Par Antoine Guerreiro.
La « fin de l’Histoire » est finie.
C’est en tout cas l’affirmation de l’intellectuel états-unien Francis Fukuyama, le 30 mars 2022 dans les colonnes du New Stateman. Selon l’inventeur du grand concept phare des années 1990, celui-ci s’est étiolé avec l’essor de la Chine dans la décennie 2000, avant de voler en éclats à l’occasion de la guerre en Ukraine.
Cette thèse, qui longtemps a structuré la pensée dominante en Occident affirmait la victoire, lente mais irrésistible et définitive, de la démocratie libérale partout sur la planète. Les conflits de classe, de modes de production, de régimes politiques devaient peu à peu s’effacer au profit du triomphe pacifique et tranquille du « monde libre ». Bref avec l’implosion du bloc de l’Est, la bourgeoisie avait remporté son ultime bataille.
C’est peu de dire que le démenti fut cinglant. Les contradictions du monde post-Guerre Froide, apparues d’abord par petites touches, au gré d’événements apparemment mineurs, grandirent jusqu’à sérieusement fissurer les fondements du nouvel ordre international. L’âge d’or du capitalisme financier, inauguré dans les années 1970 par l’écrasement des forces ouvrières et populaires dans la plupart des pays occidentaux, est bel et bien révolu. De la crise financière de 2008 à la pandémie de 2020, le néolibéralisme cède la place à l’ère de la finance autoritaire, la démocratie libérale opère sa mue vers l’illibéralisme.
Une nouvelle phase historique s’ouvre sous nos yeux, violente, implacable, imprévisible.
Tout comme à l’orée du XXe siècle, le nouveau partage du monde est achevé. Pour qui souhaite accroître ses richesses désormais, la guerre frontale est la seule option. Commerciale d’abord, politique et très vite, militaire. Cette lutte à mort entre capitalistes et leurs États pour le contrôle des ressources est le sous-texte systématique des événements qui bousculent nos vies.
Évidemment, cette terrible loi de la jungle internationale se déporte dans la politique intérieure de chacun des États. La situation de la France, qui a élu en juin 2022 une Assemblée sans majorité et composée pour un sixième de députés d’extrême-droite, est symptomatique des violentes secousses qui attendent la plupart des grandes puissances mondiales.
Mais « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».
Guerre, autoritarisme, destructions : rappelons qu’au siècle dernier c’est d’abord pour faire face à ces horreurs que sont nés partout dans le monde des partis communistes. Et alors que le siècle nouveau s’avance sous d’inquiétants auspices, c’est pour contrer les mêmes menaces que jaillissent de puissants mouvements de transformation sociale. Là encore, la France offre un bel exemple des dynamiques à l’œuvre, avec l’irruption au Palais Bourbon de dizaines de parlementaires de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.
Le retour en force de la gauche française est d’autant plus réjouissant qu’il s’effectue autour d’un programme de rupture écologique, sociale et démocratique. Si les idées communistes – partage, émancipation, planification – ont pu largement y infuser, c’est sans doute qu’elles rencontrent le besoin de radicalité qu’appelle la période actuelle. Lors du premier quinquennat Macron de puissants mouvements sociaux, féministes, antiracistes, ou encore écologistes, ont joué un rôle essentiel pour rappeler les ruptures fondamentales à opérer dans l’organisation du monde. Ces mouvements ont en fait posé, à de multiples reprises, la question du communisme.
Si affaibli qu’il ait pu se trouver, le communisme français comme courant intellectuel et politique, par ce qu’il a représenté et représente encore dans les mouvements populaires, peut donc indéniablement apporter aux luttes pour l’émancipation, tout comme il a besoin de s’en nourrir. C’est à cet apport, si modeste soit-il, que nous voulons participer. C’est le sens de « Nos Révolutions ».
Image générée par Intelligence Artificielle.