ÉDITO. Face à Macron l’illibéral, les révolutions à l’ordre du jour


Par Hadrien Bortot.

Depuis la création de Nos Révolutions, nous ne cessons d’alerter sur la dérive illibérale du macronisme et la profonde crise de régime que traverse la France.

Les événements se sont précipités à l’entrée de l’été lorsque le camp présidentiel a perdu deux élections consécutivement, les européennes et les élections législatives anticipées, provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale. Depuis les résultats du 7 juillet puis sa démission le 16 juillet, le gouvernement Attal n’a plus de légitimité parlementaire pour agir. Pourtant, il signe toujours les documents financiers préalables au vote du Budget de l’État, comme si de rien n’était.

Ainsi le 20 août dernier, Gabriel Attal a envoyé les lettres fixant les futurs crédits de paiement et les plafonds d’emploi de chacun des ministères. Le budget qu’il prépare est un budget d’austérité avec 5 milliards de nouvelles coupes, annoncées par Bruno Le Maire. Cette situation a provoqué l’inquiétude de la ministre de l’Éducation démissionnaire, Nicole Belloubet qui a demandé lors de la traditionnelle conférence de presse de rentrée du 27 août, que le budget de l’Éducation Nationale soit “a minima sanctuarisé” car à ce stade “il ne répond pas à l’ensemble des besoins”. Ce sketch antidémocratique se joue dans le silence complice des grands médias.

Ce qui se joue derrière ce que certains veulent faire passer pour des mesures uniquement techniques, c’est la continuité de politiques libérales, confondues avec la gestion des affaires courantes et la sauvegarde des intérêts de la Nation.

C’est le sens du communiqué d’Emmanuel Macron le 26 août, qui écarte pour le poste de Première ministre la candidature de Lucie Castets, présentée par le Nouveau Front Populaire, coalition pourtant arrivée en tête des élections législatives. Ainsi, le Président s’oppose à ce que le NFP propose un gouvernement car celui-ci entraînerait une “instabilité institutionnelle. Il déclare en conséquence que sa « responsabilité est que le pays ne soit ni bloqué, ni affaibli. Les partis politiques de gouvernement ne doivent pas oublier les circonstances exceptionnelles d’élection de leurs députés au second tour des législatives. Ce vote les oblige« .

Pour le président, l’Assemblée Nationale ne doit pas pouvoir se positionner sur le discours de politique générale du Nouveau Front Populaire, ouvrant pourtant la voie à une hausse des salaires et à des réformes de redistribution des richesses. En effet au lendemain de sa nomination, le gouvernement Castets serait en capacité d’augmenter le SMIC, le point d’indice de la fonction publique, et d’abroger la réforme des retraites, avant même d’être soumis à la censure ! Mais pour Macron, le pouvoir n’est ouvert qu’à celles et ceux qui entendent préserver l’économie telle qu’elle est.

La situation française n’est qu’un symptôme de plus des restructurations en cours dans le camp capitaliste, et de l’intensification de la lutte des classes à l’échelle mondiale. Elle traduit la tentation autoritaire de dépassement de la « démocratie libérale », dans le seul but de maintenir les privilèges de quelques-uns et les taux de profits des grands capitalistes. 

Nous vivons nous aussi, en quelque sorte, notre prise du Capitole. Le mythe selon lequel les libéraux sont prêts à rendre le pouvoir s’effondre, et avec lui la fausse croyance selon laquelle des élections suffisent à déterminer qui dispose du pouvoir. Dans cette séquence, l’extrême-droite joue pleinement son rôle de roue de secours du capital. Ne perdons d’ailleurs pas non plus de vue qu’en Turquie, en Inde, en Argentine en Italie, le business peut continuer as usual, avec un pouvoir d’extrême-droite.

Quand Donald Trump dénonce la « communiste » Kamala Harris, quand le ministre démissionnaire Kasbarian rejette le « collectivisme » du Nouveau Front Populaire, c’est la en réalité la même opposition à l’ouverture d’un nouveau cycle de partage du pouvoir économique, social et politique.

La gauche française doit prendre la mesure de cette reconfiguration, et poser ensemble les questions de démocratie et de partage des richesses. Il n’est plus question d’apparaître comme respectables en acceptant les règles du jeu de ceux pour qui il n’y a pas d’alternative au marché.

Il y a urgence, non plus à défendre les institutions républicaines telles qu’elles ont été dévoyés par 30 ans de cogestion entre libéraux de droite et libéraux de gauche, mais à engager un grand mouvement pour une prise de pouvoir politique et économique, pour la République sociale, féministe, écologique et antiraciste, pour des institutions garantissant la justice, donc la liberté.

Ces révolutions sont devant nous, au travail !


Image d’illustration : « Emmanuel Macron », photographie du 2 septembre 2021 par Faces Of The World (CC BY 2.0)


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