Par Hadrien Bortot.
Faudra-t-il en finir avec l’industrie Minière ? Cette question provocatrice devrait nous préoccuper dès aujourd’hui. Nous faisons face à un processus d’épuisement des gisements miniers et nous n’avons pas aujourd’hui les capacités d’exploitation suffisantes pour fournir une demande qui suit une courbe exponentielle. Pourtant nous consommons les produits issus de l’exploitation minière comme si nous n’avions ni conscience de notre dépendance grandissante aux métaux, ni du caractère fini de la ressource métallique.
Singulièrement en France et en Europe, depuis que les hauts fourneaux se sont tus depuis les derniers combats des sidérurgistes, depuis la trahison d’Hollande, il n’y a plus de réflexion sur notre approvisionnement, et sur les conditions d’extractions des ressources minières.
Les mineurs et les sidérurgistes qui constituaient une partie de la noblesse de la classe ouvrière, n’ont pas disparu. Ils sont simplement ailleurs. L’Europe est aujourd’hui totalement dépendante du marché mondial. D’après le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, sur la période 2012-2016, la Chine a fourni 98% de l’approvisionnement de l’UE en terres rares, et 93% du magnésium, son approvisionnement en borate provient à 98% de la Turquie, l’Afrique du Sud fournit 71% du platine et davantage encore de platinoïdes (iridium, rhodium et ruthénium).
Ces ressources sont nécessaires pour soutenir notre mode de développement actuel et les choix industriels et technologiques qui sont les nôtres. Si l’on prend simplement en considération les besoins liés à la transition écologique capitaliste, selon Eurométaux, l’association européennes des métaux, on estime qu’en 2050, pour remplir les objectifs des accords de Paris sur le climat, la production de cuivre devra augmenter de 30% (par rapport à 2020), celle de terres rares de 137%, le Cobalt de 460%.
En effet, les métaux se cachent dans le moindre objet de notre quotidien sans que nous nous en rendions compte. Les terres rares par exemple sont utilisées pour fabriquer des batteries notamment pour les voitures électriques, elles entrent dans la fabrication les LED, des puces électroniques, des écrans, des panneaux photovoltaïques, des éoliennes. Le platine se retrouve quant à lui dans les pots catalytiques, et en médecine dentaire, ou bien encore pour les circuits imprimés.
On pourrait s’émerveiller béatement devant ces prouesses techniques mais le revers de la médaille écologique et sociale fait froid dans le dos. L’opposition au projet de mine industriel de la Montagne d’or est emblématique des conflits environnementaux engendrés par l’extraction minière. La mobilisation populaire en Guyane a réussi à faire échouer la mise en œuvre de ce projet de 1513 hectares dont 575 en pleine forêt primaire, sur un site où plus de 127 espèces protégées ont été inventoriées, pour y déverser dix tonnes d’explosifs et de cyanure par jour. Au total, 54 millions de tonnes de minerai auraient été arrachés à la montagne, pour seulement 1,6 gramme de métal précieux par tonne.
La mine tue. Chaque année plusieurs milliers de travailleurs perdent la vie dans les exploitations minières légales ou illégales. La puissante fédération syndicale IndustriALL global union, des travailleurs de la métallurgie, de la chimie, des mines et de l’énergie, fait un décompte macabre des morts dans les mines de charbon pakistanaise. Plusieurs centaines de morts en moins de 6 mois pour cette année 2022.
Les conflits sociaux liés à l’extraction minière sont meurtriers. Comment ne pas penser au massacre de Marikana dont les commémorations des 10 ans ont eu lieu il y a quelques jours. Les images de la révolte des mineurs sud-africains en aout 2012 avait fait 34 morts. Les mineurs en grève pour une hausse significative de leur salaire ont été assassinés par la police. En Afrique du Sud, le salaire moyen d’un travailleur des mines est en dessous de 500€ par mois.
Si nous prenons petit à petit conscience de la nécessité de sortir des énergies fossiles, la sortie du métal n’est pas encore à l’ordre du jour. Déjà des scenarios d’exploitation spatiale (dignes de Don’t look up) ou sous-marine sont à l’étude. L’autorité internationale des fonds marins, une des agences de l’ONU, vient d’autoriser la collecte de nodules polymétalliques de manière expérimentale dans la zone Clarion-Clipperton de l’océan Pacifique. Emmanuel Macron, lors de la présentation du plan France 2030, a fait de la connaissance des fonds marins un enjeu principal pour la croissance française. Ces fonds sont réputés riches en ressources minières (cobalt, manganèse, nickel), ils attisent énormément de convoitises. 230 parlementaires de 51 pays différents ont signé une pétition demandant un moratoire sur l’exploitation des fonds marins. Celle-ci rappelle que l’océan est le plus grand réservoir de Co2 de la planète, et que l’exploitation minière des grands fonds marins, risque d’interférer avec cet outil essentiel de régulation des températures.
La question minière doit être mise au centre de notre attention. La mesure du cout social et environnemental de l’exploitation minière donne le vertige. Il faut repenser notre rapport au métal, reprendre le fil de sa matérialité. L’éloignement des sites miniers doit nous pousser à un nouvel effort pour une prise en compte globale des conséquences de l’extraction et du raffinage. Il existe toujours des mineurs : on estime que 40 000 enfants travaillent dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo. Il y a toujours des déchets miniers : la mine pollue l’eau et les sols, elle consomme des quantités d’énergies insoutenables. L’extraction minière et le raffinage des métaux sont à l’origine de 10% des émissions de gaz à effet de serre. Repenser notre consommation, la planifier et la réguler en fonction d’objectifs environnementaux et de respect du droit humain, devraient nous amener immanquablement à diminuer drastiquement la consommation mondiale de métal. Le capitalisme vert et sa logique de croissance sont inefficaces pour enrayer cette fuite en avant. Lutter contre le réchauffement climatique, en extrayant des métaux rares, eux-mêmes destructeurs de l’environnement et de la biosphère est sysyphéen. Demain, il faudra très vite produire moins et autrement.
Sources
Montagne d’Or : le gouvernement annonce l’abandon du projet | WWF France
Dix ans après le massacre, « rien n’a changé » à Marikana (afriquexxi.info)
https://www.systext.org/sites/all/documents/RP_SystExt_Controverses-Mine_VOLET-1_Nov2021_vf.pdf
L’industrie minière prépare le pillage des fonds marins (reporterre.net)
https://www.pgaction.org/ilhr/oceans/call-for-moratorium-on-deep-seabed-mining.html
https://www.strategie.gouv.fr/publications/evaluer-lexternalite-carbone-metaux
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