Par Mona Queyroux.
Du 14 au 25 mai prochain se tiendra le grand rendez-vous annuel du cinéma mondial. Pour sa 77ème édition, le Festival de Cannes se retrouve confronté à des enjeux de société majeurs qu’il ne semble pas encore être prêt à affronter.
Les paroles se libèrent, nous attendons les actes
« Je parle, mais je vous entends pas » disait Judith Godrèche sur la scène des César en février dernier. Le #MeToo du cinéma français semble enfin se mettre en marche, avec quelques années de retard sur le reste du monde. Les témoignages se multiplient, mais les soutiens n’affluent pas. Si depuis quelques années des mesures sont mises en place par différentes institutions, et notamment le CNC, il manque cruellement de plan d’action globale pour protéger les équipes techniques et artistiques des tournages, en finir – réellement – avec les violences. Parce que derrière ces prises de conscience, c’est tout un système méthodiquement entretenu et reproduit qui est mis en cause, celui d’un environnement où le réalisateur tout puissant, sous couvert d’une pseudo-impunité artistique, peut asseoir son autorité sur ses équipes.
Lors de la première vague de MeToo en 2018, la seule mesure mise en place par le Festival de Cannes, avait été de glisser dans le sac des accrédité·es un carton invitant à ne pas agresser. Depuis, la présence de cinéastes et d’acteurs mis en cause pour agressions sexuelles dans les différentes sélections est insupportable. L’année dernière, le choix de Jeanne du Barry de Maïwenn en séance d’ouverture (avec en tête d’affiche Johnny Depp) était une provocation grossière. Tout comme la Mostra de Venise qui en 2023 avait réussi le grand chelem Woody Allen – Luc Besson – Roman Polanski, dont on sait les condamnations qu’ils portent avec leurs films.
Les réalisatrices, toujours largement sous représentées.
On disait que 2023 était une année record, avec 6 réalisatrices en compétition officielle. Cette année, elles sont 4, soit 20% des cinéastes présent·es. Si les sélections parallèles (Un Certain regard, Acid, Quinzaine des cinéastes et Semaine de la critique1, permettent de faire remonter la moyenne à 29 % de réalisatrices présentes, la parité est encore bien loin d’arriver à Cannes. Ces chiffres, mis en lumière par le Collectif 50/502, sont presque une insulte tant les propositions de cinéma des réalisatrices ne cessent de s’amplifier à travers le monde. Il s’agit bien là d’un choix politique, qui confirme que l’égalité est bien loin d’être une priorité.
« Sous les écrans, la dèche », les festivals face au manque de statut de leurs salariés
Le collectif « Sous les écrans, la dèche » appelle à une grève des salarié·es du Festival de Cannes3[3] à quelques jours du lancement de la manifestation culturelle. Pour cause ? Aucun statut n’est cadré par les conventions collectives permettant de protéger les salarié·es des festivals de cinéma, qui font face à une précarisation de plus en plus difficile de leurs conditions de travail. Obligés d’alterner entre période de travail et chômées, ils ne bénéficient pas de l’accès à l’intermittence du spectacle et sont contraints de recourir aux nouvelles formes libérales d’embauche, notamment via l’auto-entreprenariat.
« Nos alertes et nos revendications ont été jusqu’ici accueillies avec une bienveillance polie, mais aucune proposition concrète n’a été avancée par le CNC ou le ministère de la Culture.
L’ouverture prochaine du Festival de Cannes a donc pour nous cette année un goût amer. »
Sous les écrans la dèche
- La Semaine de la critique est une sélection parallèle destinée aux premiers et seconds films des cinéastes ↩︎
- Le Collectif 50/50 oeuvre pour plus de parité et de représentativité dans le cinéma et l’audiovisuel ↩︎
- Voir le communiqué. ↩︎
Image d’illustration : Hovedsalen for filmvisninger i Cannes, Grand Théâtre Lumière. Av Eliott Chalier og FDC. Falt i det fri (Public domain)