Par Hugo P.
Au soir du premier tour des élections législatives, le Rassemblement National arrive en tête, avec 33% des voix. Le Nouveau Front Populaire vient ensuite, avec 28,5% des voix et finalement, dernier des trois familles politiques qui s’affrontent pour le pouvoir depuis 2017, vient le parti présidentiel avec 22% des voix. Ce dernier subit un effondrement vertigineux, qui reflète le rejet massif de la politique ultra-libérale et autoritaire du gouvernement.
Pour autant, ce résultat menace aussi de tétaniser la gauche et le mouvement social, de les terrifier et de les aveugler. On est tenté de se dire : comment l’extrême-droite est-elle arrivée si haut ? C’est qu’elle a dû bâtir une citadelle imprenable au sein des classes populaires au fil des décennies, au point qu’à présent, des millions de gens partagent sa vision du monde. Nous en aurions donc, à nouveau, pour des décennies pour reprendre le terrain perdu. Autant dire qu’ici et maintenant, rien n’est possible.
C’est faux !
Au premier tour des élections législatives de 2022, la gauche arrivait en tête. Si le vote avait eu lieu lors du mouvement contre la réforme des retraites, en 2023, il est clair que la gauche aurait fait encore mieux, et que le RN aurait fait encore moins bien. Mais Macron a fait le choix de susciter cette élection législative après avoir écrasé ces mouvements sociaux, multiplié les 49-3 et interdit des manifestations, c’est-à-dire après avoir complètement démobilisé les forces progressistes du pays.
Le moment de ce scrutin vient également au lendemain d’une élection européenne marquée par une abstention massive et remportée par le RN, offrant à ce dernier la place de favori. Puis, pendant toute la campagne électorale, les grandes chaînes d’information ont consacré toute leur énergie à multiplier les tirs de barrage contre la gauche. Toutes ces manœuvres ont porté leurs fruits : la progression du Nouveau Front Populaire a été freinée, celle du Rassemblement National a pu s’envoler. Bref : ce résultat électoral est avant tout le fruit des trois derniers mois.
En particulier, il est la conjonction de deux phénomènes :
- Le soutien d’une partie des élites, qui voient dans le RN un bon moyen pour purger le mouvement social et briser les liens de solidarité parmi les classes populaires.
- La force d’entraînement que la stratégie de Macron a donné aux catégories les plus réactionnaires et racistes du peuple (en particulier, celles qui, au travers du RN, votent pour obtenir de nouveaux privilèges nationaux et/ou ethniques).
La contre-offensive devra, au contraire, mettre la force d’entraînement du côté des fractions progressistes du peuple. Pour ce faire, une démarche revendicative débordant les limites du Nouveau Front Populaire sera nécessaire. Il s’agit de mettre en mouvement toutes celles et tous ceux qui luttent, qui jettent sur l’avenir un regard égalitaire, généreux, soucieux de changer le monde et de le changer pour toutes et tous. Une partie d’entre eux se tiennent en dehors du débat public, mais ceux qui agissent constituent le cœur de la gauche dans cette campagne difficile.
Les plus hauts niveaux d’organisation et de conscience se retrouvent bien évidemment en banlieue des grandes villes, mais dans la ruralité et le périurbain aussi, de nouvelles traditions collectivistes et démocratiques se forment. Les fronts de gentrification venant des centre-villes ont pour conséquence collatérale de susciter la coexistence de toutes ces populations. Les fronts unitaires de l’avenir s’enracinent d’ores et déjà dans ce grand mélange.
Pour l’heure, la priorité est d’empêcher le Rassemblement National d’accéder au pouvoir. Nous appelons chacun·e à donner toute la force nécessaire aux candidats du Nouveau Front Populaire qui, arrivés en second ou en tête, font face au Rassemblement National. Lorsque le Nouveau Front Populaire est arrivé troisième, il se retire au profit des candidats libéraux. Dans ces circonscriptions, nous appelons à voter pour ces derniers. Bien évidemment, nous ne pensons pas que les macronistes ou LR constituent des forces démocratiques, et nous savons qu’ils sont parfaitement capables de mener des politiques racistes. Nous savons aussi qu’ils servent de tremplin au RN, comme ils l’ont encore montré avec cette dissolution.
Cependant, nous pensons que le Rassemblement National menace de faire subir une purge considérablement plus brutale à notre pays, et ce, avec le soutien de millions de gens chauffés à blanc par la campagne épileptique que les grands médias mènent contre la France Insoumise depuis trois semaines. Cette purge, nous en connaissons d’ailleurs déjà les contours, ouvertement annoncés par Bardella dans ses discours : remise au pas des syndicats, traque des binationaux dans la fonction publique, suspension de libertés constitutionnelles… Entre deux ennemis, nous appelons à choisir le moins létal, et donc à voter systématiquement contre le RN.
Nous appelons enfin, dans ce moment d’offensive réactionnaire, à rester groupés, à tenir fermement sur les principes, à ne pas perdre espoir et à agir de manière coordonnée. Toute initiative isolée risque d’être immédiatement écrasée et de nourrir l’abattement. Pas question : notre première responsabilité est de donner courage !
Image d’illustration : Photographie du rassemblement populaire place de la République le 30 juin au soir, par Jean-Noël Aqua