En débat. Le communisme est la jeunesse du monde


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Le communisme n’est rien sans l’énergie révolutionnaire de la jeunesse.

Avec Roussel, le PCF choisit de s’en priver.

La direction prise par le PCF depuis fin 2018 surprend. Des traits d’esprit sur les plateaux télé aux polémiques à la Fête de l’Huma pour créer une « personnalité Roussel » distinctive, s’est dessinée une ligne politique clivante, à rebours des batailles historiques du PCF. Cette nouvelle ligne se révèle peu combative dans la lutte pour la paix et contre l’impérialisme, volontiers acide envers la gauche (que ce soit celle « des allocs » ou celle des « wokes »), et étonnement soucieuse de se mettre en dialogue avec le patronat autour de la « valeur travail », du « problème » migratoire et de la sécurité.

Ces prises de position, en rupture profonde avec les engagements historiques du PCF, n’ont pourtant été le fruit d’aucun débat collectif. Pour que ce retournement s’impose sans contradiction visible dans les organisations communistes, il a fallu marginaliser et intimider leurs éléments les plus combatifs, soucieux de solidarité internationale, de marxisme et de perspectives révolutionnaires. Chez les Jeunes communistes (MJCF – JC), ces pratiques ont pris des formes particulièrement violentes, en témoignent les désaffiliations et exclusions successives de groupes locaux ces derniers mois – dans les Hauts-de-Seine, en Meurthe-et-Moselle, dans le Nord ou la Loire. Pourtant, si l’on s’intéresse aux dernières batailles politiques de ces militant·es, elles sont communes à des millions de gens dans notre pays : contre le génocide en Palestine, contre la guerre en Ukraine, pour mettre fin au racisme, à l’islamophobie, aux violences sexuelles… Ainsi, quand des jeunes décident de s’engager à fond sur les thèmes du marxisme avec les communistes, la réponse des directions du PCF et du MJCF semble désormais la mise à l’écart voire l’exclusion.

En réalité, ces pratiques ont accompagné (parfois devancé) l’arrivée de Fabien Roussel à la tête du PCF, et se sont aggravées après l’élection de Léon Deffontaines à la tête du MJCF. C’est durant cette période que la remise en cause de l’Union des étudiant·es communistes a été décidée. Pourtant, les batailles des étudiant·es communistes contribuaient – utilement, je le crois – à la réflexion du mouvement communiste : sur le salaire étudiant, le travail des femmes et les violences sexuelles, ou encore les luttes antiracistes. L’existence de tels débats, en prise avec les luttes de millions de gens, démontrait la vitalité des organisations de jeunesse dans le mouvement communiste. Or, parallèlement à l’émergence de l’orientation « Roussel » au PCF, la direction de la JC s’est enfermée dans l’entre-soi et a commencé à refuser ces débats qu’elle considérait comme des questions sociétales secondaires. Elle a donc directement remis en cause le droit, pour l’UEC, de développer ses propres campagnes dans les universités. Nous étions sommé·es de relayer les décisions de la direction nationale, et rien d’autre.

En janvier 2019, conscient·es de la remise en cause de leur engagement, les étudiant·es communistes m’ont élue secrétaire nationale en me confiant un mandat : protéger et développer les espaces politiques qui leur ont permis de se familiariser au marxisme, de mener leurs premières campagnes militantes dans leur fac, de débattre et de s’organiser avec le soutien d’un collectif démocratique, ouvert et accueillant. Dès le lendemain de mon élection, des demandes inacceptables m’ont été faites, qui revenaient toutes à désavouer les engagements de mes camarades, en acceptant la dissolution de fait de secteurs de l’UEC pour que les étudiant·es soient placés sous le contrôle direct d’autres structures. Avec le soutien et le relais de la nouvelle direction du PCF, la direction de la JC a redoublé d’efforts pour freiner notre activité et nous rendre la tâche impossible, en nous épuisant dans des réunions, en nous opposant des chantages bureaucratiques et des contrôles permanents.

Le bouleversement politique qu’a été Me Too n’est pas étranger à cette histoire. La jeunesse – en particulier étudiante – s’est profondément engagée dans le combat féministe. Cela a bousculé beaucoup de manières de voir et de faire, y compris dans nos organisations. Comme beaucoup d’autres, les étudiant·es communistes ont fait le choix de prendre ce chemin. Nous avons profondément changé nos manières de militer et de diriger, notamment en favorisant la prise en responsabilité de jeunes femmes qui étaient déjà, de fait, au cœur de la mobilisation sur leur campus. Nous tenions également à ce que le combat féministe prenne une place importante dans notre activité, avec l’organisation annuelle d’une Semaine du Féminisme, l’organisation d’une votation nationale pour une université féministe, des campagnes d’affichage, etc. Pendant la même période, la direction de la JC multipliait les « coups de pression » pour entraver ces initiatives.

Plus généralement, tout ce qui sortait du « périmètre autorisé » par la direction était ciblé. C’était par exemple le cas de notre bataille historique pour un salaire étudiant, qui devrait permettre à chacun·e d’étudier dans de bonnes conditions, à l’image de ce qu’avait pu être le salaire des élèves instituteurs dans les écoles normales, et dans la continuité des propositions du Conseil National de la Résistance et du Plan Langevin-Wallon. Cette proposition était, selon nous, essentielle pour que les étudiant·es issu·es des classes populaires puissent s’emparer véritablement de l’université et de l’enseignement supérieur. C’était également le cas de notre approche du marxisme, que nous voulions combatif et ouvert, au service de toutes les luttes émancipatrices, y compris contre le racisme et les violences policières. Tous ces travaux étaient empêchés et dénigrés. Un dernier exemple est celui des marches pour le climat qui avaient mobilisé des millions de jeunes – notamment des étudiant·es – à travers le monde et que nous souhaitions soutenir, malgré le refus de la direction de la JC qui estimait que ces luttes n’étaient pas celles des soi-disant « vrais jeunes ».

Après des années de harcèlement bureaucratique, de mises en cause et de pressions diverses, nous avons choisi de rendre la parole aux étudiant·es communistes, lors de notre conférence nationale en octobre 2020. Sans surprise, les adhérent·es de l’UEC rassemblé·es à Créteil n’ont voulu renoncer ni au féminisme, ni à l’antiracisme, ni à la lutte pour un salaire étudiant. Elles et ils ont estimé que leur organisation était utile aux luttes étudiantes et au mouvement communiste, et ont renouvelé leur confiance à leur coordination nationale pour poursuivre les efforts en ce sens. La main tendue à la JC a été maintenue, à condition que les intimidations, les pressions et les blocages cessent.

Peine perdue : l’heure de la « remise au pas » était venue. Une semaine plus tard, les directions du PCF et de la JC annonçaient à grands renforts de communication la désignation d’une autre “secrétaire nationale de l’UEC”, en expliquant que mes camarades et moi-même étions des menteur·ses usurpant l’UEC. Le tout fut expédié lors d’une réunion nationale de la JC, en visioconférence. Visiblement, les statuts le permettaient. Nous étions abasourdi·es. L’organisation était démantelée (y compris ses structures locales, dans plusieurs dizaines de facs), sa direction dissoute.  Les événements que nous organisions (Semaine de la Pensée Marxiste, Semaine du Féminisme, campagne pour un salaire étudiant) ont été supprimés aussi. Durant la même période, d’autres collectifs militants de la JC – notamment la fédération du Val-de-Marne – ont également été marginalisés sur des bases similaires, jusqu’à devoir quitter le Mouvement en 2022.

De fait, la conséquence de toutes ces mises à l’écart est le recul des organisations communistes. Des structures locales et nationales ont disparu, des gestes militants se sont perdus, des constructions politiques ont été jetées à la benne. Il y a de quoi être en colère quand on pense à tou·tes les étudiant·es qui auraient pu s’engager avec nous, ou simplement s’intéresser à nos idées, s’ils et elles avaient pu nous rencontrer sur leur fac. Quel gâchis ! Beaucoup de celles et ceux qui ont traversé ces périodes sordides ont fini par prendre leurs distances. Qui pourrait leur en vouloir ? Même de l’extérieur, ces conflits semblent complètement fous et incompréhensibles ! Ça ne donne envie à aucun·e jeune qui souhaite s’engager de le faire auprès des communistes. Voilà le bilan : celles et ceux qui voudraient lutter collectivement se retrouvent dispersé·es, sans direction commune, alors que la période exige d’être groupé·es pour faire plier le camp macroniste et l’extrême-droite.

Mais ce fantasme d’une jeunesse rangée est illusoire. Invariablement, de nouvelles générations continueront de prendre la parole et de s’engager de toutes leurs forces pour un monde meilleur. Tôt ou tard, le projet rousseliste d’une organisation communiste coupée de l’énergie révolutionnaire de la jeunesse sera dépassé par la réalité. Militant·es communistes, où que nous soyons, nous avons à cœur que notre militantisme soit utile au mouvement révolutionnaire. Continuons de persévérer, d’élargir nos réseaux, de nous adresser aux forces vives de notre pays, d’entrer en discussion toujours plus largement avec la gauche de combat. Faisons en sorte que tout ce travail et ces années d’engagement aboutissent !


Image d’illustration : photographie du 17 septembre 2020 par UEC – Union des étudiant·es communistes

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