Par Patrick Le Hyaric.
Cet article du 20 avril 2024 est extrait de la lettre hebdomadaire de Patrick Le Hyaric. Cliquez ici pour lire la lettre de la semaine et ici pour vous y abonner.
Les attaques de la Russie sur les populations et infrastructures ukrainiennes continuent alors que le Congrès américain est en passe de voter un nouveau lot de crédits pour armer l’Ukraine après les engagements de l’Union européenne à le faire. La seule lueur vient de la rencontre récente entre le chancelier allemand et le président chinois qui ont ensemble déclaré soutenir et participer à la conférence pour la paix qui pourrait se tenir les 15 et 16 juin prochains en Suisse. Dans un texte publié à cette occasion, la Chine a appelé au dialogue, s’est opposée à tout recours à l’arme nucléaire et a exhorté au respect de l’intégrité territoriale « de tous les pays ». La diplomatie française gagnerait en crédit si elle s’engageait activement dans cette voie afin de favoriser le dialogue et un cessez-le-feu.
Au Proche et Moyen-Orient, la question se pose de savoir si nous ne sommes pas déjà dans l’escalade.
Des boutefeux s’agitent comme des mannequins secoués par les vents sur nos écrans dans le but de conditionner les populations. Ils le font sans nuance, sans expliquer les complexités. Au fond ils prennent partie. Aligné sur un camp, ils font de toute personne, tout militant prenant partie pour la paix ou pour la cause palestinienne des adversaires ou des ennemis qu’il faut faire taire.
Ils n’ont pas hésité à qualifier l’attaque de l’armée israélienne le 2 avril sur la mission consulaire de l’ambassade d’Iran à Damas « d’attaque attribuée à Israël ». Pourquoi un tel mensonge. Il y a bien eu six missiles tirés par des avions chasseurs F-35 de l’armée israélienne sur le bâtiment iranien réduit à un amas de ruines à Damas. Treize représentants iraniens, dont sept officiers y ont été tués. L’armée israélienne est coutumière de telles attaques dans la région. L’attaque contre un bâtiment diplomatique d’un pays est une atteinte au droit international tel que codifié par un traité international datant de l’année 1963.
La réaction de l’Iran avec une pluie de drones et de missiles doit tout autant être condamnée fermement. Le droit de se faire justice soi-même ou le droit à la riposte ou à l’autodéfense n’existe pas dans le droit international.
Seul le Conseil de sécurité de l’ONU peut décider les formes et le niveau d’une réplique. Ceci était vrai au lendemain des crimes terroristes du Hamas contre des familles israéliennes. Cela l’est tout autant pour l’agression décidée par le pouvoir iranien. La qualification et les sanctions de ces deux actes guerriers – le bombardement d’une annexe d’ambassade à Damas pour Israël et la réplique aérienne de l’Iran doit être mis au débat et au jugement du Conseil de sécurité de l’ONU dont le rôle est de chercher à régler des différents par la voie diplomatique.
L’offensive iranienne a été à juste titre largement condamnée. Rien de tel début avril contre l’attaque israélienne. Pourquoi toujours ce deux poids, deux mesures ? Au contraire, la contre-offensive israélienne au petit matin du 19 avril a été justifiée par les fauteurs de guerre qui passent une bonne partie de leur temps à discréditer l’Organisation des Nations Unies. L’ambiance crée autour de ces deux attaques –iranienne puis israélienne au-dessus d’une base militaire d’Ispahan – est curieuse, ambiguë, inquiétante.
La militarisation de la région et ces « tests guerriers » portent en eux de lourds dangers au détriment de tous les peuples du Proche et du Moyen-Orient.
Les déséquilibres dans les condamnations jettent aussi de l’huile sur un engrenage dangereux, dont on ne sait pas où il peut mener le Moyen-Orient et au-delà le monde entier. Tout doit donc être fait pour enrayer cet engrenage dangereux au lieu de clamer comme le font les États-Unis leur « soutien inébranlable » au pouvoir de droite extrême israélien qui, pendant ce temps continue de détruire Gaza, à commettre des crimes de masse et à affamer la population palestinienne alors que la colonisation s’accélère et que les geôles israéliennes s’emplissent de prisonniers politiques palestiniens.
Nombreux sont celles et ceux qui aujourd’hui font valoir – à juste raison – que le Premier ministre israélien tente d’élargir le spectre de la guerre à la seule fin de rester au pouvoir le plus longtemps possible. Avec son acte guerrier l’Iran aura réussi à sortir Netanyahu de l’isolement international dans lequel il commençait à se trouver. Il est clair également que cet épisode de confrontation permet de camoufler les crimes commis à Gaza et de chercher à fédérer autour de lui les capitales occidentales qui se prêtent malheureusement bien au jeu1.
Or, l’urgence d’initiatives politiques audacieuses frappe à la porte.
D’abord faire respecter les recommandations de la Cour internationale de justice et faire appliquer la dernière résolution du Conseil de sécurité pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza, la libération des otages et de prisonniers politiques palestiniens, dont Marwan Barghouti, le déblocage immédiat de l’aide humanitaire. Avec l’ONU, la reconnaissance de deux États vivant côte à côte et en sécurité doit devenir un processus de travail. La demande d’arrêt de fourniture d’armes à Israël et la mise en sommeil de l’accord d’association Union-Européenne – Israël doivent devenir des objectifs politique mis entre les mains des peuples. De même des initiatives devraient se démultiplier auprès du président de la République française pour qu’il reconnaisse officiellement l’État de Palestine. Le gouvernement espagnol joue un rôle positif en reconnaissant l’État de Palestine et en demandant à d’autres pays européen de faire de même. L’impérialisme nord-américain a une nouvelle fois montré son vrai visage et ses vrais objectifs en opposant son veto contre l’admission à part entière de la Palestine aux Nations Unies.
Les interdits, dans notre pays des réunions qui demandent l’application du droit international participent de la même démarche : étouffer la solidarité avec un peuple colonisé, martyrisé, écrasé par les armes occidentales, affamé.
Ils s‘enchaînent dans un climat nauséabond et sur la base de l’organisation d’un dangereux confusionnisme. Soutenir les enfants de Gaza ne fait pas de nous des antisémites. Critiquer, condamner l’extrême droite et les suprématistes au pouvoir à Tel-Aviv non plus ! Ces condamnations ne signifient pas que nous souhaiterions la disparition d’Israël. Agir pour la Paix en Ukraine, ne fait pas de nous des partisans de Poutine. Alerter sur la survie du genre humain ne fait pas de nous des « éco-terroristes ». Cette pression réactionnaire, qui se développe, vise à étouffer les débats et les actions. Que l’on puisse interdire des conférences de Jean-Luc Mélenchon, convoquer Rima Hassan prétendument pour des faits commis en novembre, condamner des dirigeants départementaux de la CGT pour des tracts, interdire des débats organisés par des associations de solidarité avec le peuple palestinien ou des conférences d’organisations communistes avec Salah Hamouri ou encore les manifestations pour la justice et la paix comme au mois d’ octobre dernier nous pousse vers une pente dangereuse, fait franchir à notre pays un cap très inquiétant. Pendant ce temps l’extrême droite Française est de multiples façons blanchie de son antisémitisme.
La réaction rampante veut taire toute opinion non-alignée loin de ce qu’a défendue la France depuis longtemps, veut faire étouffer tout débat et toute solidarité afin de pouvoir jeter définitivement aux orties les multiples résolutions des Nations Unies reconnaissant deux États : un État Israélien et un État Palestinien. Tel est l’enjeu. Raison de plus pour ne pas baisser la garde à l’unisson des jeunesses et de peuples qui à travers le monde notamment aux États-Unis manifestent avec force et dans l’unité leur solidarité avec le peuple palestinien.
- Lire l’article de Francis Wurtz dans l’Humanité Magazine de cette semaine. ↩︎
Image d’illustration : « Qadr ballistic missile » le 9 mars 2016 par Mahmood Hosseini (CC BY 4.0)