ÉDITO. Viols de Mazan : ce que le procès nous apprend des violences masculines


Par Lola S.

Depuis le 2 septembre et jusqu’à mi-décembre se tient au Palais de justice d’Avignon un procès historique : celui de Dominique P., accusé d’avoir drogué sa femme, de l’avoir violé et fait violer par cinquante autres hommes, recrutés en ligne et eux aussi sur le banc des accusés.

Historique par l’ampleur de l’effroi que provoque cette affaire, mais aussi parce que Gisèle P. a refusé le huis-clos, permettant de montrer au grand jour la réalité des viols conjugaux. Depuis 10 jours, les accusés défilent et illustrent très précisément l’ensemble des combats que porte le mouvement féministe depuis des années, montrant à quel point ceux-ci sont aussi difficiles à mener, que vitaux pour redresser notre société.

Toujours croire les victimes

Dès les premiers jours du procès, on aura entendu de la part d’un avocat de la défense “Il y a viol et viol”. Nous ne pouvons pas décemment croire que ces mots tombent sur le coup de la maladresse. Il s’agit bien d’un mécanisme de défense presque systématique dans les cas de violences sexistes et sexuelles : remettre en question la parole des victimes, les décrédibiliser, les faire douter. Ici, le mécanisme utilisé par le défense est encore plus sournois, parce que Gisèle P. ne se souvient pas. La violence et ses séquelles, elles, sont pourtant bien là.

Depuis des années, si les féministes demandent à ce que le principe de précaution soit pris en compte au même titre que la présomption d’innocence, c’est bien parce qu’il faut protéger les personnes qui témoignent. En effet même devant les preuves les plus évidentes de leur culpabilité (ici des vidéos à visage découvert), certains des accusés continuent de nier, estimant sans aucune honte, que Gisèle P. était consentante. Elle était inconsciente.

L’agresseur, « Monsieur tout le monde »

Il y a aussi un mythe que l’on doit déconstruire à chaque affaire. Celui du « profil-type » de l’agresseur. Or ce dernier n’existe définitivement pas, et ce procès l’illustre parfaitement. Les accusés sont des hommes de tous les âges, de toutes catégories socio-professionnelles, de toutes origines. Ils sont bien insérés dans la société, ont des familles, participent à la vie de leur quartier… Rappelons que dans la majorité des cas des violences, l’agresseur est en plus un proche de la victime. 

L’issue du procès, la condamnation de Dominique P. et des cinquante autres accusés marquera peut-être un tournant dans le traitement médiatique et judiciaire des violences sexistes et sexuelles. En tout cas, il permet de rappeler à quel point la lutte féministe est nécessaire pour transformer notre société, malade du patriarcat. La honte doit changer de camp.


Image d’illustration : « Weighting on table » sur rawpixel (CC0 1.0)


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