Par Anaïs Fley.
Le mouvement des agriculteurs s’est remarquablement amplifié ces derniers jours, marqués par le blocage généralisé de réseaux routiers et les attaques répétées contre les préfectures. Depuis lundi, la jonction vers Paris et l’appel au blocus de la capitale donnent un ton nouveau à la mobilisation : après une année 2023 de défaites douloureuses, les paysans nous rappellent que c’est au centre du pouvoir que tout se joue.
Le pouvoir, justement, n’est pas serein – en témoigne l’inquiétude d’Emmanuel Macron1 aux premiers signes de révolte – mais sa main ne tremble pas. En réponse à la colère paysanne, Gabriel Attal ne promet qu’une « exception agricole française »2, comme si l’exception pouvait remettre en question la règle, c’est-à-dire la propriété privée, la parcellisation, les normes industrielles et la mise en concurrence des produits agricoles dans le cadre du marché capitaliste.
Le reste de son discours de politique générale le confirme : pour Matignon, il n’est pas question de faire dévier la ligne droite de la présidence Macron. Il n’y a rien à en attendre : pour défendre les intérêts de la bourgeoisie, que partagent pour l’essentiel les dirigeant·es de la FNSEA, le gouvernement fera le nécessaire pour atterrir sur un compromis permettant que rien ne change.
Après les manifestations paysannes en Pologne en novembre3, puis en Allemagne en décembre4, les agriculteurs espagnols rejoignent le mouvement dont la dynamique européenne se confirme. Et pour cause, puisque c’est l’Union européenne qui assure la mise en concurrence des produits agricoles et en établit les normes de production industrielle.
La réussite de cette mobilisation internationale renverrait un signal extrêmement positif aux franges du peuples entrées en lutte ces dernières années. Partout en Europe, les mouvements syndicaux, les féministes, et l’ensemble des classes populaires pourraient joindre leurs forces à la bataille.
Nous ne pouvons donc qu’espérer la réussite du mouvement paysan. Celle-ci dépendra de ses éléments les plus combatifs et radicaux, de leur capacité à rallier la majorité des agriculteurs à des mots d’ordre anticapitalistes et collectivistes, de mettre en minorité les franges les plus réactionnaires du mouvement et leurs représentants. Les soutenir est de notre commune responsabilité !
- https://www.francetvinfo.fr/politique/face-a-la-colere-des-agriculteurs-l-inquietude-grandit-au-sein-de-l-executif_6314508.html ↩︎
- https://www.lemonde.fr/politique/live/2024/01/30/en-direct-discours-de-politique-generale-de-gabriel-attal-retrouvez-les-principales-annonces-du-premier-ministre_6213872_823448.html ↩︎
- https://fr.euronews.com/2023/11/23/en-pologne-les-agriculteurs-manifestent-a-nouveau-contre-limportation-de-cereales-ukrainie ↩︎
- https://fr.euronews.com/green/2023/12/18/les-agriculteurs-allemands-manifestent-contre-la-fin-de-subventions-au-carburant ↩︎
Image d’illustration : « Le rond point des Moulines de Saint-Etienne-de-Fontbellon en Ardèche pendant les manifestations d’agriculteurs de janvier 2024. », par Kakoula10 (CC BY-DA 4.0)
