Par Manel D.
En ce jeudi 19 septembre, soit trois mois après les élections législatives, la France n’a toujours pas de gouvernement. La nomination de Michel Barnier à Matignon est déjà un échec. En quête d’un gouvernement d’équilibre, Michel Barnier fait face à la pression de sa famille politique (la droite traditionnelle) et des macronistes, qui bloquent les discussions sur les postes-clés du gouvernement, et notamment le ministère de l’Intérieur qu’ils refusent de céder à la droite.
Alors que des échéances budgétaires cruciales se rapprochent, et suite aux annonces de « hausse des impôts » par Barnier, les députés du parti présidentiel remettent désormais en question leur participation au gouvernement. Hier, la réunion entre Gabriel Attal et la délégation du groupe Ensemble pour la République et le Premier ministre a été annulée. Michel Barnier est-il déjà au bord de la démission ?
Le gouvernement n’est même pas encore nommé, que la promesse d’un « gouvernement d’union nationale » s’envole déjà. Chacun·e le comprend désormais. Face à sa propre impuissance, le pouvoir vacille. Sous nos yeux, les rois sont nus. Ils tournent à vide. Leurs jeux d’appareils et de pouvoir sont révélés au grand jour.
Qu’importent les semblants de réconciliation déclarés lors des fêtes olympiques, Macron et ses amis méprisent le peuple et encore plus ses aspirations de changement. C’est pour cette raison qu’ils n’ont pas reconnu le résultat des urnes et l’arrivée en tête du Nouveau Front populaire.
De son côté, le peuple le leur rend bien : Macron et ses alliés se retrouvent à la tête d’un État dont les classes populaires se défient. Mais au-delà de la colère, les franges les plus mobilisées du peuple sont-elles prêtes à s’attaquer aux grands problèmes sociaux ? Sont-elles en mesure de remplacer les classes dominantes qui refusent de répondre à leurs aspirations ? En ont-elles l’ambition?
Une chose est certaine, ces dernières années face à chaque attaque du gouvernement des mobilisations impressionnantes ont vu le jour : Gilets jaunes, mobilisations contre la réforme des retraites et l’utilisation du 49-3, révoltes contre la mort du jeune Nahel, mouvements de solidarité avec le peuple palestinien, marches contre les violences sexistes et sexuelles, et enfin, manifestations contre l’extrême-droite et pour faire gagner le Nouveau Front Populaire. Sans aucun doute, c’est parmi ces forces que les énergies et la combativité politique se trouvent. Elles sont désormais en attente des moyens de réaliser leurs aspirations.
Car le résultat des élections législatives n’a pas simplement sanctionné Macron et ses amis centristes, convaincus qu’on dirige un pays comme on administre une entreprise. Il a aussi sanctionné l’échec des stratégies politiques de gauche qui n’ont pas été en mesure d’agréger un bloc social dominant, et d’incarner un rôle de rupture et d’alternative politique face à l’ordre actuel. Chacune des défaites ou compromissions à gauche ont lourdement handicapé l’entrée des classes populaires dans le combat politique contre Macron et l’extrême droite.
Après l’épisode des législatives, notre camp se retrouve désormais stratégiquement désorienté. C’est le sens des débats qui fracturent la gauche, et qui ont repris le dessus ces derniers jours. Faut-il pousser le processus de destitution d’Emmanuel Macron, ou au contraire défendre la stabilité des institutions actuelles ? À qui la gauche doit-elle prioritairement parler, entre classes populaires urbaines (position de la France Insoumise) et et classes populaires rurales (François Ruffin) ? Ces distinctions ont-elles un sens ?
Face à l’immensité de la crise et aux incertitudes qu’elle entraîne, la question de la capacité de notre camp à y faire face est donc à nouveau posée. Si certains s’empressent de conclure que la gauche ne peut y parvenir, il est crucial de ne jamais céder au fatalisme. D’abord parce qu’il mène au découragement et à l’apathie de tous. Ensuite parce que les chemins de la révolution existent. À condition de poser réellement la question du pouvoir et de son exercice réel par le peuple – seul en mesure de trancher, démocratiquement, les grands problèmes de notre siècle.
Image d’illustration : « Michel Barnier, Member of the EC in charge of Internal Market and Services », photographie du 26 mars 2014 par DG EMPL (CC BY-ND 2.0)