Par Patrick Le Hyaric.
Cet article du 7 décembre 2024 est extrait de la lettre hebdomadaire de Patrick Le Hyaric. Cliquez ici pour lire la lettre de la semaine, et ici pour vous y abonner.
Le temps vient ou il serait utile de travailler sur LA VÉRITÉ, c’est-à-dire sur les faits. Il serait bien utile aussi de réclamer de la grande presse des milieux dominants de se comporter comme des journalistes, cherchant à faire comprendre, à faire mesurer les complexités, à travailler à partir des faits, sur les textes de la République dont la Constitution. C’est urgent, tant nous assistons à un déferlement de mensonges, d’approximations, de haine contre la gauche à l’occasion du vote de la motion de censure qui a fait tomber le ministère minoritaire Barnier.
Les mêmes qui fustigent le vote de censure contre un gouvernement de droite comme déraisonnable expliquent sans rire qu’ils voteraient la censure contre un gouvernement de gauche mettant en œuvre le programme du Nouveau Front populaire.
Les mêmes qui se gargarisent du mot « démocratie » expliquent la mine sombre que l’on peut voter ce que l’on veut, mais qu’il faut suivre ce que disent les fonds financiers qui pourraient « nous » sanctionner si on n’accepte pas le budget d’austérité. Il ne vient même pas à l’esprit que la sanction, c’est déjà ne pas pouvoir boucler ses fins de mois, ne pas avoir accès à la santé et être victime de l’inégalité des droits.
Les mêmes nous vantent les mérites du parlementarisme, mais vantent la décision autoritaire d’un gouvernement qui passe outre les propositions du Parlement en utilisant l’article 49-3. Bref, la vigilance s’impose car la dérive s’accélère.
Pour me faire bien comprendre je mets à votre disposition ici quelques extraits d’interventions de journalistes bien en cour, chargés de la guerre idéologique. Voici les sachants, les donneurs de leçons qui ne se présentent pourtant à aucune élection ; et pour cause ! Ils sont des militants et ne s’en cachent même plus !
Lenglet et le « modèle social »
François Lenglet sur RTL le 5 décembre avec toujours ce même ton doctoral : « Je suis inquiet. Vraiment inquiet », crie t’il. « On est dans un déni de réalité collectif. […] On espère échapper à cette vérité simple : il n’y aura pas de rétablissement financier, il n’y aura pas de redressement de la France sans une refonte profonde du modèle social. Vérité qui finira d’ailleurs par s’imposer ! ».
« Vite, la crise ! » et les intégristes du marché
Dans L’Opinion tout dans la nuance, Nicolas Beytout porte-plume du business le 4 décembre : « Seul un choc violent pourra rompre cet enchaînement fatal, alors il reste à espérer qu’arrive vite la crise. La vraie, celle qui fera prendre conscience aux Français qu’aucun des scénarios envisagés aujourd’hui ne suffira pour redresser le pays. Celle qui donnera une chance de rebondir sur une nouvelle politique, seule à même de remettre la France sur de bons rails ». Un choc violent !
Délégué par Ouest France pour l’édito du jour, le journaliste économique Patrice Moyon ressasse le catéchisme : « En empruntant plus cher et en ne s’attaquant pas aux questions de fond, la France se prive de marge de manœuvre pour préparer l’avenir. » (5 décembre ). Il n’a pas précisé, l’avenir de qui, de quoi ?
Dans Le Monde du 4 décembre, Françoise Fressoz : « Plus l’incertitude politique augmente, plus la prime de risque s’élève, avec, pour conséquence, d’alourdir un peu plus la charge de la dette, au risque de limiter les capacités de l’action publique dans les prochaines années. ». Pourquoi une « charge de la dette ? Pourquoi une dette ? On ne le saura pas.
À France Inter, le 5 décembre le rédacteur-en-chef des Echos qui bénéficie chaque jour d’un éditorial parle d’une « censure destructrice » et interroge « Pourquoi ce qui est possible avec les JO et Notre-Dame – du collectif, de la réussite ! – pourquoi est-ce impossible sur la scène politique et budgétaire où tout est fracas, échecs, déprime ? ». C’est à rire si ce n’était pas si bête.
Et le grand penseur Cyril Hanouna, a lui aussi livré le 3 décembre un diagnostic argumenté devant son petit groupe de groupies se prosternant avant de recevoir leur chèque, rançon de l’allégeance : « Ça va être catastrophique, sachez-le ! C’est dramatique ce qui se passe. […] Ce que ça va changer pour les Français, c’est que ça va encore les foutre encore plus dans une situation critique puisque ça veut dire pas de décision prise, pas de budget, […] un pays complètement figé, […] une situation qui va être bien plus dramatique que celle de la Grèce ! […] C’est un chaos total. » (C8, le 3 décembre).
Après « communistes pas Français », revoilà les rouges bruns !
Raffy dans Le Point « le retour d’une forme d’alliance brun-rouge ». « Symbolisée par le concept du fer à cheval, illustrant le fait que dans des moments historiques donnés, l’extrême droite et l’extrême gauche se rejoignent inéluctablement. » (le 3 décembre).
Pascal Perrineau invité partout avec son teint hâlé, qu’il ne doit ni à son métier de couvreur ou de paysan mais de bon parleur, dit dans Le Figaro : « Il ne faut pas s’étonner qu’une gauche très prompte à dénoncer le « fascisme » rampant du RN mêle ses voix sans aucune pudibonderie à celles des députés du parti honni verbalement mais fréquentable politiquement. En effet, le rapprochement entre certains secteurs de la gauche et le RN n’est pas une réalité nouvelle. Sur le plan économique et social (retraites, taxation de la spéculation, services publics, anti-globalisation…), les convergences entre les deux extrêmes sont une réalité qui définit un espace où peuvent se mêler des courants apparemment opposés. »
Et dans la famille Duhamel c’est Nathalie Saint-Cricq, sur France 5 : « C’est vrai qu’il y a eu un rapprochement idéologique, c’est-à-dire en gros, un combat pour avoir… alors… le Rassemblement national a choisi les ouvriers, LFI [parmi] les perdants a choisi plutôt les banlieues, mais c’est vrai qu’il y a un certain nombre de discours en commun, sur les riches, les abattre, voilà ! Il y a des choses… un peu de populisme en commun disons ! » (France 5, le 2 décembre).
Et, Étienne Gernelle, Le Point : « Mélenchon – Le Pen, même combat ! […] C’est donc une alliance, presque une équipe. Alors cette alliance, elle est parfois décrite un peu vite comme une alliance de circonstance, voire une alliance des contraires mais pardon, elle est en réalité très naturelle car RN et LFI ont énormément en commun. Sur l’économie, ils ont la même philosophie de la relance par la demande. […] À la fin, il y a tout de même un vrai socle idéologique commun. ».
On pourrait allonger la liste des citations pour faire peur, pour amalgamer l’extrême droite avec la gauche car il n’y a pas selon le Conseil d’État d’extrême gauche au parlement. Toutes ces âneries se disent dans les radios et les télévisions à longueur de journées sans contradicteurs.
Toujours les mêmes invités. Toujours les mêmes éléments de langage puisés chez les technocrates des cabinets ministériels. Car là aussi les confusions, les consanguinités, la non-vérité et la propagande visent à sauver le système, à empêcher toute alternative démocratique en divisant la gauche. Mesurons les enjeux. Faisons entendre d’autres voix. Faisons lire et entendre une autre presse. Faisons lire L’Humanité.
Image d’illustration : « QUESTIONS D’INFO – Frédéric Haziza, Françoise Fressoz, Yaël Goosz et Frédéric Dumoulin – Copyright A.Faidy Autofocus prod pour LCP », photographie du 16 septembre 2015 pour LCP – Assemblée Nationale (CC BY-ND 2.0)