ÉDITO. Statut de la fonction publique, le gouvernement attaque !


Par Aurélie Biancarelli.

Le 9 avril, le Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a déclaré dans Le Parisien vouloir « leve[r] le tabou du licenciement dans la fonction publique”. Depuis, Stanislas Guérini multiplie les déclarations. Licenciement, rémunérations, fin des trois catégories… Le message est très clair : il s’agit de mettre un terme au statut de fonctionnaire.

Nous ne le répéterons jamais assez, le service public c’est le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas. Le statut du fonctionnaire est le garant d’un service public ambitieux et de qualité. Ce statut est un ensemble de droits et de devoirs qui visent à soutenir l’intérêt général.

Pour cela de nombreuses responsabilités leurs incombent, parmi lesquelles :
– assurer la neutralité du service ;
– garantir l’égalité de traitement ;
– se conformer aux instructions hiérarchiques, sauf lorsque l’instruction donnée est manifestement illégale et peut gravement compromettre l’intérêt public ;
– transmettre sans délai les crimes et délits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions au Procureur de la République ;

Les fonctionnaires sont également soumis à diverses règles, concernant par exemple leur lieu d’affectation, et ils ne peuvent négocier leur salaire qui est soumis à des grilles indiciaires. Les fonctionnaires ne sont pas salarié·es, mais bien agent·es de la fonction publique.

Ils et elles sont médecins, infirmier·es, enseignant·es, policier·es, comptables, juristes, secrétaires, travaillent dans le soin, l’éducation ou l’administration… Tous ces métiers sont indispensables à l’intérêt général. Ils et elles sont également les premiers et les premières sollicité·es en période de crise pour répondre aux besoins des populations, comme nous l’avons vu récemment avec la crise Covid.

En contrepartie des devoirs qui leur incombent, le statut protège les fonctionnaires, notamment grâce à un système leur garantissant une carrière couvrant l’ensemble de leur vie professionnelle.

Le statut de la fonction publique est constitutif de notre nation et de nos services publics, en leur permettant de se dégager des lois du marché. Il organise aussi l’équilibre entre le principe d’unité de la République et celui de libre administration des collectivités territoriales. 

Il est le fruit des conquis sociaux, en particulier à la sortie de la Seconde guerre mondiale, et a été l’un des outils de la reconstruction de la France. On le doit essentiellement à l’action ministérielle de deux communistes, Maurice Thorez avec la création du statut général des fonctionnaires en 1946, puis Anicet le Pors, qui unifia les trois fonctions publiques en 1983. 

C’est ce statut général des fonctionnaires qui est attaqué depuis 40 ans par les différents gouvernements en parallèle de la casse des services publics, l’affaiblissement de l’un se répercutant sur l’autre. 

Les dernières déclarations de l’actuel ministre s’inscrivent pleinement dans cette stratégie d’attaque frontale du statut. Après les réformes engagées pendant le premier quinquennat Macron, il ne s’agit pas de petites phrases prononcées à la légère, mais bien d’une nouvelle étape de casse du statut qui est annoncée.

Le “fonctionnaire bashing” des dernières décennies a eu pour conséquence d’affaiblir lourdement le service public. La répétition et l’usage systématique des préjugés concernant les fonctionnaires interroge, et on peut se demander si cet affaiblissement est une conséquence ou un objectif du discours des gouvernements successifs.

Alors que nous avons tellement de défis à relever, que nous manquons de professeurs dans nos écoles, de personnels soignants comme administratifs dans nos hôpitaux, d’agents d’accueil dans nos administrations… Cette nouvelle annonce fait craindre le pire tant sur la dégradation annoncée du service que sur les conditions de travail et de précarisation des femmes et hommes qui s’engagent chaque jour pour l’intérêt commun.

Les services publics n’ont pas besoin de plus de “flexibilité”, ni de plus d’agilité ! Les services publics ont besoin de plus de moyens ! Les services publics ont besoin de politiques publiques au service de l’intérêt général : les fonctionnaires y retrouveront le sens de leur métier et de leurs missions.


Image d’illustration : « Forum de l’Emploi public à l’École polytechnique. Stanislas Guérini, Ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques © École polytechnique / Institut Polytechnique de Paris / J. Barande » (CC BY-SA 2.0)


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