Par Pascal Torre.
Le 7 octobre 2023, le Hamas palestinien a déclenché, à la surprise générale, une offensive éclair, méticuleusement préparée, contre Israël. Des zones militaires et civiles ont été visées par des milliers de roquettes et l’infiltration de commandos. Selon l’AFP, à l’heure où ces lignes sont écrites, « plus de 200 » Israéliens, militaires et civils dont des personnels des services de secours, ont péri et « plus de 1 000 » sont blessées. Les représailles lancées immédiatement par l’armée israélienne sur Gaza ont causé la mort de 313 Palestiniens et blessé près de 2 000 Gazaouis de tous âges. A cela, il faut ajouter des dizaines de soldats et de civils israéliens retenus en otage par le Hamas quelque part dans la bande de Gaza, et « plus de 20 300 » Palestiniens de Gaza qui ont dû se réfugier, avec l’aide de l’UNRWA, dans les 44 écoles du territoire.
Cette situation des plus dramatiques n’étonne malheureusement pas les partisan·es d’une paix juste et durable au Moyen-Orient.
Depuis des mois, ils alertent sur son imminence et les conséquences incalculables de la poursuite de la colonisation, de l’occupation israélienne, de la violence quotidienne subie par les civils palestiniens, dans l’indifférence totale des « grandes capitales » occidentales. L’abandon du peuple palestinien et des forces de la paix israéliennes par la « communauté internationale », la démission devant les violences coloniales israéliennes, le silence devant l’impunité du gouvernement d’extrême droite à Tel Aviv, ont chaque jour renforcé le Hamas, « l’idiot utile », et dangereux, des nationalistes israéliens. À pousser le peuple palestinien au désespoir, à anéantir toute perspective politique, à ménager B. Netanyahu, les colons et les droites et extrême droites israéliennes, les grandes puissances, à commencer par les États-Unis, ont créé les conditions des événements qui se déroulent à présent.
Depuis hier, aux crimes de guerre du Hamas répondent des crimes de guerre de l’armée israélienne. Cela fait des années que les Gazaouis vivent dans une prison à ciel ouvert dans des conditions effroyables, eux-mêmes otages du Hamas ou des Israéliens. Ils vont eux aussi, comme en 2022, en payer le prix fort.
Tuer, capturer ou tirer sur des civils constitue un crime de guerre inacceptable, condamnable, que les victimes soient israéliennes ou palestiniennes. Cette guerre qui oppose le Hamas à Israël a été précédée de mois d’affrontements, de destructions, de morts.
Nombre d’observateurs feignent la surprise face à l’ampleur de cette offensive 50 ans après la guerre du Kippour. Quel cynisme, quelle hypocrisie ! Depuis des décennies, les Palestiniens subissent une politique d’occupation militaire et de colonisation. En violation du droit international, ils sont dépossédés de leurs terres, voient leur territoire fragmenté et sont dans l’impossibilité de bâtir leur propre État dans les frontières de 1967 comme le stipulent les résolutions de l’ONU. Avec une politique d’apartheid, tout est fait pour empêcher les Palestiniens de se penser comme un peuple. Entre 2000 et 2017, près de 4 828 Palestiniens, dont 1 793 mineurs, ont été tués par des militaires ou des colons israéliens en dehors de tout conflit armé. Depuis 2020, 4 500 Palestiniens ont été emprisonnés dont plus de 350 sans inculpation.
Depuis près de 9 mois, Israël est dirigé par une coalition belliciste avec à sa tête B. Netanyahu, des partis ultra-orthodoxes, suprémacistes et fascistes. Ils ont assassiné durant cette période 250 Palestiniens, se sont livrés à des massacres à Jenine ou Naplouse, et ont commis des « pogroms » à Huwara.
La politique de nettoyage ethnique s’est accentuée en Cisjordanie tandis que les violations des lieux saints de Jérusalem se multiplient. Des centaines de colons pénètrent quotidiennement sur l’esplanade des mosquées nourrissant une escalade fanatique.
Depuis les accords d’Oslo, il ne se passe plus rien sur la question palestinienne.
Plus personne ne propose d’initiative de paix laissant ce peuple dans l’impasse en dépit du fait que 170 États à l’ONU se sont exprimés en faveur de la Palestine. Alors que l’Autorité palestinienne a perdu toute crédibilité, le Hamas s’engouffre dans ce manque de perspective.
Le discours récent de B. Netanyahu, à l’Assemblée générale de l’ONU, dans lequel il annonce la création d’un nouveau Moyen-Orient centré sur Israël et ses nouveaux partenaires arabes, n’a même pas fait mention du peuple palestinien en dépit des résistances exprimées.
Dans ces circonstances, qui peut imaginer que les Palestiniens vont rester passifs et mourir humiliés et en silence ? Ils veulent, comme tous les peuples, vivre debout et libres. Dans leur immense majorité, les Palestiniens ont résisté et continuent de résister à la tentation du pire qu’incarne le Hamas. Mais les punitions collectives systématiques de la part des autorités israéliennes sur les Palestiniens ont mis à mal leur volonté d’une résistance non-violente à la colonisation et à l’occupation.
Ces événements auront sur la longue durée des conséquences immenses et incalculables. Ils témoignent d’un échec politique, sécuritaire et psychologique majeur pour les renseignements et l’armée israéliennes qui se présentaient comme invincibles.
Sur fond de corruption et de répression dans la bande de Gaza, le Hamas tente aussi de « redorer son blason » auprès des Palestiniens et donne l’occasion à la société israélienne, profondément divisée, de se ressouder autour du gouvernement de B. Netanyahu. D’ores et déjà, le gouvernement israélien cherche à reprendre l’initiative par des bombardements et des assassinats. Les colons s’efforceront d’annexer totalement la Cisjordanie, et toute la région risque de s’embraser.
Sur le plan diplomatique, les pays arabes ayant ratifié les odieux « accords d’Abraham » expriment une certaine gêne d’autant que leurs opinions publiques témoignent de leur solidarité avec le peuple palestinien. Sans surprise, les chancelleries occidentales s’enferrent dans leur indignation sélective qui ne peut qu’ulcérer les peuples du monde dans ce deux poids, deux mesures. Les capitales occidentales considèrent que les autorités israéliennes n’ont pas de compte à rendre, effaçant d’un trait tous les acquis, tous les principes mêmes, du droit international. Les sentiments d’humiliation et le ressentiment ne peuvent en sortir que renforcés.
Les accusations d’antisémitisme à l’égard de ceux qui combattent la politique des gouvernements israéliens sont inadmissibles.
Nous continuerons de combattre l’antisémitisme sans céder aux pressions de ceux qui voudraient que nous abdiquions dans notre défense de la paix, de la justice et des droits fondamentaux du peuple palestinien. Le Moyen-Orient ne connaîtra jamais de paix tant que les Palestiniens n’auront pas le droit à l’autodétermination, à leur État à côté de celui d’Israël. La revendication d’émancipation persistera tant que durera la colonisation.
Image d’illustration : « Gaza Burns » – photographie prise le 6 janvier 2009 par AJ English (CC BY-SA 2.0 DEED)