ÉDITO. L’escalade irresponsable vers la guerre


Par Hadrien Bortot.

Le 18 novembre, Joe Biden, Président en bout de course, a choisi de franchir une nouvelle ligne rouge en autorisant l’Ukraine à utiliser des missiles balistiques longue portée sur le territoire russe. Ce geste, qui a pour but d’engager plus loin le conflit avant l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, constitue un pas de plus vers une guerre totale. Il poursuit ainsi l’œuvre de ses prédécesseurs qui ont mis à feu et à sang le continent américain, le Moyen-Orient, la Lybie…

Dans un monde au bord du gouffre, cette décision irresponsable fait écho à une classe politique qui ne sait plus faire rien d’autre que jouer avec des allumettes au milieu d’un baril de poudre. Ce n’est pas une simple mesure tactique : c’est un acte de guerre, point final. Et que fait Vladimir Poutine ? Fidèle à sa stratégie, il s’en délecte, exploitant chaque mouvement adverse pour alimenter sa propagande, se parer des habits de la victime et renforcer son emprise. Le soutien actif de l’armée nord-coréenne à la guerre russe a tout du mauvais scénario menant au drame.

Mais où cela s’arrêtera-t-il ? Depuis bientôt trois ans, de Kiev à Gaza, les champs de bataille s’étendent et les discours diplomatiques s’effondrent. Les institutions internationales apparaissent aux yeux du grand public comme des coquilles vides, incapables d’agir autrement que par des condamnations molles ou des silences complices. Qu’il s’agisse de la paix, de la faim ou de l’avenir de la planète, rien ni personne ne semble en mesure d’arrêter l’inexorable marche en direction du précipice.  Les peuples, eux, subissent. Il n’y a pas de mouvement social mondial pour la paix ou pour la planète pour arrêter ces folies. Cette guerre permanente ne se nourrit que de notre apathie collective.

La véritable menace est là : une humanité anesthésiée, prête à accepter l’impensable. La peur d’un hiver nucléaire devrait suffire à réveiller les consciences, mais elle est reléguée au second plan par des dirigeants qui jouent au poker avec nos vies. Biden, Trump, Poutine, Milei, Macron : ces hommes incarnent la faillite morale et politique d’un monde gouverné par des intérêts économiques et nationalistes.

L’autorisation de Biden, n’est rien d’autre qu’un pied de nez aux espoirs de paix, un crachat au visage de ceux qui croient encore en la diplomatie. Le G20 aurait pu être un espace de négociation, mais il n’est que le théâtre cynique d’une surenchère impérialiste. Le trublion Milei, porte-voix des libertariens comme Musk, peut même y refuser le peu d’avancées en matière de régulation pour lutter contre la faim.  

L’Ukraine, hélas, n’est qu’un pion dans un affrontement global entre un capitalisme occidental en quête de domination et un capitalisme russe revanchard. Le conflit en Ukraine n’est pas simplement une série d’actions et de réactions isolées, mais le produit d’un affrontement entre blocs économiques et géopolitiques rivaux. L’OTAN, moteur de l’expansion occidentale depuis la fin de la guerre froide, et la Russie, puissance néo-impériale, qui porte un projet de restauration de son influence dans les régions post-soviétiques, au prix de la souveraineté ukrainienne, s’affrontent sur le dos des peuples ukrainiens et russes, transformant l’Europe en terrain de guerre par procuration.

Tant pis, si la question de la paix a été centrale dans la défaite des démocrates américains, incapables de cacher leur néo-conservatisme d’un autre temps. Becs et ongles, jusqu’au bout, ils auront défendu le complexe militaro-industriel, drapés dans la défense de la démocratie occidentale, sans parler des peuples victimes de la guerre. 

Ce cynisme explique pourquoi la solidarité avec le peuple ukrainien a disparu. Les larmes versées hier pour Kiev ont été inopérantes car elles ont été récupérées par celles et ceux qui n’ont que la défense des intérêts occidentaux pour boussole. Enfin, n’oublions pas que la guerre, si elle fait des morts sur le terrain, fait aussi des victimes dans les urnes. La défaite des démocrates américains est une preuve supplémentaire que les peuples aspirent à la paix, et non à des décisions dictées par un complexe militaro-industriel omniprésent.

Kamala Harris a payé cher le soutien inconditionnel à Israël et le mépris de son parti pour les voix de la communauté musulmane américaine et des campus progressistes américains dans les États clefs. Lassés d’une politique étrangère belliqueuse et hypocrite, ils ont ainsi précipité la victoire de Trump qui poursuivra la guerre sur le terrain économique comme il l’a déjà annoncé.

Il est temps de dire stop. Stop à la fuite en avant guerrière, stop à l’inaction des institutions internationales, stop à la normalisation de la violence. La guerre n’est pas une fatalité, elle est une décision politique. Et il revient aux peuples, aujourd’hui plus que jamais, de refuser cette logique infernale.

Il nous faut pousser partout les logiques de paix et d’anti-impérialisme : 
Condamner simultanément les impérialismes occidental et russe, sans excuser l’un pour mieux critiquer l’autre.
Rejeter le rôle des puissances capitalistes européennes comme « médiatrices » et privilégier une solution issue des initiatives de la communauté internationale y compris de pays du Sud global.
Mettre en lumière le lien structurel entre militarisme et exploitation capitaliste, en dénonçant le rôle des complexes militaro-industriels des deux camps.
Appeler à une solidarité concrète des peuples européens avec les classes populaires ukrainiennes et russes, en première ligne de ce conflit, en dénonçant les sanctions économiques et les politiques militaristes qui les emprisonnent et les appauvrissent davantage.


Image d’illustration : « President Joe Biden greets Ukrainian President Volodymyr Zelenskyy prior to a bilateral exchange in Paris, France », photographie du 7 juin 2024 par l’officier de l’US Navy Alexander C. Kubitza, Département de la Défense états-unien (PDM 1.0)


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