ÉDITO. Bas les masques !


Par Hadrien Bortot.

Le 8 octobre, le gouvernement Barnier n’est pas tombé ! Il a résisté à sa première motion de censure. Les illusions quant au positionnement du Rassemblement National se sont quant à elles, dissipées.

Le Pen et sa troupe font bien partie du système, sont respectueux de « l’ordre républicain », et ont donc donné sa chance à Michel Barnier. Comme si un gouvernement, composé des reliques du macronisme et de la droite LR (au pouvoir depuis plus de 40 ans), pouvait mener une autre politique que celle favorable aux plus riches.

Selon les mots du député RN Bigot, son groupe brûlait de voter la censure, mais la sauvegarde des petits intérêts en a décidé autrement. Les 125 députés d’extrême droite, le doigt sur la couture du pantalon, ont soutenu l’alliance Barnier/Macron/Le Pen. Ils font désormais partie de la majorité.

Le macronisme est, quant à lui, exsangue. Macron, en refusant de nommer un Premier ministre de gauche et en négociant avec le Rassemblement National, a mis son gouvernement entre les mains de l’extrême droite. Il est le fossoyeur du front républicain et a donné à Le Pen le pouvoir de dicter l’agenda politique, disposant ainsi du droit de vie ou de mort sur les ministres et le Premier ministre.

Par ailleurs, son alliance avec Les Républicains s’est faite sur la pire des bases : la chasse aux électeurs frontistes. En 10 jours, Bruno Retailleau a réussi la prouesse de faire passer son prédécesseur, Gérald Darmanin, pour un modéré. La charge du ministre de l’Intérieur contre l’État de droit n’est pas une petite phrase de plus. C’est une construction politique visant à faire glisser la vision libérale de l’État vers une vision plus féroce, hobbesienne : celle d’un Léviathan auquel il faut abandonner la liberté en échange de la sécurité des biens et des personnes. L’État ne se contente plus de garantir les droits politiques et le marché ; il se réduit à garantir les intérêts des plus riches.

Si la gauche a su s’organiser à l’Assemblée pour qu’il ne manque pas une voix à la motion de censure — fait remarquable tant le niveau de tension entre socialistes et insoumis est grand, notamment concernant le génocide en cours à Gaza et la guerre au Proche-Orient —, elle reste néanmoins très fragile, tiraillée par les tentatives de reconstruction d’une ligne sociale-démocrate.

Delga, Bouamrane, Hollande, et Glucksman ont tous pris des initiatives pour ressusciter l’idée d’une gauche « raisonnable » et donc plus apte à gouverner. Disons-le tout net : c’est un mirage. La gauche ne pourra pas gagner si elle n’offre pas au plus grand nombre un antidote puissant à l’illibéralisme et au racisme. Pour relever ce défi, la gauche devra lever les impostures.

Pour démasquer l’extrême droite, il faut construire un récit de gauche solide, qui dissipe  l’écran de fumée que représente « l’immigration » dans le débat public. Il faut sortir d’un antifascisme creux qui ne s’attaque pas aux racines des dominations systémiques, et promouvoir l’union des travailleurs et travailleuses, le rassemblement du peuple contre les dominations, en mettant en accusation le système capitaliste, responsable de la crise climatique, de la misère et de l’exploitation. Cela passe par la formalisation d’un nouveau contrat social qui redéfinirait les bases de l’appartenance à la nation, reposant non plus sur l’identité historique, mais sur une citoyenneté de résidence. Il faut également sortir de la logique d’accumulation qui détruit la planète et les rapports sociaux.

Ce vaste chantier devrait amener la gauche non pas à une guerre de chapelles, mais à une transformation profonde des institutions pour les démocratiser. De l’État à l’entreprise, aucun lieu de pouvoir ne doit échapper à la construction d’un pouvoir partagé par celles et ceux qui travaillent, produisent et créent. Pour cela la gauche peut s’appuyer sur les alternatives déjà-là, sur les services publics qu’il faut conforter, sur les formes de socialisation du travail comme les coopératives, sur la sécurité sociale pilier d’une république sociale. Il faut maintenant sortir des postures et construire les rassemblements pour y arriver.


Image d’illustration : « Rome – Masque tragique et comique », photographie du 14 octobre 2014 par Nicolas Vollmer (CC BY 2.0)


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