2027 : l’union, mais comment ?


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Le parti-pris de Nos Révolutions, discuté le 8 juin 2025.

Pour en être cosignataire, écrire à contact@nosrevolutions.fr.

En appelant, le 24 avril dernier, à organiser « une primaire des gauches la plus large possible », Lucie Castets a rouvert un vieux débat. Les uns ont fait part de leur enthousiasme pour une proposition qui aurait le double avantage de permettre le rassemblement de la gauche et l’implication démocratique des citoyen·nes. Les autres ont critiqué une approche tournée vers les catégories aisées et les professions intellectuelles ; les classes populaires, moins disponibles et moins éduquées politiquement, se retrouveraient de facto exclues.

Peuple de gauche, peuple des primaires

Ce dernier point de vue, qui est le plus courant dans les rangs de la gauche radicale, a une part d’erreur et une part de vérité.

Une part d’erreur, parce que les classes populaires, lorsqu’elles s’impliquent dans le débat politique – à l’occasion d’un mouvement social, d’une élection ou d’un référendum – peuvent y consacrer des heures, en discuter à chaque repas, avaler des kilomètres de vidéos YouTube et d’articles de presse pour se faire une idée. Elles se repèrent alors dans le débat avec une lucidité bien supérieure à celle des dominants. Il ne faut pas relayer le discours revanchard de ces derniers, d’après lequel les gens ne sont qu’un troupeau ahuri.

Et pourtant, il y a dans cette critique des primaires une part de vérité, puisque effectivement, les classes populaires ne participent guère à ce genre d’événement. Alors, pourquoi ?

Pour le comprendre, il faut s’intéresser au fond des débats. Une primaire large comme celle dont il est question aujourd’hui – tous les partis du NFP pour Castets, « de Poutou à Hollande » pour Ruffin – consiste à départager des orientations politiques fondamentalement différentes, en espérant que tous les participants se rangent finalement derrière celle qui l’emporte. Or, ces orientations politiques différentes reflètent les intérêts de classes différentes : les classes populaires pour la gauche radicale, les directions d’entreprises et d’administrations pour les sociaux-libéraux. Aucun de ces deux groupes n’est disposé à se ranger derrière l’autre, considérant que les désaccords nés de la Loi Travail, des politiques de restriction des libertés publiques ou encore du génocide à Gaza sont trop sérieux pour être relégués au second plan. C’est la raison fondamentale de la fin de non-recevoir adressée, d’un côté, par la FI, et de l’autre, par Place Publique.

Entre les deux, cependant, une masse intermédiaire de populations qui n’ont ni les privilèges de la bourgeoisie ni les difficultés du prolétariat considère que ces sujets ne devraient pas être des obstacles à l’union. L’essentiel est alors de promouvoir les valeurs qu’ils estiment communes à l’ensemble de la gauche. Ils défendent une approche de type « plus petit dénominateur commun », parce qu’ils sont ce plus petit dénominateur commun, cette petite catégorie de la population qui peut voter indifféremment pour Poutou – sans souffrir de ses politiques contre les capitalistes -, ou pour Hollande – sans souffrir de ses politiques contre les travailleurs. Voilà quelle est la base sociale des primaires, en 2025 comme en 2022 et en 2017. Nous ne méprisons pas ces gens, car nous pensons qu’ils sont sincèrement inquiets de la percée du Rassemblement National et que leurs intentions sont positives. Cependant, nous pensons que l’approche qui leur vient spontanément n’est pas la bonne.

De fait, ce qui les séduit dans une telle initiative est aussi la raison pour laquelle les classes populaires ne la rejoindront pas : elles ne considèrent pas, elles, que les salaires, les violences policières ou les désastres humanitaires peuvent être mis de côté, et savent faire la différence entre Poutou – ou Mélenchon – et Hollande. Il suffit de se projeter mentalement vers le jour du scrutin pour le comprendre : combien de syndicalistes, de militant·es contre les violences policières ou de défenseurs des services publics accepteraient de glisser un bulletin « Hollande » dans l’urne, même si ce dernier était désigné par une primaire ?

La gauche face à l’extrême-droite

De fait, la démobilisation engendrée par une candidature construite de cette manière pourrait nous fragiliser face au Rassemblement National, au lieu de nous fortifier.

L’essor du RN a été, à chaque étape de son histoire, le fruit de la confusion – de l’anéantissement – de la gauche dans le libéralisme. C’est le cas de sa première percée de 1983-1984, dans le prolongement du tournant de la rigueur. C’est aussi le cas de sa première accession au second tour de l’élection présidentielle en 2002, après que le gouvernement Jospin ait battu des records de privatisations. Et c’est encore le cas de son installation durable sur le podium des élections nationales à partir de 2017, sur fond de la politique anti-sociale du couple Hollande/Valls. À chaque reniement, des grappes de centaines de milliers de gens cessaient de compter sur le progrès social et faisaient plutôt le pari de dépouiller les travailleurs étrangers pour s’en sortir. C’est le sens du mot d’ordre de « préférence nationale » qui s’est graduellement enkysté dans les classes populaires de certains territoires ruraux et péri-urbains, et qui se marie parfaitement avec les fantasmes ultra-autoritaires de franges croissantes du patronat.

Depuis quelques années, cependant, le peuple de gauche – dans sa masse – a péniblement réussi à s’extraire de ce bourbier. Petit à petit, il s’est séparé des organisations libérales et a pu mener des politiques entièrement distinctes, au prix d’une conflictualité accrue. Les nostalgiques de la période antérieure ne cessent de répéter que cette trajectoire n’a mené qu’à l’affaiblissement et à l’isolement. L’affirmation ne résiste pas aux faits. Depuis 2017, la gauche a progressé de manière continue aux élections nationales – présidentielle, législatives, européennes -, en nombre de voix, en pourcentage, et en nombre de parlementaires.

En fait, même en regardant plus loin dans le rétroviseur, le fait est discutable. Jamais dans l’histoire de la Ve République, avant décembre 2024, la gauche n’avait eu la force de frappe requise pour obtenir la censure d’un budget d’austérité. Cela tient au fait qu’en politique, la force et la faiblesse sont toujours relatives, dépendantes de la force et de la faiblesse de vos adversaires. Typiquement, en plein coeur des années 90, alors que le courant libéral était au faîte de sa puissance et contrôlait même plusieurs partis de gauche, les marges de manoeuvre des partis et courants de transformation sociale étaient extrêmement réduites, ce alors même qu’ils avaient certainement davantage de force militante qu’aujourd’hui.

Au plan strictement électoral, ce qui a changé est qu’il n’existe plus de parti amalgamant l’électorat de gauche et l’électorat libéral, à l’image de ce que fut le Parti Socialiste de 1983 à 2017. En 2017, les routes se sont nettement séparées (même si le processus avait commencé en 2005 et 2012) : les uns se sont tournés vers Mélenchon, les autres vers Macron. La carte électorale est donc revenue à ce qu’elle était à la fin des années 60 et au début des années 70, avant l’installation du leadership libéral sur la gauche. Lors de l’élection présidentielle de 1969, l’ensemble de la gauche cumulait 32,22%, dont 21,27% pour le principal candidat de gauche (Jacques Duclos). Lors de l’élection législative suivante, en 1973, on comptait 73 députés de gauche radicale – communistes -, et 102 députés allant de la gauche du parti socialiste à la droite du parti radical de gauche. En 2022, la gauche cumulait 31,94%, dont 21,95% pour le principal candidat de gauche (Jean-Luc Mélenchon). À l’issue des élections législatives de 2024, on compte 88 députés de gauche radicale (GDR et LFI), et 104 députés allant de la gauche des écologistes à la droite du PS.

Ce retour en force suscite mécaniquement une animosité accrue de la part du parti de l’ordre. En 1969 comme en 2025, des campagnes maccarthystes hallucinantes se déploient, notamment, dans les médias de droite. L’animosité des couches centristes de la population est alimentée quotidiennement et atteint des sommets. La gauche est bien, en un sens, dans une situation plus difficile… parce qu’elle s’attaque à un chantier plus difficile. Elle avance sous son propre pavillon, et non derrière celui des libéraux.

Au-delà des primaires

La gauche, en réalité, progresse du fait des convictions qu’elle défend. Inversement, nous pensons qu’un cartel électoral qui peut se projeter indifféremment dans l’approche de Hollande ou dans celle de Poutou mènerait à l’étroitesse sociale et à l’entre-soi. Ce fait n’est pas directement lié à la nature des primaires dans l’absolu, mais à toute la philosophie qui en sous-tend la démarche. De fait, les deux autres mécanismes proposés – négociation entre partis et convention citoyenne – posent exactement le même problème. Ils reflètent le dilettantisme de la même base sociale sujette aux tentations centristes.

En général, ces groupes sociaux sont assez peu audibles dans la vie publique. Pour exister, ils ont besoin de contextes de grande passivité politique, loin de l’élection présidentielle, hors de tout mouvement social ou de toute mobilisation collective. Dans ces moments particuliers, où les masses se taisent, ils osent monter sur le devant de la scène. Alors, ils occupent tout l’espace, ils multiplient les tribunes dans Libé ou dans L’Obs, ils pétitionnent, ils interpellent les députés ou les responsables de partis. Ils espèrent, en fait, qu’ils s’y prendront suffisamment tôt pour imposer un « rapport de forces » et éliminer les candidatures trop éruptives. Ils ne veulent plus que les boniments des démagogues viennent gâcher le scénario d’une gauche pacifiée et rassemblée dans la communion autour des classes moyennes ! À chaque élection présidentielle, le même refrain revient : Mélenchon et ses amis sont finis, plus personne ne les soutient, mon voisin me l’a re-dit ce matin, etc.

Il est alors courant que les femmes et les hommes politiques confondent ces couches sociales avec le peuple de gauche tout entier. L’illusion pourrait d’ailleurs tenir, si encore ils étaient résolus et déterminés, et essayaient de construire et de rassembler autour de leur démarche. Mais dès que les grandes classes antagonistes – bourgeoisie, prolétariat – s’engagent dans le débat et poussent leurs candidats, ces catégories intermédiaires ont tendance à prendre peur, à reculer et à se réfugier dans le vote utile, abandonnant leurs porte-paroles en rase campagne. Hamon, Jadot et Taubira en ont fait les frais dans le passé.

Même les militants expérimentés tombent facilement dans ce genre de mirage. Ils oublient que la plupart des gens, en France, ne s’impliquent véritablement dans le débat public que deux ou trois fois par quinquennat. Le reste du temps, la vie personnelle occupe tout l’espace : les enfants à conduire au sport, un collègue à remplacer au boulot, une série documentaire qu’on suit attentivement sur la 2 ou un jeu vidéo qu’on veut absolument finir, une histoire d’amour ou une rupture, la planification des vacances, une reconversion professionnelle.

Mais tout à coup, pour une raison X ou Y, il se trouve qu’on sort de l’apathie. Alors, des millions de personnes se passionnent simultanément pour le même sujet ; la colère, l’espoir, l’imagination envahissent tout. On n’a pas vraiment suivi les petites polémiques stériles qui ont agité les plateaux pendant cinq ans, et on ne compte pas le faire. On prend position en fonction des grands axes : qui est contre le racisme, et qui est pour ; qui est pour la paix, et qui est pour la guerre ; qui est pour les riches, et qui est pour les pauvres.

Dès lors, les partisans du louvoiement se retrouvent hors de leur élément. Pourtant, ils en sont convaincus, pour faire 51%, il faudrait éviter les manières rentre-dedans et parler comme un éditorial du Monde – ni pour, ni contre, bien au contraire. Hélas, leurs périphrases savantes, leurs circonlocutions qui ménagent la chèvre et le chou passent sous les radars. Les gens se mêlent de politique, ils n’ont plus le temps pour les bavardages.

Comment, alors, concilier ce souhait de douceur avec l’effort de conviction qui est le ressort fondamental de toute mobilisation politique ? C’est simple, paraît-il : il faut que la primaire s’appuie sur le programme (celui du NFP ou un autre). Si la démarche de changement est dedans, pourquoi prendre le risque de s’isoler en haussant le ton pour clarifier des choses qui sont déjà claires ?

Le seul problème est que les programmes ne sont pas toujours des indicateurs très fiables, et que les électeurs s’en sont aperçus. Sans faire l’historique de la dernière décennie -Hollande, Valls et leurs amis -, considérons l’année qui vient de s’écouler : le PS, qui a refusé de censurer le gouvernement Bayrou et a soutenu sa politique de « réarmement » au parlement, était bien signataire du programme du Nouveau Front Populaire. De toute évidence, les contrats arrachés sous la contrainte – ici, d’une élection législative – n’engagent à rien.

Le chemin de l’union

Pour ce qui nous concerne, nous croyons que le rassemblement de la gauche est possible et souhaitable. Le mécanisme de désignation – primaire, accord entre partis, convention citoyenne – est, à ce stade, secondaire. Ce qui compte est l’orientation politique d’un tel rassemblement. Lorsqu’on propose une alliance et que l’on défend des positions différentes, il est indispensable de dire comment on prétend les faire converger ; il ne faut pas enjamber la difficulté en prétendant qu’elle est secondaire, mais exposer les termes du compromis qu’on propose. Cet exposé loyal et lucide des points de friction est ce qui a fait la crédibilité du Nouveau Front Populaire (hélas dilapidée durant l’été 2024, notamment parce que la coalition, victime de ses éléments les plus modérés, n’a pas eu la fermeté requise pour tenir tête à Macron).

De notre point de vue, le compromis pour 2027 ne peut plus se faire sur les bases de la gauche libérale, car cette dernière a montré qu’elle était incapable de gouverner le pays dans le sens du progrès humain (2012-2017), de combattre la politique militariste de la France et les crimes de guerre perpétrés par ses alliés (2023-2025) et même de censurer le gouvernement Bayrou lorsqu’il a passé un budget d’austérité par voie de 49-3 (2025). Leur politique a failli et a fait énormément de mal, lorsqu’ils ont été dans la majorité comme lorsqu’ils ont été dans l’opposition. Il ne peut être question de la réessayer. Cela n’implique pas qu’il n’y a plus rien à faire avec ces partis et avec les classes qu’ils représentent : s’ils le veulent bien, ils peuvent participer à l’écriture d’un nouveau chapitre. Ce serait l’occasion pour eux de tenir les promesses qu’ils ont laissées en suspens, pour peu qu’ils soient prêts à changer de perspective.

De fait, la seule base possible pour le rassemblement est la démarche de la gauche radicale, dans ses dimensions – au minimum – anti-libérale, démocratique et anti-impérialiste.

De toute évidence, la France Insoumise devra y jouer un rôle central. Ceux qui rêvent de la contourner nous font perdre notre temps. Qu’on l’apprécie ou non, le courant qu’elle représente est au premier plan de la gauche depuis près de 10 ans, sinon 15. Voilà la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, et le suffrage universel en a donné la confirmation régulière. Il faut le dire sans détour : il n’y a pas de rassemblement de la gauche sans la FI. Les constructions politiques qui font abstraction des faits pour se réfugier dans l’imaginaire sont condamnées à s’effondrer au premier coup de vent.

Le parti communiste, s’il le décidait, pourrait également être essentiel dans le dispositif, et retrouver le rôle dynamique et combatif qui fut le sien à l’époque du Front de Gauche. Le NPA et les franges collectivistes des écologistes s’y retrouveraient naturellement, de même que les socialistes impliqué·es dans le mouvement syndical.

D’autres seront certainement rétifs au départ, mais ils resteront les bienvenus et pourront s’y joindre dans un second temps. Bien sûr, les personnalités impliquées dans la propagande pour le massacre à Gaza et le dénigrement des militant·es anti-génocide -accusées d’antisémitisme ou d’apologie du terrorisme – devront mettre fin à ces pratiques choquantes. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs commencé à corriger leur positionnement, notamment à l’occasion de la manifestation du Trocadéro, le 26 mai dernier. C’est une bonne chose.

Présidentielle et municipales

Bien sûr, il ne peut être question de demander à tel parti de se ranger unilatéralement derrière tel autre. Ce n’est pas ainsi que naissent les coalitions. Pour qu’une alliance fonctionne, il faut que chaque membre ait un rôle positif à y jouer, cohérent avec son influence, ses centres d’intérêt et ses domaines de compétence. Les élections municipales à venir permettent justement d’articuler des niveaux de leadership différents et de les discuter ensemble.

Les communistes ou les écologistes ont un ancrage municipal plus profond que les insoumis. Il serait logique qu’ils soient au centre des équipes locales à construire pour 2026. À l’inverse, les insoumis ont montré une efficacité redoutable pour mener le débat présidentiel. Les autres forces pourraient soutenir leur candidature dans le cadre d’un accord de gouvernement.

Dans l’un et l’autre cas – municipales et présidentielle/législatives -, la ligne politique sera cohérente mais plurielle, permettant à chaque force impliquée de faire valoir ses préoccupations principales. Typiquement, les mots d’ordre tournés vers la « Nouvelle France » de Mélenchon et vers les « oubliés » de Ruffin se complètent bien plus qu’ils ne s’opposent.

Une stratégie rassemblée et cohérente, sur les bases de la gauche radicale, articulant élections municipales, élection présidentielle et élections législatives ; voilà ce qui permettrait une montée en puissance graduelle de la gauche dans les deux prochaines années, sans reniement et sans effacement, au moment même où les ténors de la droite se déchireront pour la succession de Macron et où la concurrence Bardella/Le Pen, en même temps que les difficultés judiciaires de cette dernière, limiteront les capacités de campagne de l’extrême-droite.

Présidentielle et mouvement social

La crédibilité de notre démarche requiert également que nous envisagions les séquences électorales en les articulant avec les mouvements sociaux. De fait, lorsqu’elles sont menées séparément, la lutte politique comme la lutte sociale atteignent rapidement leurs limites. L’été 2024 a montré où mène une mobilisation électorale – même couronnée de succès – sans grève et sans occupation de la rue. Lorsqu’on prétend avoir gagné, il faut être prêts à cueillir les fruits de la victoire… Or, rien ni personne n’a empêché Macron de construire l’exécutif comme il l’entendait. De même, le printemps 2023 a montré où mène un grand mouvement social qui ne se préoccupe pas de renverser le pouvoir. Les manettes sont restées dans les mêmes mains, et à la fin, la réforme des retraites était promulguée.

Il est nécessaire de télescoper la pression électorale de la gauche et la pression des luttes pour qu’elles ne puissent plus être défaites séparément. Pour ce faire, deux méthodes sont possibles : susciter un mouvement social lors des élections présidentielle et/ou législatives, ou susciter les élections présidentielle et/ou législatives lors d’un mouvement social. Dans les deux cas, la logique est la même. Il s’agit de prendre appui sur la politisation collective et la mise en mouvement du peuple pour faire craquer les dispositifs anti-démocratiques de la Vème République.

Cette exigence de continuité entre les luttes sociales et les luttes politiques est aussi, en fait, une exigence d’organisation. La participation active de millions de personnes à une lutte nationale de longue haleine requiert de pénétrer la vie sociale au niveau le plus moléculaire, celui du quartier et du collectif de travail. Ce sujet est, pour la gauche d’aujourd’hui, un point de fragilité : le parti de masse de notre époque reste à inventer. Il doit reposer sur des mécanismes démocratiques permettant à l’organisation d’entraîner largement autour d’elle –dans une démarche de « campagne permanente »–, mais également d’être entraînée lorsque les classes populaires elles-même souhaitent porter le combat sur un thème particulier, comme ce fut le cas lors du mouvement des Gilets Jaunes ou des émeutes consécutives à la mort de Nahel.

Au moment où nous parlons, nous pensons que la fortification des liens avec la classe ouvrière industrielle – française comme internationale – est un enjeu essentiel de ce travail d’organisation. L’offensive bourgeoise des 30 dernières années a considérablement désorganisé et fragilisé cette dernière, mais elle a montré, dans l’histoire, ses capacités de résistance au capitalisme (et sa capacité à ériger une alternative). Nous ne pensons pas que l’économie peut se passer d’usines et d’entrepôts, et par conséquent, nous ne pensons pas que la révolution peut se passer d’ouvrier·es.

Conclusion

Pour résumer, notre point de vue sur la situation consiste en trois idées :

  1. Les appels aux primaires que l’on entend actuellement partent d’une bonne intention, mais prennent le problème à l’envers, faute d’une évaluation lucide des rapports entre les classes et les partis.
  2. Pour que l’union soit possible, il faut qu’elle soit explicitement scellée sous leadership radical, et qu’elle articule les municipales, la présidentielle et les législatives en prenant appui sur les forces et réalisations objectives de chacun des partis concernés.
  3. Cette montée en puissance de la gauche doit s’appuyer sur un travail d’organisation systématique, visant à faire entrer la lutte politique partout où vivent les classes populaires.

Plus généralement, nous espérons qu’un débat stratégique exigeant, ne se payant plus de mots, évitant les lieux communs sociologiques ou les formules faciles, soucieux d’organiser et d’entraîner, pourra prendre de l’importance parmi les militant·es de la transformation sociale. La conquête du pouvoir politique est, pour celles et ceux qui n’ont que la vente de leur force de travail pour vivre, une tâche immensément difficile. Nous souhaitons qu’elle soit prise au sérieux dans les rangs de la gauche.

Signataires

Josselin Aubry
Aurélie Biancarelli
Hugo Blossier
Rémy Boeringer
Sophie Bournot
Mathis Brière
Lucie Champenois
Emmanuel Deleplace
Rosa Drif
Juan Francisco Cohu
Manel Djadoun
Anaïs Fley
Théo Froger
Nadine Garcia
Grégory Geminel
Frédérick Genevée
Laureen Genthon
Jules Henri Gonzales
Antoine Guerreiro
Nicolas Haincourt
Marie Jay
Randy Kalubi
Noâm Korchi
Helena Laouisset
Isabelle Lorand
Colette
Nuria Moraga
Basile Noël
Philippe Pellegrini
Odile Planson
Hugo Pompougnac
Mona Queyroux
Mathilde Rata
Pascal Tournois
Armeline Videcoq-Bard
Salomé Yhuel


Image d’illustration : « mobilisation du 18 juillet pour imposer une alternative démocratique, sociale et écologique », photographie du 18 juillet 2024 par Jean-Paul Romani – Photothèque du mouvement social

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