Par Armeline Videcoq-Bard.
À l’approche des élections européennes, Nos Révolutions propose de mettre régulièrement en lumière la situation des différents pays de l’UE. Premier épisode aujourd’hui, avec le Danemark et la Suède !
2024 sera une année importante dans le monde entier, concernant la situation politique des nations et des organisations internationales. Avec plus de 400 millions d’électeurs, les élections européennes sont surveillées attentivement par les organisations mondiales. Ces cinq dernières années ont effet vu la montée des forces d’extrême-droite dans tous les pays de l’Union européenne.
Face à cette progression, les cordons sanitaires s’écroulent et la social-démocratie, brandie en étendard depuis des années sur le continent, vacille, montrant son incapacité à proposer un modèle de société durable. Dans ce contexte, la gauche progressiste et radicale peine à voir les élections de juin comme une opportunité pour gagner des sièges. Malgré un renforcement visible de son assise au niveau local dans tous les pays, cela ne transparaît pas dans les urnes lors des élections nationales.
En raison du Brexit, la redistribution des 73 sièges du Royaume-Uni est une opportunité nouvelle pour certaines coalitions d’augmenter leurs effectifs. Dans ce contexte, le Danemark passera de 13 à 14 parlementaires et la Suède de 20 à 21. Les pays scandinaves, représentant pour beaucoup un modèle de société social-démocrate libérale semblent en réalité tendre à renforcer le positionnement de la droite et de l’extrême-droite au sein du Parlement européen, en offrant leurs deux sièges supplémentaires aux coalitions conservatrices.
Cette situation, si elle n’est pas exclusive aux pays scandinaves, vient appuyer la théorie d’un tournant décisif vers un Parlement européen antisocial et antiprogressiste. Les derniers barrages à l’extrême droite s’effondrent, les discours politiques dévient de leurs trajectoires historiques et les alliances de partis deviennent un outil pour garder un monopole de places au sein du Parlement, sans prendre en compte les réalités sociales et économiques que vivent les Européen·nes actuellement.
Le poids des alliances politiques danoises sur les enjeux européens
Les discours anti-migratoires, tenus entre autres par la Première Ministre danoise Mette Fredericksen, et les nouvelles restrictions sur le droit au séjour dans le pays sont la démonstration de l’échec du parti de gauche au pouvoir (Socialdemokrat). Bien que le Danemark ait toujours été très strict sur les politiques migratoires, une nouvelle vague d’élu·es issus de l’immigration au sein de ce parti avait réussi à faire valoir plus d’équité pour les arrivant·es sur le sol danois, au nom du libéralisme.
Les sociaux-démocrates ont récemment annoncé une alliance avec les verts (Socialistisk Folkeparti) et les Alternatifs (Alternativet), pouvant signaler un souhait de faire front commun contre un renforcement des sièges au Parlement européen pour la droite (Venstre) et la droite conservatrice (Det Konservative Folkeparti). Pourtant dans le discours social-démocrate, les positionnements xénophobes ainsi qu’une politique sociale de plus en plus restrictive, affaiblissent leur électorat de gauche et renforce la normalisation d’un discours de haine à l’encontre des étranger·es dans le pays. Les sociaux-démocrates danois ne représentent donc pas une alternative forte à la droite conservatrice sur cette question.
L’annonce du 10 janvier dernier de la dissolution du parti politique la Nouvelle Droite (Nye Borgerlige), semble précéder la création d’une union de la droite en réponse à la coalition du parti de la première ministre. Il serait envisagé par la Nouvelle Droite de s’allier avec le parti Social-Libéral (radikale B). Cette annonce peut représenter un point de basculement pour les résultats des prochaines élections, en effet si ces deux organisations parviennent à un accord, il est aussi possible qu’elles rejoignent en dernière instance l’alliance de la droite majoritaire.
La gauche progressiste quant à elle n’a pas encore fait d’annonce sur les prochaines élections. Les dernières élections avaient concédé un siège aux Rouges-Verts (Enhedslisten) qui représentent l’alliance de la gauche socialiste, des communistes, du Parti socialiste des travailleurs ainsi que du Parti communiste des travailleurs et des indépendants créée en 1989.
Cette organisation marxiste continue d’être très présente au niveau local, et a même obtenu la majorité relative des votes en 2021 à l’élection du Conseil du Comté de Copenhague en remportant 24,6 % des voix. Malgré ce dynamisme local et sa politique anticapitaliste allant dans le sens des revendications politiques de la jeunesse danoise, les différentes prises de positons eurosceptiques sont un frein au renforcement de leur position dans le Parlement européen. Les Rouges-Verts pourraient perdre leur siège en juin prochain sans une campagne forte proposant de véritables alternatives aux propositions des autres organisations politiques.
Les Danois, très attachés à l’Union européenne ainsi qu’à l’alliance scandinave, ne sont pas sensibles aux discours visant à sortir de l’Europe. D’ailleurs la droite et l’extrême droite ne s’y trompent pas et évitent ce sujet dès qu’il peut se présenter lors des débats publics.
Les élections européennes au Danemark viendront très certainement renforcer les rangs de la droite, en offrant le siège supplémentaire accordé à une alliance de ce bord politique. Mais la droite traditionnelle du pays n’est pas la seule à briguer ce siège. Le parti conservateur semble donc la clé de l’obtention de ce représentant supplémentaire, et profite de cet avantage politique sur les autres partis afin de favoriser dans les discussions le positionnement de ses candidat·es pour ces élections.
Une droite qui se rallie à la bannière conservatrice en Suède
En Suède, le parti chrétien-démocrate (Kristendemokraterna) ainsi que les Modérés (Moderata samlingspartiet) avaient dû faire alliance en 2019 afin de ne pas perdre de siège face aux sociaux-démocrates (Sveriges socialdemokratiska arbetareparti). Si la situation est inversement proportionnelle à celle du Danemark en nombre d’élu·es entre la droite et les sociaux-démocrates, deux bouleversements majeurs sont pourtant en cours dans le pays et pourraient influencer les élections à venir.
La première est la montée du parti vert (Miljöpartiet de gröna), et la seconde l’alliance de la droite traditionnelle et de l’extrême-droite lors des dernières élections parlementaires dans le pays. Ce sont ces deux organisations qui semblent le plus à même pour le moment de remporter le siège vacant des élections européennes.
Il y a de cela quelques mois, le pays faisait face à l’arrivée de la coalition de droite. Traditionnellement divisée en quatre entités dans ce pays, la droite qui était jusqu’alors irréconciliable semble avoir réussi à se polariser en deux alliances. Les libéraux refusant toute alliance avec les Modérés en raison de leur rapprochement avec l’extrême-droite, ont donc préféré s’allier au parti Chrétien malgré sa position conservatrice.
La fusion de ces deux alliances afin de créer deux partis, dans l’objectif de remporter les futures élections européennes, serait un rebondissement dans l’histoire politique du pays, mais n’est pas à exclure cependant.
Face à cela, les Verts sont aussi en position de pouvoir ajouter un·e parlementaire à leurs effectifs. Les nombreuses discussions sur la situation écologique mondiale dans le débat public, mais aussi la permanence de leurs élu·es au sein des différents niveaux de gouvernance du pays continue d’asseoir leur position. Dans cette optique, les Verts ont commencé leur campagne très tôt, affichant leur volonté d’avoir un résultat impactant lors des élections de juin.
Les sociaux-démocrates et leurs alliés sont quant à eux face au dilemme de leur positionnement concernant la question migratoire. En durcissant à droite leur discours, ils pourraient s’engager dans une campagne similaire aux Libéraux, tout en rappelant les avancées sociales dont ils ont été les instigateurs dans le pays et qui reste leur dernière ligne de défense politique. Cependant, toutes les voix au sein du parti ne souhaitent pas montrer ce visage. Les élections européennes visant à renforcer des groupes préétablis au sein du Parlement européen, beaucoup d’élu·es suédois·es ne souhaitent pas être considérés comme la frange droits de leur groupe, et font pression pour axer la campagne sur les questions environnementales et économiques plutôt que migratoires.
Le Parti de gauche (Vänstrepartiet) quant à lui n’a encore fait aucune annonce concernant un potentiellement alignement avec d’autres organisations, ou bien une campagne en son nom. Avec un élu à ce jour, le Parti est aussi profondément eurosceptique et participe à ces élections avant tout pour renforcer le positionnement de l’alliance européenne de la gauche rouge-verte au Parlement européen.
De nombreux pronostics de votes font apparaître le gain de ce siège supplémentaire à la droite conservatrice et son alliance, mais encore trois organisations n’ont pas déclaré leurs positions, et les enjeux des discussions de ces prochains mois seront cruciaux pour déterminer les forces de ces coalitions.
Image d’illustration : Carte du Danemark et de la Suède (CC0 Domaine public)