ÉDITO. Avant la saignée de l’assurance-chômage, comment leur arracher le pouvoir ?


Par Anaïs Fley.

La réforme de l’assurance-chômage portée par Gabriel Attal, qui sera mise en application dès le 1er décembre 2024, n’aurait pas eu à s’embarrasser de débat, si le groupe LIOT n’avait pas déposé une proposition de loi dans le cadre de sa niche parlementaire, obligeant le gouvernement à passer devant les bancs de l’Assemblée juste après les élections européennes.

Avec ce décret, le président de la République entend inscrire le plein-emploi dans son bilan, en opérant une saignée parmi les bénéficiaires de l’assurance-chômage, pour contraindre les classes populaires à accepter les contrats les plus précaires et mal payés possibles

L’objectif politique a le mérite d’être annoncé avec clarté, sans même recourir aux arguments des « économies » et du « désendettement » du pays. Et pour cause, les comptes de l’Unédic – l’association gestionnaire de l’assurance chômage – sont redevenus excédentaires en 2022, avec un surplus de 4,3 milliards d’euros après les déficits exceptionnels de 2020 et 2021 dus à la pandémie du Covid-19. Les prévisions financières de l’organisme tablent sur un excédent de 20,6 milliards d’euros pour la période 2024-2027.

À l’heure où la bourgeoisie ne dispose plus d’une majorité politique dans le pays, cet énième cadeau au patronat illustre le basculement de l’appareil d’État comme outil au seul service de la bourgeoisie, sans se soucier du consentement populaire.

Plus qu’un simple coup de communication électoral, cette réforme fait passer un nouveau cap à l’offensive antisociale. En fixant à 8 mois la durée minimum d’activité, contrairement à 6 aujourd’hui, pour bénéficier d’une allocation, près de 200 000 salarié·es arrivant en fin de contrat suite à un CDD ou un contrat d’intérim seraient éjectés des ayant-droits. La période d’indemnisation sera également réduite à 15 mois maximum, après être passée de 24 mois à 18 mois en février 2023.

Après la réforme des retraites, qui a eu pour effet prévisible d’augmenter le chômage des seniors, ceux-ci devront à présent attendre 57 ans pour avoir droit à une période d’indemnisation plus longue. La liste des attaques inscrites dans cette réforme est longue, et démontre l’implacable détermination de la classe capitaliste à mettre les classes populaires deux genoux à terre.

Et le gouvernement a désormais les mains libres pour ce faire. L’année dernière, l’élan populaire de la NUPES avait permis au mouvement social de rassembler ses forces face à la réforme des retraites. Malgré le mur autoritaire qui lui a fait face, cette mobilisation puis celles contre les violences policières ont renforcé les franges les plus combatives des classes populaires et fait progresser leur conscience collective.

Mais après la dissolution de la NUPES et l’éclatement de la gauche, ces dernières se retrouvent sans direction politique identifiée, et le pays sans opposition unie face aux politiques gouvernementales. L’isolement de la France insoumise dans la défense du peuple palestinien ces derniers mois, ce alors que d’autres forces de la NUPES portaient pourtant ce combat depuis des dizaines d’années – mais aussi la déroute des élections européennes où la gauche unie aurait pu faire la course en tête – démontrent que la fin de cette alliance dessert cruellement les luttes sociales. Sans elle, les capitalistes ont tout loisir de détruire les droits sociaux, politiques et démocratiques, et l’extrême-droite de tenter de remporter le pouvoir.

Prendre le pouvoir : c’est bien la seule question qui se pose aujourd’hui, pour mettre un terme aux agressions gouvernementales. Après la série de défaites du mouvement social et la fin de la NUPES, il est grand temps de donner aux classes populaires des raisons de ne pas renoncer, de ne pas se désengager.

Si les raisons de lutter sont nombreuses, la difficulté de la tâche exige une direction politique qui, unie sur des bases radicales, se mette en position de rassembler les classes populaires et leurs allié·es autour d’une stratégie crédible pour prendre les rênes de l’État et briser son appareil antisocial. En 2022 la NUPES en a eu l’étoffe, alors n’attendons pas 2027 !


Image d’illustration : « Vue de Pôle Emploi (Lyon 4e) en septembre 2022 », par Benoît Prieur (CC0 1.0)


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