Par Juan Francisco Cohu et Lydia Samarbakhsh.
Ce jeudi 12 octobre 2023, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré que toute manifestation « pro-palestinienne » serait systématiquement interdite, et ses participant·es interpellé·es. Ce faisant, le gouvernement et le chef de l’État interdisent en réalité toute manifestation en faveur de la paix et de la mise sous protection internationale de la population de Gaza comme de la sécurité de la population israélienne.
Depuis l’offensive terroriste du Hamas le 7 octobre en Israël, qui a fait 1 200 morts dans la population civile, deux millions de Palestinien·nes, placées depuis 16 ans sous blocus par Tel-Aviv, subissent à présent la vengeance aveugle du régime de B. Netanyahu.
À Gaza, assiégée dès le 8 octobre, privée d’eau, d’électricité, de nourriture et de fournitures médicales, l’armée israélienne bombarde sans discontinuer et sans semonces. L’ONG Médecins sans frontière témoigne de l’horreur vécue par les habitant·es, le flot ininterrompu de blessé·es, les destructions massives et un nombre de morts qui dépasse aussi le millier.
Les actes de terreur, meurtres, mutilations et enlèvements de civils commis par l’organisation politique et terroriste du Hamas, prétendent répondre aux crimes de guerre odieux commis par l’armée israélienne ou par des colons depuis 20 ans avec une violence accrue. L’émotion que suscite la découverte de l’ampleur des massacres commis sur les civil·es israélien·nes, l’angoisse que suscite la prise en otage de nombreux civil·es s’ajoutent à celle du drame vécu par les Palestinien·nes de Gaza bombardé·es de manière indiscriminée.
Alors que la manifestation appelée par le CRIF suite aux attentats du Hamas a été autorisée, les rassemblements exigeant l’arrêt des bombardements israéliens sur la bande de Gaza ont tous été interdits en raison, selon le ministère de l’Intérieur, de « risques de troubles à l’ordre public ». Ce deux poids deux mesures ne peut qu’ulcérer et polariser davantage la population. Refuser les expressions politiques de manière arbitraire, condamner les crimes de guerre de manière sélective, voilà ce qui constitue de réels risques de troubles à l’ordre public et de raidissement des prises de position ou formes de protestation.
Le ministre de l’Intérieur se justifie par la hausse des actes antisémites sur le territoire français. Nous sommes convaincus de la responsabilité des autorités de prévenir tout acte antisémite ou islamophobe individuel ou collectif touchant des personnes physiques ou des lieux de culte en France. Cependant, Gérald Darmanin et le président Macron font un raccourci qui met en danger nos concitoyen·nes de confession ou de culture juive en les désignant d’office comptables, ou à tout le moins solidaires, de la politique du gouvernement raciste et colonial de B. Netanyahu. Nous refusons ce raccourci odieux. Nous rejetons cet amalgame. Et nombreuses et nombreux sont les Français·es, notamment parmi nos concitoyen·nes de confession ou de culture juive, à le dénoncer et à le rejeter fermement.
La justification présentée par le ministre de l’Intérieur s’apparente à de l’instrumentalisation qui vise à taire toute protestation sociale critiquant l’actuel soutien des autorités françaises apporté au gouvernement israélien. L’idée selon laquelle le conflit en cours serait exclusivement de nature religieuse sert la politique coloniale israélienne et son pendant islamiste du Hamas ; il ne sert pas l’intérêt commun des peuples israélien et palestinien à une paix, immédiate, juste et durable.
Si une partie des habitant·es de Gaza s’est, à moment donné, tournée vers le vote pour le Hamas, c’est dans son immense majorité par mécontentement envers l’Autorité palestinienne, que les gouvernements israéliens successifs se sont ingéniés à affaiblir et discréditer ; par désespoir créé par le blocus et en l’absence totale de perspective politique, de perspective de paix, de levée du blocus et de reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien ; et parce que le conflit entretenu sciemment par le pouvoir israélien aux ordres des colons est de nature coloniale.
Aujourd’hui, interdire des manifestations en France qui exigent la mise en œuvre des résolutions de l’ONU sur la reconnaissance d’un État palestinien, aux côtés d’Israël, dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale, qui exigent le respect des conventions internationales et revendiquent l’urgence de l’application de la solution à deux états, seule voix possible pour une paix durable au Proche-Orient, c’est refuser délibérément d’ouvrir une perspective politique et diplomatique.
En outre, considérant le fait que 13 de nos compatriotes aient perdu la vie dans l’attaque du Hamas et que 17 autres soient porté·es disparu·es ou pris·es en otage dans la bande de Gaza ; les événements en cours présentent de fait un enjeu national. La politique du gouvernement israélien voulant qu’aucune négociation ne soit menée avec le Hamas assombrit considérablement tout espoir de pouvoir secourir nos ressortisant·es. La France en faisant le choix politique, réitéré lors de l’allocution du Président de la République hier soir, d’un soutien ferme à la réponse militaire israélienne met directement en danger la vie de nos ressortissant·es pris en otage. Empêcher les Français·es d’exprimer leur désaccord sur un choix politique qui aura de possibles conséquences désastreuses pour certain·es de nos compatriotes est inadmissible.
Dans ce contexte, partisan·es d’une paix juste et durable au Proche-Orient, attaché·es à la reconnaissance de l’État palestinien, aux côtés d’Israël, et à l’amitié et à la solidarité entre les peuples israélien et palestinien, exprimons notre solidarité pleine et entière à la population de Gaza, victimes des stratégies haineuses, conjointes, du Hamas et du gouvernement israélien actuel.
Convaincu·es de l’impérieuse nécessité d’une initiative de paix, soutenons et participons à toute initiative du mouvement social, politique ou syndical appelant à des mobilisations pour la paix et la solution à deux États !
Image d’illustration : Photographie de la manifestation du 13 juillet 2014 à Paris, par Jiel (CC BY-SA 4.0 Deed)