Par Manel D.
Après cent jours de guerre, la destruction systématique et continue de la vie des Palestinien·nes à Gaza, 23 000 morts Palestinien·nes, 7 000 porté·es disparu·es, l’État israélien a enfin été mis sur le banc des accusés au sein de la Cour internationale de justice (CIJ), en raison de la plainte de l’Afrique du Sud.
Les 11 et 12 janvier à La Haye, l’Afrique du Sud a présenté lors de deux audiences un document de 84 pages, dans lequel elle accuse l’État israélien de « recours aveugle à la force et au déplacement forcé d’habitants », de « crimes de guerre » et de violation de la Convention des Nations unies sur le génocide. Il est demandé à la haute juridiction de l’ONU de prendre des mesures immédiates pour l’arrêt de l’opération militaire israélienne.
Cette action est vitale et essentielle pour le peuple palestinien. Donner une expression juridique aux voix qui réclament à cor et à cri le cessez-le-feu, c’est lever le silence face à l’injustice que subissent les Palestinien·nes.
En se saisissant de la machine judiciaire, l’Afrique du Sud a gravé son action dans les pages de l’Histoire. D’une part, elle fait renaître l’espoir et l’exigence de justice dans le monde entier. D’autre part, elle brise l’emprise de l’hégémonie états-unienne, en unissant autour d’elle de nombreux pays dans le monde, notamment ceux du Sud qui voient dans l’injustice faite aux Palestinien·nes un rappel de leurs propres souffrances engendrées par la domination des puissances impérialistes. Enfin, elle remet au cœur de l’action politique la responsabilité et la nécessité d’agir contre l’apartheid, la colonisation et le nettoyage ethnique mis en œuvre par le gouvernement israélien.
Pour ces raisons, les déclarations d’organisations de défense des droits humains se sont multipliées pour soutenir la plainte pour « génocide » défendue par l’Afrique du Sud. De nombreux pays se sont aussi saisis de l’occasion pour manifester leur soutien (parfois pour faire oublier leur propre inaction récente…), dont la Ligue Arabe, l’Indonésie, la Bolivie, le Venezuela, la Colombie, Cuba, le Brésil, la Turquie, l’Iran, l’Irlande, la Namibie…
Les peuples en lutte pour la libération palestinienne se sont aussi emparés de cette actualité pour intensifier leurs initiatives politiques. De nombreux groupes d’activistes dans le monde exigent de leurs gouvernements l’invocation de la Convention sur le génocide à l’encontre d’Israël.
Le fait que l’Afrique du Sud soit à l’origine de cette affaire n’est pas anodin. Le soutien à la cause palestinienne est intrinsèquement ancré dans son identité nationale et constitue un fondement important de sa politique internationale. En son temps, l’Afrique du Sud a ainsi livré ses propres batailles auprès de la Cour Internationale de Justice, pendant la lutte contre l’apartheid et l’imposition de la ségrégation raciale.
La Cour internationale de Justice donnera suite à ces audiences dans un délai compris entre une semaine et un mois. Selon les observateurs internationaux, il est très probable qu’elle accorde un nombre important des mesures provisoires réclamées par l’Afrique du Sud.
Cependant, il est clair que la CIJ n’arrive toujours pas à s’imposer comme instrument de réparation des crimes causés par les conflits impérialistes, notamment parce qu’elle affronte l’opposition déterminée des États-Unis et de ses alliés. Bien que la CIJ n’ait pas de pouvoir coercitif propre pour obliger les États à se conformer à ses décisions, ses jugements isoleraient encore plus Israël sur la scène internationale et constitueraient une ressource puissante pour les défenseurs du peuple palestinien.
Après plus de cent jours de conflit, le monde ne peut rester indifférent face à un tel drame. C’est l’indifférence et l’impunité qui rendent possibles les bombardements, les punitions collectives et les crimes israéliens. Pour cela, la communauté internationale doit enfin agir d’une seule voix. L’affaire portée dignement par l’Afrique du Sud au sein de la CIJ est un point d’appui essentiel pour les peuples en lutte contre l’organisation impérialiste du monde, qui rend possible les crimes de guerre et l’exploitation des peuples.
Image d’illustration : Salle d’audience de la Cour internationale de justice en 2022, par Asamblea Legislativa Plurinacional (CC BY 2.0)