Par Noâm Korchi.
Alors que Gérald Darmanin et Prisca Thévenot ont semblé découvrir le racisme systémique au moment de quitter leurs responsabilités ministérielles, après avoir été entièrement complaisants avec l’extrême-droite et son idéologie nauséabonde, les Français·es, eux, ont pu découvrir le gouvernement de Michel Barnier.
Un gouvernement qui, sans surprise, se fait en totale opposition avec la réalité électorale et la victoire du Nouveau Front Populaire aux dernières législatives. L’agonie de la 5ème République se prolonge et nous réserve encore bien des surprises. À commencer par la présence de « revenants » politiques au sein de ce gouvernement – à l’image de Laurent Saint-Martin, défait par deux fois lors des élections régionales de 2021 puis des législatives de 2022.
Plus globalement, nous assistons à l’arrivée d’une maladroite coalition des droites, rassemblées pour la défense de leur intérêts et cela, avec l’aval de Marine Le Pen. Nous voilà avec un gouvernement peuplé de ministres anti-avortement, xénophobes ou encore homophobes. Le nouveau Premier Ministre Michel Barnier lui-même avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité en 1981 (date à laquelle il était déjà élu – des « revenants » disions-nous).
Se jouant de la démocratie et des résultats des élections, la droite se retrouve désormais à tenter d’imposer une politique majoritairement rejetée par les Français·es, tout en jonglant avec les motions de censure potentielles. Pour cela elle fait son choix, comme la bourgeoisie d’Entre-deux-guerres : « Plutôt Hitler plutôt que le (Nouveau) Front Populaire »…
Dans ce contexte et pour s’assurer les bonnes grâces du Rassemblement National, parti politique héritier de Pétain, de l’OAS et de l’idéologie fasciste, il fallait bien au minimum Bruno Retailleau au Ministère de l’Intérieur. Bien que certains médias se soient contentés de le dépeindre comme un représentant de la droite conservatrice, l’idéologie raciste, xénophobe et ultralibérale qu’il défend dépasse largement ce cadre et constitue un véritable danger.
Adoubé par Éric Ciotti et utilisant à merveille la rhétorique de l’extrême-droite (« français de papier », « ensauvagement », « grand remplacement »1), Bruno Retailleau n’a pas tardé à afficher ses intentions. Dès sa première intervention en tant que Ministre de l’Intérieur, il annonçait vouloir « rétablir l’ordre », allait le lendemain dans un commissariat afin de « conforter les forces de l’ordre » puis créait une première friction avec le nouveau Ministre de la Justice et supposée « caution de gauche », Didier Migaud (encore un revenant ?), après avoir fustigé le fonctionnement de la justice.
Ce positionnement extrêmement conservateur n’est malheureusement pas une première, après les quatre années passées par Gérald Darmanin au Ministère de l’Intérieur. Cependant, l’influence directe de l’extrême-droite sur les politiques qui seront menées par ce gouvernement, formé avec son soutien, et vivant sous sa pression constante, n’augure rien de bon. Cette situation politique peut être un chemin pavé d’or pour le Rassemblement National aux prochaines élections.
L’extrême-droite n’est plus uniquement aux portes du pouvoir ; elle marche déjà à ses côtés, et en tire maintenant les ficelles. Le gouvernement de Michel Barnier semble poser les fondations d’une passation de pouvoir entre la Macronie/droite et le Rassemblement National… À moins qu’une mobilisation populaire ne pointe le bout de son nez et ne vienne changer le cours de l’Histoire !
- Lorsque Valérie Pécresse a utilisé ce terme issu de théories racistes, Bruno Retailleau l’a défendue en affirmant qu’il n’y avait « pas de tabou » à ce sujet. Voir aussi L’Humanité : https://www.humanite.fr/politique/bruno-retailleau/bruno-retailleau-dans-lextreme-lignee-de-gerald-darmanin ↩︎
Image d’illustration : Partie de la photographie « Bruno Retailleau, lors de son discours au dîner annuel » du 3 mars 2022, par Qqqq95 (CC BY-SA 4.0)