ÉDITO. Israël, Iran, Gaza : le bal des hypocrisies occidentales


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Tandis que le monde scrute le ciel au-dessus de Téhéran et Tel-Aviv, les offensives israéliennes sur Gaza et la Cisjordanie s’intensifient. En Palestine en effet, la guerre n’a jamais cessé. Depuis deux ans Israël à largué l’équivalent de 6 bombes nucléaires sur l’enclave déjà exsangue.

Et pourtant, ce n’est pas là que se porte l’attention diplomatique. Non. Elle s’englue dans les arcanes d’une guerre de dissuasion, dans l’ombre portée du nucléaire, où les puissances jouent aux pompiers-pyromanes. L’offensive israélienne contre l’Iran, qui se voudrait préventive d’une « menace existentielle », intervient alors qu’aucune menace militaire iranienne réelle ou imminente ne pesait en réalité sur Israël. Comment justifier, dès lors, de frapper un pays au nom de la prévention d’un désastre nucléaire, alors que l’on inflige par ailleurs à une population civile des destructions d’une ampleur bien supérieure ?

Ce conflit survient à un moment critique où l’opinion publique mondiale basculait progressivement en défaveur d’Israël, affaibli sur la scène diplomatique et de plus en plus critiqué pour ses crimes à Gaza. La confrontation avec l’Iran offre ainsi à Israël un sursis stratégique et symbolique : elle recentre le discours sur la sécurité régionale, marginalise la cause palestinienne et renforce sa position vis-à-vis de ses alliés occidentaux. 

Une indignation sélective

La réaction des pays occidentaux à cette nouvelle crise est révélatrice : quand l’Iran riposte, les condamnations pleuvent, du Capitole à l’Élysée, toutes scandées au nom du sempiternel « droit d’Israël à se défendre » (et donc, à attaquer pour se « défendre » !). Mais face aux massacres à huis clos de Gaza, aux destructions massives d’infrastructures civiles, à l’occupation de la Cisjordanie, c’est un silence qui a cessé d’être diplomatique pour devenir complice. Ce deux poids deux mesures, fait imploser toute prétention morale occidentale. Human Rights Watch parle d’hypocrisie. Le mot est faible. Il s’agit d’un mépris institutionnalisé.

Israël, l’atome hors-la-loi

Cette indignation sélective s’étend au domaine nucléaire. Dans cette comédie tragique, on accuse l’Iran, pourtant signataire du Traité de non-prolifération, de vouloir franchir le seuil nucléaire tandis qu’Israël, non signataire et détenteur d’un arsenal nucléaire non officiel, estimé entre 80 et 300 ogives, a systématiquement refusé les inspections de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) .

Le cynisme atteint son apogée lorsqu’on se souvient que la seule puissance à avoir utilisé l’arme nucléaire contre des civils, ce sont les États-Unis, à Hiroshima et Nagasaki. Quelle légitimité, dès lors, à dicter qui mérite ou non la bombe ? Quelle morale subsiste quand les fossoyeurs se parent des habits de juges ?

Gaza, miroir de la faillite internationale

Ce conflit n’est pas un simple affrontement entre deux États rivaux. Il met à nu un ordre mondial profondément fissuré, gangrené par le colonialisme, l’impérialisme et la lâcheté politique. Un ordre érigé sur la violence, la compétition des puissances et une lutte acharnée pour le contrôle stratégique des territoires. Derrière les discours moralisateurs, c’est une guerre de prédation qui se joue, visant les ressources naturelles d’une région cruciale où les enjeux économiques et énergétiques sont majeurs.

Et si cette violence continue sans indignation massive, c’est aussi parce qu’elle s’abat sur des corps non « blancs », perçus comme sacrifiables, effaçables, périphériques. Gaza est devenue le miroir de notre faillite : humanitaire, morale, civilisationnelle. On y assassine l’espoir, et l’Occident détourne le regard pour ne pas voir son propre reflet.

Tant que le sort des Palestiniens sera relégué à une variable d’ajustement stratégique, tant que les principes du droit international seront à géométrie variable, tant que la possession de l’arme nucléaire restera le privilège de ceux qui ont su imposer leur hégémonie par la force, il n’y aura ni paix, ni justice.


Image d’illustration : « Israeli Air Force (IAF) F-35I Adir stealth multi-role fighter jet », photographie du 12 juin 2023 par Israeli Defence Forces Spokesperson’s Unit (CC BY-SA 3.0) – image recadrée

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