Par Patrick Le Hyaric.
Cet article du 9 novembre 2024 est extrait de la lettre hebdomadaire de Patrick Le Hyaric. Cliquez ici pour lire la lettre de la semaine, et ici pour vous y abonner.
Les envoyés spéciaux de L’Humanité ont été lucides depuis le début de la campagne électorale américaine. En allant à la rencontre de populations bien souvent « invisibilisées » ils ont en de multiples articles montrés les désaveux qui frappaient le parti démocrate et Biden. Un parti qui depuis si longtemps ne traite plus des urgences sociales. Il est utile aujourd’hui de relire leurs articles.
Une multitude d’analyses nous parviennent de journalistes, de spécialistes des États-Unis et de politique internationale. Elles sont toutes utiles. Toutes dévoilent sans aucun doute une part de réalité. Toutes mettent en lumière des complexités de la situation. Ce qui manque le plus c’est de donner la parole aux citoyens quelques soient leurs opinions et leurs motivations. Non pas pour des opérations de propagande mais pour comprendre, entendre. Cette invisibilisation des classes populaires dans les médias restent partout un problème. Il n’est pas sans rapport avec l’acérée lame brune qui pourfend les démocraties partout dans le monde.
Au moins deux interrogations ne devraient pas nous quitter.
Au-delà de ce qui peut se dire sur la campagne du parti démocrate, il faut convenir que les électrices et électeurs américains ont décidé en toute connaissance de cause. Trump a été président quatre ans, puis il a passé les quatre dernières années en campagne électorale quand il ne devait pas se présenter dans les tribunaux pour des dizaines de chefs d’inculpation. Il gagne les voix des délégués et les votes populaires ainsi que son parti dans les élections des représentants et des sénateurs. Il s’agit donc bien d’un vote d’adhésion comme il y en a d’autres en Europe. Tel est une partie du débat sur lequel il faudrait plus se pencher. Une majorité de gens déjà dans la misère sociale croient voter pour l’amélioration de leur vie alors que Trump n’a pas caché qu’il allait procéder à des coupes drastiques dans les dépenses publiques et privatiser l’école.
On présente le parti démocrate comme étant de gauche. À gauche de quoi ? Il n’est pas un parti de la transformation sociale et écologique progressiste. Il n’est qu’un parti défendant une variante du capitalisme mondialisé et la prédominance de l’impérium sur le monde. Ainsi les citoyens américains n’ont le choix qu’entre des variantes d’un capitalisme empêtré dans de dangereuses contradictions. Cela n’enlève rien à ses mérites sur des enjeux aussi fondamentaux que le droit à l’avortement ou parfois la défense des minorités ou le désarmement des populations. Reste que la question fondamentale reste ce mur que le parti démocrate érige devant toute alternative progressiste. C’est l’une des raisons qui me conduise, à penser à la nécessité de revenir au communisme « originel » comme processus maîtrisé par les travailleurs et les citoyens eux-mêmes non pas dans l’attente de futures élections mais dans un combat quotidien.
La question devient importante au moment où nous sommes contraints de reconnaître que désormais le mensonge, le faux, peut être transformé en vérité, les faits relégué à l’arrière-plan pour devenir ce que l’on appelle des « faits alternatifs ». Les enjeux de formation, d’éducation, de partage des savoirs en donnant plus de place aux chercheurs et aux scientifiques de toutes disciplines dans l’espace public, ainsi qu’aux penseurs aujourd’hui interdit d’antenne deviennent une question politique d’importance.
Enfin ne sommes-nous pas en train de franchir un saut qualitatif dans les expressions conservatrices et réactionnaires : le passage d’un populisme de droite à autre chose, une démarche fascisante pour sauver la domination du capital international. C’est ce que tendent à prouver la floraison des « boites à idées « réactionnaires partout dans le monde, dont le projet trumpiste dit « projet 2025 » qui énonce les impératifs de la « contre-révolution ».
Dès lors que les travailleurs américains se retrouvent sans alternative c’est le national-capitalisme américain qui gagne, avec de multiples conséquences négatives sur le monde entier particulièrement en Europe. Trump est l’allié direct des grandes banques à qui il a promis la destruction de toutes les agences fédérales chargées de surveiller les acteurs de la finance et la dérégulation bancaire. E Musk a engagé 119 milliards de dollars dans la campagne de Trump. Dès le 6 novembre il a déjà récupéré 15 milliards avec l’envolée de la valeur de Tesla en bourse.
Les femmes du monde entier comme toutes les minorités sexuelles et raciales voient le rapport de forces se modifier en leur défaveur. Raison de plus pour porter le flambeau de ces combats.
Le capitalisme climaticide se réjouit avec les projets extractivistes de celui qui s’installera en janvier prochain à la Maison Blanche. Raison de plus pour nouer des relations et mener des actions avec la jeunesse américaine qui ne veut ni de la destruction de l’environnement, ni de l’écrasement des Palestiniens. Ils auront besoin de nous. Nous aurons besoin d’eux.
La bascule en cours ajoute encore des pierres au chaos, généré par un capitalisme agressif, des intégrismes qui le servent, de monstrueuses guerres, et des menaces de plus en plus rapprochées sur la biodiversité et le climat. Il faudra s’organiser pour dresser des remparts démocratiques, et des alternatives.
Image d’illustration : « Former President Donald Trump Holds Campaign Rally In Rochester, New Hampshire », photographie du 23 janvier 2024 par Liam Enea (CC BY-SA 2.0)