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Le parti pris de Nos Révolutions (discuté le 7 octobre, et mis à jour le 15 octobre 2023).

En mars, le gouvernement a ignoré, puis réprimé, la mobilisation contre sa réforme des retraites. En juillet, il a écrasé les émeutes suite au meurtre de Nahel Merzouk par un policier. À chaque étape, les institutions lui ont donné les moyens de le faire : 49-3, réquisitions, farce du Conseil constitutionnel… Cet automne, c’est donc tout naturellement que ce même gouvernement poursuit sa violente offensive contre les classes populaires du pays.

Cette fois, la macronie et ses alliés comptent s’en prendre aux immigré·es, avec le projet de loi « Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » porté par G. Darmanin. Déjà agité au début de l’année 2023, l’examen du texte avait été repoussé alors que le peuple uni descendait dans les rues pour défendre ses droits. Il sera présenté au Sénat début novembre, puis à l’Assemblée nationale en janvier. Cette modification calendaire ne s’est pas accompagnée d’un changement d’orientation politique : c’est bien le même texte qui est porté sur les fonds baptismaux.

Dès les premières esquisses du projet de loi, le ministre de l’Intérieur avait tenté de brouiller les pistes en présentant son texte comme « équilibré », reprenant à la fois les préoccupations de la droite (reconduire davantage d’étrangers hors du territoire) et celles de quelques figures de gauche (« régulariser les étrangers qui travaillent dans certains secteurs en “tension” »). C’est un mensonge : le projet de loi macroniste est porteur de logiques discriminatoires, et il est au service exclusif des chefs d’entreprise, auxquels il propose de contrôler les flux humains comme on contrôle les flux marchands.

Englué dans les intrigues de la droite sénatoriale, puis soumis à la mitraille raciste des députés RN, ce texte risque d’ailleurs bien de finir dans la fange de l’extrême droite. Le nouvel argumentaire de Darmanin, depuis l’attentat djihadiste du 13 octobre à Arras, en est la preuve : le ministre est fier de rappeler que grâce à son projet de loi, on pourra expulser aussi les enfants de moins de 13 ans ! Avec d’autres, il essaie d’attribuer à plusieurs millions d’innocents les actes commis par un individu isolé. Rien, dans ce raisonnement, ne tient debout : c’est une piètre manœuvre pour escamoter sa propre responsabilité de Ministre de l’Intérieur, car de toute évidence les politiques qu’il mène n’ont pas permis d’empêcher le crime.

Au-delà même de son adoption, la mise en débat de ce texte (le 30e depuis 1980) vise à poursuivre le harcèlement des immigré·es et de diviser les catégories populaires, jusque dans leurs couches moyennes, pour affaiblir leur capacité de rassemblement et d’action politique. Ce projet de loi est un poison : il s’agit de le dénoncer partout, avec énergie et conviction, et d’empêcher son adoption.

C’est l’objectif de ce parti-pris. Nous reviendrons sur la nocivité des politiques européennes actuelles, sur les notions manipulatoires d’« immigration choisie » et de « métiers en tension » agitées en France, avant de rappeler le coût humain des politiques anti-migratoires, et de mettre en avant des solutions pour résoudre la crise de l’accueil.

La dangereuse dérive de l’Union européenne

Le projet Darmanin s’inscrit en fait dans le cadre d’une activité réformatrice intense, qui se déploie partout en Europe. La majorité des États membres a ainsi décidé lors du Conseil de l’UE du 8 juin 2023 de proposer au Parlement européen d’établir un cadre commun pour la gestion de l’asile et de la migration, et d’introduire de nouvelles procédures obligatoires aux frontières extérieures. La Commission souhaite que ce Pacte soit adopté avant les élections européennes de juin 2024. 

L’accord trouvé, mercredi 4 octobre, sur le texte « Limiter efficacement la migration irrégulière » par les ambassadeurs des pays-membres de l’UE confirme une volonté de franchir une nouvelle étape de répression des migrant·es. Les votes révèlent certes des contradictions internes à l’UE, entre Italie, France et Allemagne votant pour d’un côté, Pologne et Hongrie de l’autre votant contre, et, au milieu, Autriche, Slovaquie et République tchèque s’abstenant. Mais tous sont d’accord sur l’idée que « l’immigration », c’est-à-dire les migrant·es en tant que tel·les, « est un problème ». De la même manière que les lois pour une retraite par capitalisation étaient communes à l’agenda des États membres de l’UE, le projet de loi « Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » s’inscrit dans l’alignement la France sur la politique anti-migratoire de l’Union européenne. La tribune co-signée par l’Italienne, G. Meloni, et le Britannique, R. Sunak, confirme l’aggravation de cette orientation. L’inventeur des CADA sur mer et promoteur de la déportation de migrant·es au Rwanda contre leur volonté initiale, et la matrone de Lampedusa qui veut que « tout change pour que rien ne change », sont sur la même ligne : celle de la fantasmatique « forteresse UE assiégée ».

Et quelle hypocrisie que ces dispositifs ! Telle est la loi fondamentale de l’hégémonie occidentale (qui fait tout pour enrayer son recul), de la mondialisation sous domination capitaliste et de l’inégalité de développement qu’elles engendrent. La richesse s’accumule à un pôle, et la misère à un autre, l’une alimentant l’autre. Chacun voit bien, en effet, que les migrations viennent du grand désordre du monde que les prédations et prétentions occidentales alimentent en permanence. C’est bien parce qu’une activité financière corrosive, prenant le relai des années coloniales, déstructure profondément les économies que tant d’habitant·es d’Afrique subsaharienne tentent le grand voyage. Ce fait est d’autant plus frappant lorsqu’on considère les pays ravagés par les aventures militaires européennes ou américaines récentes, à l’image de l’Irak ou de la Libye.

Ainsi, cet été, notre « ami » l’autocrate tunisien Kaïs Saied a, en échange d’une part, d’un pieux silence sur les exactions de son régime et, d’autre part, de subsides d’aide au développement, envoyé froidement à la mort dans le désert des dizaines de femmes, d’hommes et d’enfants venu·es d’Afrique subsaharienne pour les empêcher d’atteindre l’Europe (le même genre de sous-traitance est confiée à la Croatie, dont les unités Condor font régner la terreur à la frontière). Actes ignobles, crime contre notre commune humanité, qui n’a provoqué aucune contestation de mesdames Van der Leyen et Meloni, passées quelques jours plus tôt par Tunis. « Qui ne dit mot consent. »

Aujourd’hui, c’est la Turquie, notre alliée dans l’OTAN, qui, non contente de continuer l’agression contre le Kurdistan syrien, pousse l’Azerbaïdjan à sauter à la gorge de l’Arménie. La fin de l’alliance atlantique est bien une urgence ! La même Turquie qui, à maintes reprises, a marchandé son vote sur l’adhésion de nouveaux membres à l’OTAN, par exemple, en menaçant de repousser dans l’espace Schengen les réfugiés retenus sur son territoire. Pire encore, ces dernières années, la France, bonne cliente du gaz azéri, a vendu pour plusieurs centaines de millions d’euros d’armement à Bakou avant que ce dernier ne lance sa première offensive militaire contre le Haut-Karabakh en 2019. Ce sont bien les victimes de leurs propres politiques internationales auxquelles les dirigeants européens et l’OTAN refusent assistance.

« Immigration choisie », « métiers en tension » : le bal des hypocrites

En France, seuls les migrant·es répondant aux besoins immédiats du patronat seraient les bienvenu·es. C’est le sens de la proposition de Darmanin en faveur d’une régularisation sélective des travailleurs sans papiers dans les métiers “en tension”, au travers d’un titre de séjour dédié. Qu’importe au passage à Darmanin et Macron que ces « migrants choisis » soient hautement qualifiés, voire docteurs ès qualité (de médecine ou d’histoire) dans leur pays et que nous les reléguions à des emplois non qualifiés en France. Nous « importerons » ainsi des populations pour exercer les métiers qui, ingrats, sous-payés et précarisés, n’ont pas ou n’auraient pas la faveur des Français·es : femmes de ménage, aides à la personne, maçons, chauffeurs, personnel de restaurant, ouvriers agricoles saisonniers – et sans, pour autant, que ne soient garantis à cette heure les droits sociaux ou salariaux de ces travailleurs. Les migrant·es ne répondant pas à cette demande seraient traqués après avoir passé la frontière, comme aujourd’hui. Quel cynisme ! Il est temps, pour les entreprises du ménage ou du BTP d’apprendre à traiter correctement leurs salarié·es, que ces dernier·es soient immigré·es ou non.

Même dans des pays qui l’ont initiée, pour des résultats qu’on peut juger relatifs au regard des besoins économiques du pays ou des conditions de vie des immigré·es, comme le Canada, par exemple, dont les déserts médicaux n’ont cessé de croître, soulignons que leur approche est somme toute bien différente puisque l’immigration est reconnue d’abord et avant tout comme “vitale pour l’économie, (les) collectivités et l’identité nationale du Canada en tant que pays diversifié et accueillant pour tous” (voir le Rapport annuel au parlement sur l’immigration, 2022).

Tout, dans le projet de loi « Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » est à l’avenant. Ainsi, son premier volet propose des dispositions pour « assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et par la langue ». Naturellement, comme l’explique la députée communiste Elsa Faucillon dans un entretien pour Minerva, l’idée n’est pas d’agir pour une meilleure intégration mais de renforcer la conditionnalité des cartes pluriannuelles par l’obtention d’un diplôme de langue, alors que le parcours administratif est déjà un parcours du combattant pour les migrant·es. Il s’agit bien d’apprendre une langue de travail plutôt que de permettre aux étranger·es de prendre toute leur part, notamment par la langue, à la société française.

Rendre l’immigration illégale condamne des populations

Le naufrage en juin dernier de 750 personnes à bord d’un chalutier en Méditerranée, puis l’arrivée en une journée de 7 000 personnes en provenance d’Afrique du Nord à Lampedusa en septembre ont fait les gros titres ces derniers mois. Ces drames humains ont provoqué une vive émotion, mais surtout de la colère face au refus de l’Union européenne et des gouvernements d’accueillir les milliers de personnes maintenues par la force aux frontières de l’UE, les condamnant au mieux à l’errance, au pire à la mort. En avril, l’Organisation internationale des migrations (OIM) a annoncé que le premier trimestre 2023 avait été le plus meurtrier en Méditerranée depuis 2017. Par ailleurs, l’accord signé par le Royaume-Uni et la France en novembre 2022 pour sécuriser leur frontière maritime n’a pas empêché les traversées ni les noyades. Le 11 juin, 616 personnes ont tenté de traverser la Manche, soit le chiffre le plus élevé de 2023.

La logique est la même outre-mer, puisque le « visa Balladur », dès 1995, exigeait des habitants des trois îles indépendantes des Comores (Anjouan, Grande Comore et Mohéli) qu’ils obtiennent un visa pour se rendre à Mayotte. De là vient le drame migratoire enkysté au cœur de l’archipel et faisant de la mer d’Anjouan un cimetière à ciel ouvert. C’est lui qui a inspiré au Président de la République sa plaisanterie insupportable sur les « kwassa-kwassa ».

Quand le parcours des migrant·es ne se termine pas au fond des mers, il est confronté à la violence des dispositifs d’expulsion plus ou moins officiels sur les terres, de Frontex aux OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) en passant par l’activité dénonciatrice de groupes d’extrême-droite ou de “simples citoyens”. En Serbie, sur la route des Balkans, des affrontements ont eu lieu entre exilé·es et gangs de passeurs, ainsi qu’entre exilé·es et forces de l’ordre le 24 septembre. En Grèce, un collectif d’experts de l’ONU a reporté que « la violence, qui a été filmée, vérifiée et rapportée par les médias, a mis en évidence l’exclusion raciste et la cruauté des pratiques de protection des frontières de l’Europe », en réaction à l’expulsion de migrant·es au large de Lesbos, en avril dernier.

La vulnérabilité économique et sociale des populations concernées, une fois qu’elles sont arrivées à destination, n’est pas en reste. Ce fait est patent face au patron, mais il l’est aussi face à l’agresseur sexuel. Comment accepter que des femmes soient placées en situation de ne même pas pouvoir se tourner vers la police et la justice lorsqu’elles sont victimes de telles agressions, de viols, ou même placées sous le contrôle de réseaux de prostitution ? C’est pourtant la conséquence la plus immédiate du danger administratif que font planer sur elles les politiques migratoires actuelles. Les politiciens d’extrême-droite qui, comme Éric Zemmour, prétendent lutter contre l’immigration en défense des droits des femmes, ajoutent l’obscénité au cynisme.

In fine, les mesures répressives n’arrêtent pas les migrations mais enrichissent les réseaux de trafic humain, les mafias et alimentent la « peur de l’étranger » en faisant de lui un délinquant de fait. Traquer ces femmes et hommes, leurs enfants, les mineurs isolés, ne les fixe pas dans leur pays d’origine, mais revient simplement à les condamner, parfois à la mort ou au viol, toujours à des souffrances considérables. Il ne s’agit pas de simples chiffres, mais de personnes humaines, dont la trajectoire vient se fracasser dans les tentes dressées à la station de métro Barbès-Rochechouart, dans un domaine viticole en Champagne ou un champ de tomates en Espagne, dans la “jungle” de Calais. De telles situations heurtent les sentiments humanistes les plus élémentaires : pour quiconque se préoccupe de ses semblables, elles sont intolérables. La classe dirigeante qui les cause, par là, avoue sa faillite et son incapacité à prendre en charge l’intérêt général humain. Il est temps de la renverser ! De l’autre côté du spectre, les collectifs qui se consacrent à l’accueil, de la vallée de la Roya à l’accompagnement proposé par RESF en passant par l’aide alimentaire du Secours Populaire montrent que l’alternative existe déjà au cœur de nos sociétés et que le changement de logique est à l’ordre du jour.

Pas de « crise migratoire » mais une véritable crise de l’accueil

Pour justifier ces mesures répressives, pourtant, l’extrême-droite et désormais la droite parlent de « submersion migratoire » : le pays, croulant sous la masse de migrant·es, serait proche de voir ses institutions rompre. Propagande !

Selon le rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), on estime à 281 millions le nombre de migrant.es internationaux dans le monde en 2020, soit 3,6 % de la population mondiale. À titre de comparaison, cette part s’élevait à 2,3 % en 1970, à 2,87 % en 1990 et à 3,17 % en 2010. L’immense majorité des flux migratoires se déroule dans un même pays, une même région, un même continent. Ces mouvements migratoires concernent, ensemble, des gens choisissant de s’établir à l’étranger dans le cadre d’un projet professionnel ou familial ; des femmes et des hommes fuyant un danger individuel ou collectif, imminent ou chronique (déplacé·es et réfugié·es) ; et ils concerneront de plus en plus des régions entières, voire des pays – comme le Bangladesh –  que les conséquences en cours du réchauffement climatique menacent très immédiatement.

En 2020, l’Europe et l’Asie accueillaient, respectivement, 87 millions et 86 millions de migrants internationaux, soit 61 % de la population mondiale totale de migrants internationaux. Ce n’est donc pas en Europe « que tou·tes les migrant·es viennent », selon la légende. En 2023, l’Union européenne a dénombré 160 139 arrivées « irrégulières ». Le Conseil européen a confirmé que « les arrivées irrégulières dans l’UE ont considérablement diminué depuis le pic de la crise migratoire en 2015 ». En mars 2021, l’ONU recensait 6,6 millions de Syrien·nes réfugié·es d’abord dans les pays voisins (Turquie, Liban) et seul 1,05 million sur tout le continent européen. La majorité des migrant·es en Europe sont des migrant·es intra-UE et non extra-communautaires.

Concernant la France, la fin des mesures de fermetures frontalières et de confinement liées au COVID-19 en 2020 a occasionné un rebond d’arrivées mais sans accroissement significatif de l’immigration qui demeure stable. En effet, d’après l’INSEE, 5,2 millions d’étrangers vivent aujourd’hui dans notre pays (7,7 % de la population). D’après l’OCDE, les immigré·es, loin de « vivre aux crochets » de l’État, lui rapportent plus qu’ils ne lui coûtent : la contribution nette des personnes nées à l’étranger est de 1,02 % du PIB. Enfin, un quart de la population française, jouissant de ses droits de citoyenneté, est né de (grand-)parents étrangers ou de mariages « mixtes ».

Un autre événement a bouleversé les données migratoires internes au territoire de l’UE et la perception véhiculée par les droites et extrême droites européennes reprise par les gouvernements où elles siègent souvent : l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, qui a entraîné un exode historique de réfugié·es (4,6 millions de réfugié·es enregistré·es dans les pays européens, et 400 000 dans les autres pays de l’OCDE). Ces États ont réagi rapidement, en mettant à disposition une protection temporaire, des exemptions de visa ainsi que des prolongations de titres de séjour. La France fut de ceux-là. Entre le 10 mars 2022 et le 30 janvier 2023, la France a accueilli plus de 100 000 Ukrainien·nes – bien moins que la Pologne (3,6 millions), la Roumanie, la Hongrie. Dès juillet 2022, la moitié des 7 millions de réfugié·es ukrainien·nes en Europe est repartie malgré la poursuite de la guerre – parmi elles et eux, beaucoup sont repartis de France. Pourtant, au lendemain de l’arrivée de 7 000 Africain·es à Lampedusa, le refus de les accueillir a été net et sans appel.

Il est donc tout à fait possible d’accueillir les 160 139 arrivées « irrégulières » sur le sol de l’Union européenne. Il s’agit d’un choix politique : il n’y a pas de crise migratoire, mais bien une crise de l’accueil, méthodiquement creusée par les politiques publiques fermant les places d’hébergement d’urgence, renvoyant le personnel compétent, étouffant les associations.

Pour une France de l’hospitalité, fraternelle et solidaire

La seule manière pour sortir de ces hypocrisies révoltantes est la défense d’une véritable politique d’accueil. Nous n’acceptons pas que des hiérarchies administratives viennent fracturer les immigrés entre eux ou français et étrangers entre eux : immigrés régularisés vs ceux qui ne le sont pas, les sans-papiers travaillant dans les métiers “en tension” vs ceux qui n’y travaillent pas. Tous doivent jouir des mêmes droits : c’est là que commence la solidarité internationale, en refusant les divisions nationales au sein du même pays. Aucune politique de gauche, a fortiori aucune perspective communiste n’est possible en passant ce principe élémentaire par pertes et profits. C’est pourquoi la tribune « transpartisane » publiée à la rentrée par quelques députés Renaissance-Modem-Liot-EELV-PS-PCF est une faute politique lourde, et à l’opposé des orientations défendues dans l’action par les communistes depuis plusieurs décennies. Ce genre d’initiative dit bien combien l’illusion “transpartisane” de la conciliation entre les classes mène à raccrocher une partie (heureusement minoritaire) de la gauche à la politique du capital.

Tant que la logique gouvernant le monde sera celle du capitalisme parvenu à un nouveau stade impérialiste, une fraction des flux migratoires mèneront les populations des pays dominés dans les pays dominants. Aucune traque, aucune « politique de fermeté », aucun « réalisme », aucun « pragmatisme migratoire » ne changera cet élément constitutif des sociétés humaines. Ce sont des postures de politiciens, sans autre impact sur le réel que de fracturer la société française, de mettre des personnes et des familles en danger, de renforcer le poids du patronat et des actionnaires dans l’organisation du travail.

La diffusion de cette idéologie crée une fracture massive au sein des classes populaires, entre celles qui font le choix de l’égoïsme national contre le reste du prolétariat, et la grande masse des autres. Voilà où sont les racines du vote RN : il n’y a vraiment rien de sorcier ! Comme le souligne Manel Djadoun dans son article du 27 septembre 2023 pour Nos révolutions, « les politiques migratoires ne peuvent être comprises comme simples conséquences du développement capitaliste. Elles sont aussi rendues possibles par le fait qu’une partie du prolétariat tolère l’exploitation d’autres peuples pour assurer et améliorer son propre confort de vie. »

C’est pourquoi nous appelons à participer à toutes les initiatives allant dans le sens de solidarités plus étroites. En premier lieu, les coopérations internationales doivent permettre la mise en place de voies de migration légales et sécurisées, facilitant les démarches des candidat·es à la migration, leur arrivée et leur installation que ce soit dans l’urgence ou non. Ensuite, toutes celles et ceux qui le souhaitent doivent pouvoir obtenir un titre de séjour et/ou la nationalité française s’ils en expriment la demande ; et le droit de vote et d’éligibilité des résident·es étranger·es à toutes les élections doit enfin être créé. Chaque fois, rappelons-nous, que les sénatrices et sénateurs communistes sous les présidences de Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi ont soumis la proposition au vote, une partie de la gauche s’est systématiquement défilée. En sera-t-il de nouveau ainsi dans les mois ou les années qui viennent ? Quiconque vit et travaille en France doit jouir des mêmes droits que les citoyen·nes français·es, en termes économiques, mais également politiques. Ce droit, déjà inscrit dans la Constitution de l’An I en 1793, aurait toute sa place dans la République française de 2023.

LES SIGNATAIRES

David Arabia
Josselin Aubry
Pierre Beaufort
Chloé Beignon
Aurélie Biancarelli-Lopes
Hugo Blossier
Hadrien Bortot
Sophie Bournot
Marie-Pierre Boursier
Lucie Champenois
Élisabeth Delcamp-Minvielle
Emmanuel Deleplace
Manel Djadoun
Rosa Drif
Jean-Luc Flavenot
Anaïs Fley
Juan Francisco Cohu
Thibaut Delaunay
Théo Froger
Nadine Garcia
Laureen Genthon
Lucile Ghis
Antoine Guerreiro
Nicolas Haincourt
Nawfel Hamri
Marie Jay
Noâm Korchi
Denis Krys
Patrice Leclerc
Colette
Nuria Moraga
Frank Mouly
Camille Naget
Martine Nativi
Basile Noël
Régis Oberhauser
Philippe Pellegrini
Hugo Pompougnac
Alban Rapetti
Katia Ruiz-Berrocal
Lydia Samarbakhsh
Bradley Smith
Elsa Solvignon
Lola Sudreau
Laurène Thibault
Armeline Videcoq-Bard
Alix Vinçont
Clément Vignoles


Image d’illustration : « Ancienne douane française (Menton) », par bobbsled (CC BY-SA 2.0 Deed)


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