Faire payer les Français, sauver le gouvernement : la nouvelle ligne du Parti Socialiste


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Le Parti socialiste a décidé de ne pas censurer le gouvernement Lecornu, après l’annonce de la suspension de la réforme des retraites. Une décision justifiée par le président du groupe Socialistes et apparentés, Boris Vallaud, au nom d’un pari : celui du débat parlementaire. « Les socialistes sont prêts à faire le pari du débat dans l’hémicycle », a-t-il déclaré. Cette suspension, réclamée par le PS depuis plusieurs jours, était posée comme condition préalable pour éviter de déposer ou voter une motion de censure.

Le retour du PS gestionnaire : amender la politique libérale sans jamais la renverser

Depuis la chute du premier gouvernement Lecornu, le Parti socialiste tente de s’imposer comme une force de responsabilité et de respectabilité dans un contexte de crise institutionnelle.

Sa ligne : ne pas ajouter de la crise à la crise. Il s’est ainsi régulièrement dressé contre les stratégies de confrontation de la France insoumise, des communistes et des écologistes, préférant la prudence parlementaire à l’affrontement politique avec la macronie.

Une “victoire” sur la réforme des retraites ?

Le PS se félicite de la suspension de la réforme des retraites, qu’il présente comme une victoire de la gauche. Mais soyons clairs : ce n’est ni un retrait, ni une abrogation. C’est un gel temporaire, une manœuvre destinée à calmer le jeu et à gagner du temps pour le gouvernement.

En acceptant cette demi-mesure, le PS offre un répit à Macron et Lecornu, leur permettant de reprendre la main politiquement. Pire encore, Lecornu a affirmé que « la suspension devra être compensée par des économies » et que « la réforme devra aller plus loin ». Autrement dit : faire payer aux Français le coût du gel temporaire en travaillant plus longtemps. 

Derrière la suspension : un budget d’austérité massif

La vraie bataille ne se joue pas sur la réforme suspendue, mais sur le budget 2026, l’un des plus austéritaires depuis des décennies.

Pendant que le PS s’auto-congratule, le gouvernement prépare des attaques sans précédent contre les classes populaires :

  • Baisse du pouvoir d’achat pour les retraités, fonctionnaires et allocataires : “année blanche” avec -150 € pour les retraités les plus modestes, -100 € pour un salarié, -200 € pour un chômeur
  • Gel de l’indemnité journalière pour les aidants, des prestations d’accueil d’enfant, et de l’allocation lors du décès d’un enfant
  • Coupes de 5 milliards sur les communes et services publics locaux                        
  • Hausse déguisée de l’impôt sur le revenu via le gel du barème et de la CSG, touchant les ménages et 80% des TPE
  • Taxe sur les malades atteints d’affections longues durées : jusqu’à 850 € par an pour un malade du cancer en arrêt de travail avec 2 000 € de revenus mensuels
  • Doublement des franchises médicales, des transports médicaux et de certains soins
  • 13 milliards d’euros d’économies sur la Sécurité sociale et 7 milliards sur la santé
  • Coupes dans l’apprentissage, avec suppression des exonérations sur les bas salaires
  • Explosion du coût administratif des titres de séjour et de nationalité pour les étrangers
  • Division par deux des efforts demandés aux grandes entreprises et aux plus riches par rapport au précédent budget

Un budget qui frappe d’abord les plus pauvres, tandis qu’il épargne les grandes fortunes. Voilà ce que le PS s’apprête à ne pas censurer.

Pour une gauche de clarté et de combat

Face à cette situation, la France insoumise, les écologistes et les députés communistes affirment leur volonté de censurer le gouvernement. Ils refusent pour le moment le compromis. Heureusement, car un tel renoncement signifierait que la gauche renonce à mener la bataille commune contre la politique libérale de Macron.

La gauche doit défendre des positions claires :

  • Exiger l’abrogation totale de la réforme des retraites, et non un simple arrangement technique présenté comme une victoire
  • Assumer la censure et la volonté de faire tomber le gouvernement
  • Revenir aux luttes sociales réelles, celles des syndicats, des collectifs, des mobilisations populaires, pour renouer avec le peuple, plutôt que de se perdre dans les jeux d’équilibre parlementaires.

Il vaut mieux une crise qui ouvre de nouveaux rapports de force, qu’une fausse stabilité au service du libéralisme.

Le pouvoir vacille, les équilibres peuvent encore basculer sous la pression populaire et unitaire. C’est dans ce moment de tension que peut s’ouvrir une fenêtre d’opportunité pour toutes les forces sociales et politiques décidées à faire tomber Macron et ses relais, imposer un changement de régime, et passer enfin à la 6ᵉ République, celle d’un peuple souverain et d’une démocratie réelle.


Image d’illustration : « 2019-12-10 – Manifestation pour une autre réforme des retraites-21 », photographie du 10 décembre 2019 par Mathieu Delmestre (CC BY-NC-ND 2.0)

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