ÉDITO. Refuser le feuilleton macabre de CNews


Par Anaïs Fley.

Cela fait maintenant quelques années que la France est sous la pression permanente de Cnews, et que ses éditorialistes vautrés dans les refrains de l’extrême-droite battent la mesure du débat public. Un coup de pression aux responsables politiques après l’autre, en prime time, ces équipes de propagande réussissent à faire de chaque fait divers correspondant à leur agenda un « fait de société », appelant une législation dédiée.

Depuis quelques jours, une succession de crimes impliquant des enfants ont choqué le pays : à Romans-sur-Isère, Viry-Châtillon, Montpellier ou encore Rantigny. Et pour cause, ces événements tragiques ont été relayés et mis en débat en direct pendant des journées entières, sur un même refrain : « C’est un processus d’ensauvagement, de décadence »1. Ainsi les familles et la religion, autrement dit les quartiers populaires et les musulman·es, seraient responsables de l’effondrement civilisationnel au nom duquel cette presse raciste prétend mettre tout le personnel politique au pas. 

Or le discours de l’extrême-droite sur la dégénérescence civilisationnelle de la France, sous le coup de la violence des immigrés, ne passe pas l’épreuve du réel : notre société est de moins en moins violente2 et l’insécurité n’augmente pas en France3. Le bal des responsables politiques n’en finit pourtant pas sur le plateau de Cnews, au rythme des injonctions à condamner les violences et à prendre des mesures légales radicales. La mobilisation du sentiment d’insécurité généré par le flot ininterrompu de propagande contre les classes populaires permet de justifier un climat d’”état d’urgence” permanent et une répression de plus en plus violente et autoritaire.

Finalement, le plus frappant est de constater combien les drames humains qui se jouent et la gravité des situations personnelles importent peu à ces petits commentateurs, au-delà de l’usage politicien qu’ils peuvent en faire. Face à cela, la gauche ne peut se permettre de renvoyer cette même image nauséabonde, en utilisant les mêmes mots et les mêmes logiques pour parler de la mort de ces jeunes.

La société française, brutalisée par des décennies de néolibéralisme puis par deux années de pandémie, semble être abîmée jusque dans ses rapports humains les plus élémentaires, et les plus jeunes y sont malheureusement les plus exposés. Face au pourrissement politique, civique et social dans laquelle la bourgeoisie entraîne notre pays, c’est bien un tout autre ordre social qu’il faut faire advenir… contre Cnews et tous les charognards du même acabit.


  1. https://www.cnews.fr/france/2024-04-10/adolescent-tue-romans-sur-isere-cest-un-processus-densauvagement-de-decadence ↩︎
  2. Mucchielli, Laurent. « Une société plus violente ? Une analyse socio-historique des violences interpersonnelles en france, des années 1970 à nos jours », Déviance et Société, vol. 32, no. 2, 2008, pp. 115-147. ↩︎
  3. https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/divers-tendances_conditions/evolutioninsecurite/ ↩︎

Image d’illustration : « Paris rue Ordener », photographie par Jeanne Menjoulet (CC BY 2.0)


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