ÉDITO. Front populaire ou « union nationale », il faut choisir


Par Antoine Guerreiro.

À l’occasion de la campagne du premier tour des élections législatives, les Français·es ont pu assister au basculement politique de la quasi-totalité des grands médias à l’extrême-droite1. Certains ont fait ouvertement, frontalement et violemment campagne, comme le conglomérat Bolloré (Cnews, C8, Europe 1, le JDD…) ou Le Figaro. D’autres, de BFM TV à LCI, ont été plus subtils. Mais tous ont ânonné inlassablement, du premier au dernier jour, les mensonges hallucinés contre « la gauche antisémite qui fait peur », tout en se prosternant devant la respectable alternance que constituerait l’arrivée d’un gouvernement RN.

Mais dans cette campagne d’entre-deux tours, le ton est en train de changer. D’abord, le Nouveau Front populaire a fait plus que résister à la vague brune, talonnant le RN avec près de 30% des voix2. Le petit milieu des éditorialistes s’est donc confronté une fois de plus à son impuissance électorale. Ensuite à l’approche de l’échéance finale, chacun se demande si finalement, installer le RN à Matignon et dans les ministères, serait un choix si peu coûteux que cela pour les milieux d’affaires… Les profils de dizaines de candidat·es RN, racistes, antisémites et violents, refont surface après avoir été si longtemps passés sous silence3.

C’est dans ce contexte qu’apparaît dans le débat public la proposition d’un « gouvernement d’union nationale »4, voire d’un « gouvernement technique » pour faire obstacle au RN. Tribunes de presse, débats télévisés, allocutions ministérielles… C’est depuis deux jours le nouveau débat à la mode. Ne s’embarrassant même pas du respect le plus élémentaire pour les électrices et électeurs à la veille du second tour, chacun y va de son petit commentaire, sur la composition et les contours de cette « majorité » improbable. Celle-ci pourrait s’étendre, selon certains, de la droite gaulliste jusqu’aux communistes. Quelle bêtise !

Un gouvernement associant la gauche et la droite pour « dépasser les clivages », la France a déjà donné : c’est le macronisme, c’est-à-dire la passerelle assurée vers l’extrême-droite. Alors que l’encre du programme du Nouveau Front populaire est à peine sèche, comment les 10 millions de Français·es qui l’ont soutenu pourraient-ils comprendre cet énième détournement de leur vote vers la droite ?

La première urgence, pour l’heure, est évidemment d’empêcher l’élection de député·es RN par tous les moyens. D’où certains désistements du NFP au profit de macronistes (et parfois inversement), pour éviter la victoire des candidat·es lepénistes au second tour du fait des triangulaires. Mais associer cette légitime démarche de front tactique antifasciste (démarche classique à gauche) à la tambouille d’un gouvernement « technique » (comme si un gouvernement pouvait être autre chose que politique !), c’est offrir pour de bon les clés de l’Élysée à Marine Le Pen en 2027.

Aucun·e parlementaire, aucun·e responsable de gauche ne doit se compromettre dans cette folie. Les candidat·es élu·es sous la bannière du Nouveau Front populaire n’ont qu’une responsabilité : faire appliquer son programme ! À quelques heures de la fin de la campagne, l’heure est à conforter et encourager l’électorat du NFP, non pas à le perdre dans d’obscures tractations parlementaires.

Évidemment en cas d’assemblée nationale sans majorité, la pression s’accentuerait considérablement sur la gauche, pour la faire céder. Privée de ses commis macronistes, et alors que son nouveau cheval lepéniste n’est plus certain de l’emporter, la bourgeoisie cherche à tout prix une nouvelle combinaison pour perpétuer sa politique à la tête du pays. Elle regarde donc avec gourmandise tous ceux qui à gauche (Glucksmann, Berger, Hollande…) ont fait vœu d’obéissance aux lois d’airain de l’économie de marché.

Pour pousser les franges social-libérales du NFP à souscrire à cette hypothèse, l’officialité médiatique agite le spectre de « la France ingouvernable ». Mais de quoi parle-t-on ? Est-il vraiment préférable que la France soit « gouvernée » comme elle l’est actuellement, c’est-à-dire contre son peuple ? Quelques mois sans réforme des retraites, sans loi immigration, sans démantèlement de l’assurance-chômage, serait-ce vraiment l’enfer ?

Alors évidemment, les urgences du pays sont nombreuses, et disposer des leviers gouvernementaux est indispensable pour y répondre. Mais pas dans n’importe quelles conditions ! En réalité, seul un gouvernement du Nouveau Front populaire, déterminé à défendre le peuple travailleur et à affronter les puissances de l’argent, est en mesure de traiter ces urgences. Seul le Nouveau Front populaire porte un projet réellement alternatif à celui, raciste et libéral, du RN.

Quels que soient les résultats ce dimanche, c’est donc cette perspective qu’il faut continuer de nourrir, au Parlement, dans les luttes comme dans les batailles électorales. Sans reculer ni se dédire, car sans la confiance populaire, il est certain que rien de bon ne pourra s’accomplir.


  1. https://www.acrimed.org/Extreme-droite-les-medias-complices-et-coupables ↩︎
  2. Outre-mer compris ↩︎
  3. https://www.france24.com/fr/france/20240703-prise-d-otage-curatelle-et-propos-racistes-les-encombrants-candidat-rn-aux-l%C3%A9gislatives ↩︎
  4. https://www.tf1info.fr/elections/legislatives-a-quoi-pourrait-ressembler-un-gouvernement-de-coalition-ou-d-union-nationale-2306880.html ↩︎

Image d’illustration : « Affiche Nouveau Front populaire juin 2024 » par Guallendra (CC0 1.0)


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