ÉDITO. Baissez les armes, montez les salaires !


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La prise de parole du général Mandon, chef d’état-major des Armées le 18 novembre dernier devant le Congrès des Maires de France sans désaveu de l’exécutif pose différents problèmes et témoigne du moment que nous vivons.

Les propos en eux-mêmes sont bien sûr scandaleux. En appelant les français à être prêts à « perdre leurs enfants » devant une assemblée d’élus locaux et en désignant nommément un ennemi qui est par ailleurs une puissance nucléaire, ce militaire fait plusieurs choses.

Il dépasse sa fonction car c’est aux institutions politiques, gouvernement comme représentation nationale de définir les orientations stratégiques de défense. L’armée ne peut, en aucun cas, être un acteur politique.

Par ce discours qui évoque une guerre inévitable à laquelle nous n’aurions plus qu’à nous résigner, il réveille aussi chez l’ensemble de la population le souvenir d’une grande guerre qui a laissé jusque dans les plus petites communes de France, des monuments aux morts où les noms s’égrènent par dizaines.

Ce haut-gradé de l’armée, dont on ne peut maintenant plus mettre en doute qu’il agisse sur ordre d’un président délégitimé, cherche la stratégie du choc par le fait accompli pour créer un rapport de force guerrier, là où l’on sait pourtant que seule la diplomatie peut venir mettre un terme aux si nombreuses tensions dans le monde. Si l’on en doute, il suffit de se rappeler que toutes les interventions militaires extérieures n’ont jamais que créé du chaos supplémentaire comme en Irak, en Libye, en Afghanistan…

On ne peut s’empêcher de rappeler qu’il y a plus d’un siècle, Georges Clémenceau disait déjà : « La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires » tandis que pour Jean Jaurès « On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre » ou encore « L’affirmation de la paix est le plus grand des combats "

Ce positionnement belliciste de la macronie s’inscrit dans les pas de différents pays d’Europe de l’Ouest qui se sont fait remarquer récemment par les mêmes choix bellicistes, sacrifiant au passage les autres budgets comme l’éducation, la santé, la culture à l’image du budget Lecornu. On trouve partout de l’argent pour construire des avions et des chars mais nulle part pour augmenter les salaires et les prestations sociales !

Alors que l’Allemagne avait dépensé, en 2024, 72 milliards d’euros soit 2,1% de son PIB, elle a largement accru ce chiffre en 2025 en dépassant les 80 milliards et visant les 100 milliards pour 2026 puis, d’ici 2029, une dépense annuelle de 153 milliards d’euros annuels soit près de 3,5% du PIB. Le 18 mars 2025, le Bundestag a adopté des modifications constitutionnelles permettant le plus grand programme de réarmement depuis 1945. Cette réforme historique doit exempter les dépenses militaires des règles budgétaires ordinaires. Un tournant majeur pour un pays où la limitation du recours à l’endettement relève du dogme.

De son côté, la coalition au pouvoir en Belgique réunissant les principales forces de droite et les nationalistes flamands prépare des coupes importantes dans les dépenses sociales tout en augmentant nettement les crédits militaires. Ces choix ont d’ailleurs provoqué 3 jours de grève nationale du 24 au 26 novembre. La Belgique s’était déjà illustrée en 2018 par l’achat pour 5 milliards d’euros de 34 avions de combat F35 de dernière génération, et compte en acheter d’autres. Pour Peter Mertens, secrétaire général du Parti du Travail de Belgique (PTB/PVDA), les mêmes qui, hier encore, affirmaient que la victoire contre Moscou était à portée de main soutiennent aujourd’hui que la Russie débarquera bientôt sur la Grand-Place de Bruxelles si l’Europe ne se réarme pas d’urgence. M. Rutte demande aux états membres de l’OTAN de porter leurs dépenses à 3,5% de leur PIB : « Si vous ne le faites pas, prévient-il, prenez des cours de russe, ou partez pour la Nouvelle-Zélande."

L’Italie, hier encore fortement critiquée par l’OTAN, pour ne pas suivre ses consignes d’augmentation des budgets militaires les a augmenté de près de 23% dans la période 2021-2024 puis encore de 7,2% pour la seule année 2025 pour atteindre 45 milliards d’Euros et 2% du PIB. Ces hausses, financées par des coupes dans la santé et l’éducation, ont provoqué des grèves et des manifestations très suivies liant pacifisme, anti-austérité et solidarité internationale en Particulier avec la Palestine. Elles marquent un saut qualitatif dans la mobilisation ouvrière, avec des blocages de ports comme Gênes et Livourne refusant les armes pour Israël.

Ces choix bellicistes font le bonheur des actionnaires des industriels de l’armement avec des hausses inédites des titres boursiers de RheinMetall, Thales, BAE Systems, Saab, Lockheed-Martin et autres marchands de mort. On le voit, si le réarmement se fait à l’échelle européenne, ici et là se multiplient les actions contre ces choix mortifères.

Comme communistes, comme pacifistes et humanistes, nous devons permettre à ces mobilisations de grandir en les nourrissant de proposition politiques alternatives à la course aux armements et en faisant le choix de la culture de paix, en montrant l’ampleur des réalisations sociales que permettent l’argent nécessaire à la production d’un seul avion Rafale ou d’un char Leclerc.

Enfin, une coordination de nos mouvements au niveau européen est indispensable pour pouvoir peser sur ces choix. Des points d’appuis existent pour cela notamment au niveau politique et syndical. Les multiplier est un impératif car, n’en déplaisent à certains, nous ne nous résoudrons jamais à perdre nos enfants pour les intérêts de la bourgeoisie internationale.


Image d’illustration : « SETC France’s Defensive Operations Lane », photographie du 4 juin 2018 par 7th Army Training Command (CC BY 2.0)

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