ÉDITO. Commission d’enquête sur la TNT : le grand gâchis en prime time


Par Hadrien Bortot.

La commission d’enquête parlementaire sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations des services de télévision à caractère national sur la Télévision Numérique Terrestre vient de clore ses travaux.

Pendant quatre mois, un défilé d’acteurs du paysage audiovisuel français, incluant les dirigeant·es de chaînes de télévision, les animateurs, les représentant·es des organes de régulation des médias, ainsi que des chercheurs/ses, s’est succédé devant la représentation nationale pour évoquer l’état de la télévision en France.

Ce qui aurait dû être un exercice sérieux a plutôt donné lieu à un spectacle médiatique pathétique, s’installant au cœur même de l’Assemblée. Pour la première fois depuis l’affaire Benalla, les travaux de l’Assemblée ont été scrutés, commentés et décortiqués par les chaînes d’information en continu, dévoilant une image peu flatteuse.

Nous avons assisté à un carnaval médiatique où l’animateur clownesque du PAF se permettait de donner des leçons à la représentation nationale, où les député·s publiaient leurs questions sur les réseaux sociaux sans recevoir de réponses de leurs interlocuteurs, où les émissions en direct de Cnews commentaient les débats de la commission, et où des député·es se prenant pour des procureurs réglaient leurs propres comptes partidaires ; clou du spectacle le Rassemblement National se posant en donneur de leçons sur l’éthique journalistique et le pluralisme des idées.

Cette séquence chaotique s’est terminé dans l’antre de Cyril Hanouna sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste, qui a accueilli le président de la commission d’enquête, le député macroniste Quentin Bataillon. Ce dernier est apparu sur un plateau appartenant à Bolloré pour décerner des louanges à cet empire, distribuer les bons et les mauvais points, avant même la publication du rapport de la commission.

Cette commission est une occasion manquée. On aurait pu espérer que la gauche mette au cœur du débat la mécanique médiatique, la logique de l’auto-référencement des médias, la création des fast-food culturels que sont l’intégralité des plateaux de télévision, ou bien encore la fabrique du consentement.

Rangez Bourdieu et Chomsky au placard, chacun ici a voulu exister par sa question, pour avoir sa petite minute de gloire et… passer à la télé. 

La télévision n’est pas un astre mort comme certains aiment à la présenter. Elle reste une source d’informations essentielle pour une majorité de Français·es. Plus encore, à partir des chaînes de télévisions se développent des empires politiques et numériques au service des intérêts capitalistes. Aujourd’hui les contenus produits par la télé se répercutent sur les réseaux et inondent l’ensemble des plateformes d’information.

Le sujet central à traiter est de savoir comment lutter contre la concentration médiatique, et singulièrement la puissance des grands groupes capitalistes sur les chaînes de télévision.

La réponse française classique par la télévision publique, ou le renvoi aux médias alternatifs et militants ne peut pas suffire. Le grand chantier du financement de la presse, du pluralisme des idées, et finalement de la liberté de la presse, passe par une remise à plat des conditions de financement des médias et de leur propriété.

C’est une question que la gauche devrait prendre à bras le corps : comment créer les conditions d’une propriété coopérative des organes de presse ? Comment lutter contre la concentration des médias ? Comment œuvrer à la démocratisation de la presse ?

Pour cela il faut travailler, refuser les logiques de buzz, et sans doute, arrêter de courir les plateaux télé…


Image d’illustration : « Panorama de l’hémicycle de l’Assemblée nationale réalisé avec des photos prises en septembre 2009 », par Richard Ying et Tangui Morlier (CC BY-SA 3.0)


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