ÉDITO. Ukraine : refuser la banalisation de la guerre

Par Chloé Beignon.

Le 24 février 2024 vient de marquer les deux années du conflit entre l’Ukraine et la Russie. L’actualité est caractérisée par une répression renforcée de l’opposition politique russe, et par des difficultés importantes pour l’Ukraine sur le terrain. Dans ce contexte, il apparaît essentiel de faire entendre la voix d’un projet politique pour la paix, même si cela contredit les intérêts géostratégiques et économiques des capitalistes russes d’une part, ukrainiens et occidentaux de l’autre !

Deux ans après l’émotion collective suscitée par la déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine (maquillée en « opération spéciale »), la voix pour la paix s’est essoufflée au profit d’un discours interventionniste et belliqueux.

A l’occasion de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine à l’Élysée le 26 février, Emmanuel Macron annonçait d’ailleurs ne pas exclure une intervention des troupes occidentales en Ukraine¹, ce qui ferait des pays européens des belligérants à part entière du conflit. Le président français réussit le triste exploit de défendre un niveau d’intervention supérieur à celui souhaité par l’OTAN. Son secrétaire général et la plupart de ses membres ont d’ailleurs rapidement contredit cette déclaration.

Le chemin de la négociation et du dialogue semble donc partir peu à peu en fumée.

Les sanctions économiques contre la Russie vont continuer à s’accroître, alors que même l’Union européenne continue d’être dépendante du gaz russe à hauteur de 15 % des importations². Cette dépendance à la Russie est par ailleurs le symptôme d’un manque d’ambition et d’action depuis plusieurs années sur les sujets de transition énergétique, tant au niveau européen que français, et d’un système économique toujours plus mondialisé.

De plus la menace de l’élection de Donald Trump, pro-russe déclaré, aux États-Unis renforce la nécessité de sortir de ce conflit afin d’éviter une contagion de la violence. Plutôt que le fantasme d’une intervention militaire directe, les pays européens qui souhaitent sincèrement aider le peuple ukrainien ne pourraient-ils pas concentrer leurs efforts sur l’engagement rapide d’un processus de négociation de la paix, assurant des garanties mutuelles de protection ?

En effet, il ne faut jamais oublier qu’au cœur de la guerre, ce sont des vies humaines en Ukraine comme en Russie qui sont directement touchées. Le président ukrainien a annoncé, il y a quelques jours, un bilan de 31 000 soldats ukrainiens décédés depuis le début de la guerre³, et d’autres sources décomptent la mort d’environ 100 000 soldats russes. Au total, plus de 6 millions de citoyen·nes ukrainien·nes sont réfugié·es dans d’autres pays d’Europe.

En Russie, les opposant·es au régime de Poutine et à la guerre connaissent de lourdes sanctions. Alors que la mort d’Alexeï Navalny dans une prison en Arctique a été fortement médiatisée, d’autres citoyen·nes sont arrêté·es arbitrairement, comme Oleg Orlov, prix Nobel de la paix 2022⁴, ou se retrouvent dans l’obligation de fuir la Russie.

Malgré le temps qui passe et la normalisation de la violence, il est nécessaire de continuer à écouter et à relayer la parole de ceux et celles qui se trouvent pris au cœur de ce conflit, et pour qui la guerre ne sera jamais une opportunité ni une voie d’amélioration de leurs conditions de vie, mais bien la certitude de la souffrance et de la mort.

Image d’illustration : « Devastation in Bucha, Ukraine » sur rawpixel (CC0 1.0)