urnes.

Il est donc essentiel de tout faire pour faire gagner le nouveau Front populaire dans les urnes. Cela doit passer par toutes les formes d’organisation possibles au niveau local, autour des partis, des syndicats, des associations et des collectifs déjà existants. Déjà, partout, la sidération de dimanche soir laisse place à l’envie de lutter et de gagner. Il ne reste plus qu’à se plonger toutes et tous dans cette dynamique, à chercher à convaincre partout, à montrer et démontrer que la solidarité sera toujours plus forte que la haine. Peu importe les logiques d’appareils et les egos, nous devons faire front, car il est clair que nous n’aurons pas la complaisance des médias et que nos adversaires chercheront à créer des polémiques insidieuses. En cela, l’union doit rester forte. Et seulement ainsi nous pourrons construire les fondations du monde que nous voulons dès demain.


Image d’illustration : « 15 juin, Marche parisienne contre l’extrême-droite », par Jean-Paul Romani, Photothèque du Mouvement social


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