Nanterre, une ville populaire face au budget Bayrou


Par Lucie Champenois*.

Le 3 février dernier, le Premier ministre François Bayrou a entériné l’adoption du projet de loi de finances (PLF) 2025 en recourant à l’article 49-3 de notre Constitution. Il a justifié ce choix en y voyant le seul moyen de « doter le pays d’un budget ». Ce budget ne passe donc que via un procédé anti-démocratique, sans l’accord des députés, uniquement grâce au rejet d’une motion de censure.

Ce budget est un soi-disant compromis politique entre gens tous d’accord pour sacrifier les classes populaires sur l’autel des profits économiques et de la compétitivité mondiale des entreprises. Il impose des économies drastiques, principalement au détriment des services publics. Il asphyxie, entre autres, des secteurs comme la culture (-210 millions d’euros), l’écologie (-2,1 milliards), l’enseignement supérieur et la recherche (-1 milliard), l’habitat (-2 milliards). Il attaque encore les fonctionnaires en réduisant le taux d’indemnisation de 10% des arrêts-maladies. Si les 4 000 postes qui devaient être supprimés dans l’Éducation nationale sont sauvés, la coupe budgétaire demandée au ministère reste identique : ce sont donc des dizaines de millions d’euros en moins pour l’éducation de nos enfants.

Ce budget met aussi au pain sec les collectivités territoriales, avec un coup de rabot de plus de 2 milliards pour les 2 099 communes concernées. Les collectivités locales ont même été désignées principales coupables de ce « dérapage budgétaire », au mépris des règles d’équilibre annuel que les villes doivent respecter. Au mépris aussi des analyses économiques sérieuses qui pointent l’inconséquence des derniers ministres de l’Économie, et l’incompétence des services de Bercy. Guidés par les dogmes d’une politique de l’offre, ce sont eux qui ont permis un dérapage des comptes publics de plus de 66 milliards d’euros en deux ans, soit plus que le budget annuel de l’Éducation nationale.

Aujourd’hui, loin de changer d’orientation politique, le Gouvernement choisit d’en faire payer la facture aux classes moyennes et populaires. Il choisit de dégrader les services publics nationaux les plus essentiels. Il choisit d’assécher l’action publique locale en diminuant de manière significative les ressources allouées aux communes, dont Nanterre. Il choisit de vouer aux gémonies les fonctionnaires qui portent ces services publics essentiels, et qui sont désormais vilipendés par des gens qui ne savent pas ce que travailler veut dire.

Ce budget national est le symbole ou le dernier symptôme d’une crise plus profonde qui touche les communes en général, et Nanterre en particulier. Ce budget creuse encore la fracture avec l’esprit de solidarité et de justice sociale qui doit guider nos politiques publiques et les ambitions de notre ville, et qui fonde le pacte républicain et démocratique français. Nous devons être conscients qu’il ne s’agit pas simplement de chiffres, mais de deux visions politiques opposées : d’un côté, la violence de l’austérité mortifère ; de l’autre, la voie difficile mais nécessaire de la solidarité et du vivre-ensemble. Ce sont ces dernières valeurs qui guident notre action locale.

En tant que commune, Nanterre subit directement ces choix budgétaires avec une perte continue de ressources depuis des années. En témoignent la suppression de la Dotation générale de fonctionnement (DGF), les baisses répétées de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi qu’une une péréquation toujours plus injuste qui fait payer à nos habitants un tribut plus important que Neuilly. Cette année encore, avec le budget Bayrou, nous perdrons plus de 4 millions d’euros.

Pendant ce temps, les communes héritent de responsabilités toujours plus grandes en raison des défaillances des services publics nationaux, qu’il s’agisse de la santé ou de l’éducation, par exemple. Le manque de soutien financier de l’État nous place dans une situation précaire, en dépit de notre rôle essentiel pour garantir la cohésion sociale et territoriale.

Face à cette situation, nous, à Nanterre, poursuivrons une politique ambitieuse, malgré les contraintes budgétaires imposées. Nous investirons dans l’avenir de notre ville et de ses habitants, en veillant à ce que des services publics de qualité continuent d’être accessibles à tous :

  • En matière de santé, nous allons inaugurer au printemps 2025 le Centre Municipal de Santé Juliette Ténine.
  • En matière d’éducation, le groupe scolaire Yvonne Kerzrého, dans le quartier des Groues, sera livré dans les prochains mois, et la rénovation de l’école Jacques Decours dans le Parc Sud se poursuit.
  • En matière de sport et de culture, nous avançons avec la construction du gymnase Alice Milliat au Vieux-Pont et la réouverture du Théâtre des Amandiers à la fin de l’année. Nous avons aussi récemment inauguré la librairie Dédicace.
  • En matière de transition écologique, nous continuons d’investir dans des bâtiments exemplaires et dans des projets de renaturation et de dépollution des sols, rendus stériles par des politiques industrielles qui ont maltraité notre ville.

Ces initiatives ne sont pas seulement des projets d’infrastructures. Elles incarnent un modèle de Nanterre : une ville ouverte à toutes et à tous, une ville de mixités sociales, une ville durable et solidaire. Elles illustrent notre engagement à offrir une vie de qualité à nos habitants, en dépit des attaques que nous subissons.

Cependant, il est clair qu’aujourd’hui, les communes sont confrontées à une crise institutionnelle et financière majeure. La concentration de compétences politiques à de nouveaux échelons (EPT, métropole), ainsi que la recentralisation fiscale, ont considérablement réduit l’autonomie des communes, notamment des communes populaires comme la nôtre. Les réformes fiscales successives, comme la suppression de la taxe professionnelle ou de la taxe d’habitation, et les coups de rabots budgétaires, comme celui que nous subissons aujourd’hui, ont limité nos capacités financières et nos marges de manœuvre pour mener des politiques publiques adaptées à nos réalités locales.

Dans ce contexte, Nanterre, tout comme d’autres communes populaires, se trouve de plus en plus dépendante des décisions étatiques et des subventions conditionnées par des appels à projets. Les choix politiques sont de plus en plus dictés par des objectifs imposés par l’État ou des institutions supra-communales, au détriment de la vision politique des élus locaux et des aspirations des populations qui les élisent. Ainsi du budget actuel : un gouvernement, qui est tout sauf le reflet des volontés politiques et démocratiques françaises, impose aux villes un budget et les restrictions qui en découlent. Alors que nous, élus municipaux, nous efforçons de faire vivre au plus près de toutes et tous les valeurs démocratiques qui nous sont chères.

Nous sommes donc face à un double défi : d’une part, résister à l’austérité budgétaire autant que nous le pourrons ; d’autre part, défendre le rôle essentiel des communes comme lieu de pouvoir populaire, de solidarité et de transformation sociale. Nous continuerons de mener une politique ambitieuse. Mais il est clair que le danger est grand, dans un contexte où les collectivités locales sont de plus en plus étouffées par les choix centralisateurs et les réformes fiscales régressives.

Le budget que nous présenterons demain sera celui de la responsabilité et de l’ambition. Un budget au service de toutes et tous, qui refuse de sacrifier nos valeurs et nos missions au nom d’une logique économique déshumanisée et maltraitante. Un budget qui reflète notre engagement à faire de Nanterre une ville où l’humain reste au cœur de l’action publique. Une ville d’égalité, de justice sociale et écologique, d’émancipation collective.

Nous présenterons ce budget avec la détermination de protéger les populations des conséquences désastreuses des choix de nos gouvernants. Et nous sommes tout aussi déterminés à faire entendre, bien au-delà de Nanterre, la nécessité d’une refonte politique autant qu’économique d’un système visiblement à bout de souffle.


* Lucie Champenois est conseillère municipale de Nanterre, déléguée à la Culture. Ce texte est tiré d’une intervention en Conseil municipal, à l’occasion du Rapport d’Orientations Budgétaires.

Image d’illustration : « Mairie de Nanterre, France », photographie du 13 décembre 2011 par Daniel Rodet (CC BY-SA 3.0)


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