Privatisation du service public de l’audiovisuel : le danger démocratique 


Par Mona Queyroux.

Ce qu’on peut dire, c’est que Radio France n’a pas le sens du timing. Alors que l’extrême droite est aux portes de Matignon, la radio publique décide de licencier “pour faute grave” l’humoriste Guillaume Meurice. Il est déjà suspendu depuis le 28 avril dernier après une blague sur Netanyahou. Si la décision de Radio France est très clairement politique, elle intervient dans un contexte grave, historique où le service public de l’information est plus que menacé.

Depuis le début de son mandat, Macron a posé les jalons de la dégradation de Radio France et France Télévisions, d’abord en supprimant la redevance audiovisuelle (fragilisant gravement les budgets des groupes publics) puis depuis plusieurs semaines, en mettant sur la table la création d’une grande holding du service public sous le nom de “France Médias” qui regrouperait France Télévisions, Radio France et l’INA. Ce projet, largement contesté par les syndicats, représente un réel danger pour la pluralité éditoriale qui fait encore la richesse des chaînes et radios publiques. 

Défendre les médias indépendants et un service public de l’information dans ce contexte est primordial. Depuis plusieurs années, on a vu les chaînes de télévisions privées – notamment celles détenues par Bolloré – devenir le porte-voix de l’extrême-droite faisant défiler ses chroniqueurs aux idées nauséabondes. Aucune mise en garde et amendes de l’ARCOM (ex CSA) n’ont fait ralentir les propos islamophobes, racistes, misogynes tenus quotidiennement.

Ces stratégies médiatiques mises en place par les patrons de chaînes les plus réactionnaires ont permis tranquillement à l’extrême-droite d’imposer son champ lexical, ‘d’adoucir son image’ et de placer ses candidats. En pleine campagne électorale, ces mêmes médias ciblent directement le programme du Front Populaire, tout en faisant preuve d’une complaisance assumée avec l’extrême droite. 

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir le Rassemblement National annoncer comme première mesure la privatisation du service public de l’audiovisuel s’il sort gagnant des élections législatives. Cette menace n’est pas à prendre à la légère, parce que ses conséquences démocratiques seraient désastreuses. D’une part, parce qu’elle mettrait en péril les 300 000 emplois des salarié·es du secteur. D’autre part parce que ce projet répond à un objectif clair : contrôler l’information et empêcher toute pensée contradictoire.

Mais il n’est pas non plus étonnant que le programme du Nouveau Front populaire précise vouloir “Garantir la pérennité d’un service public de l’audiovisuel en instaurant un financement durable, lisible, socialement juste et en garantissant son indépendance”. Car permettre une information vérifiée, juste et de qualité, rendre gratuitement accessible des centaines d’œuvres de cinéma et de spectacle vivant ou conserver des années d’archives télévisuelles relève d’un vrai projet de société émancipateur. 

Alors les 30 juin et 7 juillet avec le Nouveau Front populaire, il est encore possible d’éviter ce scénario de privatisation intégrale de l’audiovisuel, qu’aucun autre pays d’Europe n’a encore tenté.


Image d’illustration : « Paris – Siège de France Télévisions », photographie du 5 juin 2015 par Fred Romero (CC BY 2.0)


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