L’abject projet d’une « Riviera » sur le tombeau des Gazaouis


Par Patrick le Hyaric.

Cet article du 13 février 2025 est extrait de la lettre hebdomadaire de Patrick Le Hyaric. Cliquez ici pour lire la lettre de la semaine, et ici pour vous y abonner.

Voici l’une des dernières abjections du président des États-Unis Donald Trump, par ailleurs magnat de l’immobilier : un transfert forcé de deux millions de Gazaouis hors de leur terre et de leur patrie pour faire de Gaza une « Riviera du Moyen-Orient » où viendraient sur le sable chaud se prélasser de riches Occidentaux, entourés de fleurs et de palmiers, s’enivrant de fêtes nocturnes sur les tombes de dizaines de milliers de Palestiniens. 

Bref, Trump qui fait la chasse aux immigrés dans son pays veut en créer deux millions, et prie l’Égypte et la Jordanie de les accueillir toute affaire cessante. À défaut, l’ogre Nord-Américain les sanctionnera durement. Il revendique donc ouvertement lors d’une conférence de presse en mondovision la préparation d’un crime contre l’humanité, selon les termes de l’article 7 du Statut de Rome. Il a réitéré ces propos à trois reprises depuis dans des déclarations officielles. Ce 11 janvier face au roi de Jordanie il a persisté et signé : « Nous allons posséder Gaza. Nous n’avons pas besoin de l’acheter. Il n’y a rien à acheter » s’est-il exclamé en confirmant son projet : « Gaza « sera placé sous le contrôle américain ».

En vérité, il a exposé le plan des dirigeants israéliens, et leur a donné le feu vert pour passer aux actes.

La mollesse des réactions dans les capitales européennes, le jour où celles-ci livraient des avions de combat, dont le Mirage français, à l’Ukraine, laisse pantois. Leurs communiqués, écrits à l’encre sympathique, se terminant une nouvelle fois par leur soutien à « une solution à deux États », ne sont que tissus d’hypocrisie et de duplicité.

Si les dirigeants européens, vassalisés à Washington, étaient réellement pour une solution à deux États, ils produiraient un acte clair, simple et fort : se conformer au droit international et reconnaître, comme 147 autres pays, l’État de Palestine, puisque l’un des « deux États » existe depuis le 19 mai 1948, Israël. 

Ne pas le faire les rend complices de l’enchaînement des événements en Palestine. En refusant de poser avec force depuis trop longtemps la reconnaissance de l’État de Palestine, en semant la confusion entre le sort d’un peuple aux mains nues et son colonisateur qu’ils arment jusqu’aux dents, en empêchant tout débat sérieux et argumenté, en assimilant les contestations du processus de « colonisation-annexion » à de l’antisémitisme, ils ont ouvert le chemin aux projets communs de la droite et de l’extrême droite israéliennes et à Trump. 

Tout le monde a clairement entendu, en janvier 2024, le sinistre ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich appelant au nettoyage ethnique de Gaza en ces termes : « Nous voulons encourager l’émigration volontaire, et nous devons trouver des pays prêts à accueillir les Palestiniens. » Au même moment, son collègue et ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir expliquait à des journalistes que la guerre menée contre les Palestiniens de Gaza offrait « l’occasion de se concentrer sur l’encouragement à la migration des habitants de Gaza ». 

Les conducteurs fous de la machine de nettoyage ethnique se sentent confortés dans leur sale entreprise. Les brouilleurs d’ondes expliquent que Trump ne pourra pas déployer son armée pour une telle opération à Gaza. Pourquoi font-ils mine de ne pas avoir entendu Netanyahou expliquer qu’aucune troupe nord-américaine ne serait nécessaire parce que l’armée israélienne écraserait toute velléité des Palestiniens à faire respecter leur souveraineté sur leur sol ? « C’est notre engagement, notre travail, et nous sommes absolument déterminés à le faire », s’est exclamé, hilare, celui qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international – non sans avoir précisé à propos de la déclaration de Trump : « C’est la première bonne idée que j’ai entendue. » 

Pourquoi s’acharne-t-on tant, dans d’importants cercles diplomatiques, politiques et médiatiques, à nier, à minimiser, à banaliser ces infâmes projets ? Tout simplement pour laisser faire. C’est une insupportable injustice pour les Palestiniens, c’est une impardonnable faute politique pour ceux qui s’y livrent, c’est une insondable meurtrissure pour l’humanité tout entière.

À peine le leader de l’imperium avait-il finit de lire son texte que le ministre israélien de la Défense Israël Katz affirmait avoir « ordonné à Tsahal de préparer un plan » qui « comprendrait des options de sortie par les points de passage terrestre, ainsi que des dispositions spéciales pour les départs par voie maritime et aérienne ».

Si la naïveté devait s’emparer de certains cercles attachés au droit, à la démocratie et à la justice, il faudrait s’empresser de la combattre. 

L’expression de Trump agira comme un désinhibiteur pour toutes celles et ceux qui veulent jeter la cause palestinienne dans les braises d’une géopolitique de reconquête du Proche-Orient par l’Occident capitaliste. Le projet fondamental reste la construction du « Grand Israël », base élargie de l’implantation des firmes occidentales au Proche et Moyen-Orient. 

Le projet est la mise sous tutelle US de la bande de Gaza pour pouvoir exploiter les réserves de gaz au large de l’enclave et un espace de transport de gaz et d’énergie au sein de cette région ; et Israël engloutirait la Cisjordanie annexée. Derrière ces molles désapprobations de façade des pays occidentaux, le projet de « Riviera » en même temps que s’accélère la colonisation-annexion de la Cisjordanie, qu’Israël ferme l’UNRWA à Jérusalem et que les États-Unis lui coupent les crédits, se soupèse l’occasion de faire capoter définitivement ce que le langage diplomatique baptise de « solution à deux États ». 

Autrement dit, il s’agit de la liquidation en bonne et due forme de l’idée même d’une Palestine libre et souveraine, indépendante et démocratique. 

Il nous faut, avec nos associations, avec toutes les forces démocratiques, avec les nombreuses personnalités attachées à l’existence de deux États, renforcer un mouvement de révolte contre la tentative de faire disparaître un peuple, un pays, et organiser la solidarité avec le peuple palestinien. 

Ne laissons pas étouffer le mouvement national palestinien. Avec les citoyens des pays arabes, empêchons la normalisation entre Israël et les pays arabes. Multiplions pétitions, marches et démarches, prises de parole partout où c’est possible afin d’obtenir qu’Emmanuel Macron déclare que la France reconnaît officiellement l’État de Palestine et pour qu’enfin l’Union européenne suspende l’accord d’association qui la lie à Israël depuis 1995. 

Le mouvement des peuples pour la justice, le droit à l’autodétermination et la paix peut changer la donne.

L’axe proto-fascistoïde Trump-Netanyahou se heurtera au nombre. Le colonialisme de peuplement n’empêchera pas les Palestiniens de rester majoritaires et de combattre l’apartheid. Choqués, révoltés par la volonté d’annexion et par une guerre génocidaire, les peuples arabes ne laisseront pas leurs gouvernements accepter l’effacement des Palestiniens. 

La cause palestinienne, désormais placée au cœur des enjeux internationaux, mobilisant de larges fractions de la jeunesse à travers le monde, ne peut s’éteindre sous les coups de boutoir des extrêmes droites mondiales et de leurs silencieux complices. La solidarité internationaliste peut et doit fortement se déployer jusqu’à permettre aux Palestiniens d’exercer leur souveraineté en élisant leurs représentants dans un parlement et un gouvernement sur la base de la charte de l’OLP, chargés d’entamer le difficile processus de construction des fondements de l’État palestinien. Le rapport de force peut et doit être inversé pour faire respecter le droit international. C’est urgent. C’est difficile. Mais encore possible.


Image d’illustration : « Trump visits Israel », photographie du 23 mai 2017 par Amos Ben Gershom GPO – Israel Ministry of Foreign Affairs (CC BY-NC 2.0)


Share via
Copy link
Powered by Social Snap