Victoire de Lula : son discours en français


Prononcé le 31 octobre 2022. Traduit du portugais par nos soins.

Mes amis, mes amies, nous sommes arrivés au terme de l’une des élections les plus importantes de notre histoire. Deux projets diamétralement opposés s’y sont confrontés, et c’est le peuple brésilien tout entier qui en est sorti vainqueur. Ce n’est pas ma victoire, ni celle du PT, ni celle des partis qui m’ont soutenu durant la campagne ! C’est la victoire du mouvement citoyen gigantesque qui s’est constitué, au-delà des partis politiques, des intérêts personnels et des idéologies, pour faire gagner la démocratie.

Lors de ce 30 octobre historique, en effet, le peuple brésilien a clairement indiqué qu’il veut davantage – et non moins – de démocratie. Il veut davantage – et non moins – d’inclusion sociale et d’opportunités pour tous. Il veut davantage – et non moins – de respect et de compréhension entre Brésiliens. En bref, il veut davantage – et non moins – de liberté, d’égalité et de fraternité dans notre pays.

Il ne se contentera pas d’exercer le droit sacré de choisir qui va gouverner sa vie. Il veut davantage : il veut participer activement aux décisions du gouvernement. Il ne se contentera pas du droit de protester contre cette situation où il a faim, où il n’a pas d’emploi, où son salaire est insuffisant pour vivre dignement, où il n’a pas accès à la santé et à l’éducation, où il n’a pas de toit pour vivre et élever ses enfants en sécurité, où il n’a pas de perspectives d’avenir.

Le peuple brésilien veut être bien logé, il veut bien manger, il veut bien vivre. Il veut de bons emplois, des salaires ajustés au-dessus de l’inflation, une santé et une éducation publique de qualité. Il veut la liberté religieuse. Il veut des livres à la place des armes. Il veut aller au théâtre, au cinéma, avoir accès à tous les biens culturels, car la culture nourrit notre âme.

Bref : il veut retrouver l’espoir.

C’est ainsi que je comprends la démocratie, pas seulement comme une jolie formule écrite dans la loi, mais comme quelque chose de tangible, que nous sentons dans notre chair, et que nous pouvons construire au quotidien. C’est cette démocratie, au sens le plus large du terme, que le peuple brésilien a choisi aujourd’hui dans les urnes. C’est à cette démocratie – réelle, concrète – que nous nous sommes engagés tout au long de notre campagne… Et c’est cette démocratie que nous bâtirons, tous les jours où nous gouvernerons.

Cela implique que toute la population bénéficie de la croissance économique, car c’est ainsi que l’économie doit fonctionner – comme un levier pour améliorer la vie de chacun, et non comme le moteur des inégalités. Nous allons la remettre sur ses pieds, en créant des emplois, en augmentant les salaires, en renégociant les dettes des familles qui ont perdu leur pouvoir d’achat. Pour qu’elle fonctionne en faveur des pauvres, nous organiserons le soutien budgétaire des petits et moyens producteurs ruraux, lesquels fournissent 70 % des aliments qui arrivent sur nos tables. Nous mettrons également en place toutes les incitations possibles pour les micro et petits entrepreneurs, afin qu’ils puissent mettre leur extraordinaire potentiel créatif au service du développement du pays.

Nous irons plus loin encore. D’une part, nous renforcerons les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, et veillerons à ce que les femmes gagnent le même salaire que les hommes lorsqu’elles occupent le même poste. D’autre part, nous affronterons inlassablement le racisme, les préjugés et la discrimination, afin que les Blancs, les Noirs et les autochtones aient les mêmes droits et les mêmes chances. C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous pourrons construire un Brésil pour tous, un Brésil égalitaire, donnant la priorité à celles et ceux qui en ont le plus besoin – un Brésil de paix, de démocratie et d’opportunités.

Mes amies, mes amis, à partir du 1er janvier 2023, je gouvernerai les 215 millions de Brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi. Il n’y a pas deux Brésils ! Nous sommes un seul pays, un seul peuple, une grande nation. Personne ne veut vivre dans une famille où règne la discorde ! Il est temps de réunir à nouveau les familles, de reconstruire les liens d’amitié brisés par la propagation criminelle de la haine. Personne ne veut vivre dans un pays divisé, en état de guerre permanent ! Le Brésil a besoin de paix et d’unité. Les gens ne veulent plus se battre, ils sont fatigués de devoir traiter l’autre comme un ennemi à craindre ou à détruire. Il est temps de déposer ces armes qui n’auraient jamais dû être brandies : les armes tuent, et nous, nous sommes du côté de la vie.

Le défi est immense. Notre pays doit être reconstruit, de fond en comble, dans tous les domaines : vie politique, économie, administration, institutions, relations internationales et, surtout, assistance aux plus démunis.

C’est l’âme du Brésil qu’il s’agit de ressusciter : il s’agit de retrouver la générosité, la solidarité, le respect des différences et l’amour des autres. Réveillez la joie d’être brésiliens, et la fierté que nous avons toujours placée dans le vert et jaune, dans le drapeau de notre pays. Le vert et jaune, le drapeau n’appartiennent à personne d’autre qu’au peuple brésilien !

Le plus urgent parmi nos engagements de campagne est d’en finir, à nouveau, avec la faim. Nous ne pouvons pas considérer qu’il est normal pour des millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans le pays de ne pas manger à leur faim, ou de consommer moins de calories et de protéines que nécessaire. Si nous sommes le troisième producteur mondial d’aliments et le premier pour les protéines animales, si nous disposons de la technologie nécessaire et d’une énorme quantité de terres arables, si nous sommes capables d’exporter dans le monde entier, nous avons le devoir de garantir que chaque Brésilien puisse prendre un petit-déjeuner, un déjeuner et un dîner tous les jours. C’est la priorité absolue du gouvernement que je formerai.

Nous ne pouvons pas, non plus, considérer qu’il est normal pour des familles entières de dormir dans la rue, exposées au froid, à la pluie et à la violence. C’est pourquoi nous allons reprendre le programme Minha Casa Minha Vida, en donnant la priorité aux familles à faibles revenus, et remettre en place les programmes d’inclusion qui ont permis à 36 millions de Brésiliens de sortir de l’extrême pauvreté.

Le Brésil, du reste, ne peut plus vivre suspendu au-dessus d’un puits sans fond, fracturé par le mur de béton et d’inégalités qui le sépare en mondes étanches. Nous avons besoin de nous rencontrer à nouveau, de nous retrouver et de nous redécouvrir. Outre la lutte contre l’extrême pauvreté et la faim, nous renouerons donc le dialogue.

Nous renouerons le dialogue avec le Législatif et le Judiciaire, sans velléité d’empiètement, d’ingérence, de contrôle, de cooptation, mais en cherchant à reconstruire une coexistence harmonieuse et républicaine entre les trois pouvoirs. La légalité démocratique est inscrite dans la Constitution ! Elle établit les droits et les obligations de chaque pouvoir, de chaque institution, des forces armées et de chacun d’entre nous. C’est bien la Constitution qui régit notre existence collective, et personne, absolument personne, n’est au-dessus d’elle – personne n’a le droit de l’ignorer ou de l’enfreindre.

Il est également urgent de renouer le dialogue entre le peuple et le gouvernement. Ainsi, nous rétablirons les conférences nationales, pour que les populations puissent indiquer leurs priorités et présenter au gouvernement des suggestions dans chaque domaine : éducation, santé, sécurité, droits des femmes, égalité raciale, jeunesse, logement, etc.

Nous renouerons le dialogue avec les gouverneurs et les maires pour définir ensemble les travaux prioritaires dans chaque territoire. Peu importe le parti auquel appartient tel maire, tel gouverneur. Nous sommes ici pour améliorer la vie des habitants de chaque État et de chaque municipalité du pays.

Nous renouerons enfin le dialogue entre le gouvernement, les entrepreneurs, les travailleurs et la société civile organisée, avec le retour du Conseil pour le développement économique et social.

En d’autres termes, les grandes décisions politiques qui ont un impact sur la vie de 215 millions de Brésiliens ne seront pas prises dans le secret d’un bureau gouvernemental, au milieu de la nuit, mais dans l’échange vivant avec la société. Je crois en effet que le dialogue seul, et non la force brute, permettra de résoudre les problèmes auxquels le Brésil, le monde, les êtres humains sont confrontés. Que personne ne doute du pouvoir de la parole, lorsqu’il s’agit de trouver l’entente et le bien commun !

Mes amis, mes amies ! Lors de mes voyages internationaux et de mes contacts avec les dirigeants de plusieurs pays, ce que j’entends le plus souvent, c’est que le Brésil manque au monde. Comme nous, ils ont la nostalgie d’un Brésil souverain, qui parlait d’égal à égal avec les pays les plus riches et les plus puissants, et qui, dans le même temps, contribuait au développement des pays les plus pauvres. Ce Brésil-là a soutenu le développement des pays africains par la coopération, l’investissement et les transferts de technologies. Il a œuvré à l’intégration de l’Amérique du Sud, de l’Amérique latine et des Caraïbes, il a renforcé le Mercosur, il a contribué à la création du G20, de l’UnaSur, de la CELAC et des BRICS.

Aujourd’hui, nous disons au monde que le Brésil est de retour. Nous formons un trop grand pays pour être traités en parias ! Nous retrouverons la crédibilité et la stabilité nécessaires pour que les investisseurs – nationaux comme étrangers – reprennent confiance, pour qu’ils cessent de considérer notre pays au travers du seul prisme du profit immédiat et de la prédation économique. Ils doivent devenir des partenaires dans la reprise de la croissance économique, sans faire abstraction de l’inclusion sociale et du développement durable.

Nous voulons que le commerce international soit plus juste, ce qui implique de reprendre nos partenariats avec les États-unis et l’Union européenne sur de nouvelles bases. Nous ne sommes pas intéressés par les accords commerciaux qui nous cantonnent à ce rôle éternel d’exportateur de produits de base et de matières premières. Nous allons réindustrialiser le Brésil, investir dans l’économie verte et l’économie numérique, soutenir la créativité de nos hommes d’affaires et de nos entrepreneurs. Nous voulons aussi exporter nos connaissances.

Nous nous battrons à nouveau pour changer la gouvernance mondiale, avec l’inclusion d’un plus grand nombre de pays au Conseil de sécurité de l’ONU et la fin du droit de veto, qui mine l’équilibre entre les nations.

À nouveau, nous prendrons toute notre place dans la lutte contre la faim et les inégalités dans le monde, et dans la promotion de la paix entre les peuples. À nouveau, nous marcherons les premiers dans la lutte contre la crise climatique, en protégeant tous nos biomes, notamment la forêt amazonienne. Sous notre gouvernement, nous avions été capables de réduire de 80 % la déforestation en Amazonie, réduisant ainsi considérablement l’émission de gaz à l’origine du réchauffement climatique. À présent, luttons pour la « déforestation zéro » de l’Amazonie !

Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie vivante. Un arbre sur pied vaut bien davantage que les tonnes de bois extraites illégalement par ceux qui ne pensent qu’aux profits faciles, au détriment de la vie sur Terre. Une rivière aux eaux claires vaut bien davantage que tout l’or extrait au prix du mercure qui tue la faune et met la vie humaine en danger. Lorsqu’un enfant indigène meurt assassiné par la cupidité des prédateurs de l’environnement, une partie de l’humanité meurt avec lui.

Ainsi, nous allons reprendre le contrôle et la surveillance de l’Amazonie et combattre toute activité illégale, qu’il s’agisse d’exploitation minière, d’abattage ou d’occupation agricole abusive ; dans le même temps, nous permettrons le développement durable des communautés qui vivent dans la région amazonienne. Nous prouverons, une fois de plus, qu’il est possible de générer des richesses sans détruire l’environnement.

Nous sommes ouverts à la coopération internationale pour préserver l’Amazonie, que ce soit sous la forme d’investissements ou de la recherche scientifique, mais toujours sous l’autorité du Brésil, sans jamais renoncer à notre souveraineté. Nous sommes du côté des peuples autochtones, des autres peuples de la forêt et de la biodiversité. Nous voulons un rapport harmonieux à l’environnement. Nous ne voulons pas d’une guerre pour l’environnement, mais nous le défendrons contre tout ce qui le menace.

Mes amis, mes amies, le nouveau Brésil que nous bâtirons à partir du premier janvier n’intéresse pas seulement le peuple brésilien mais tous ceux, partout dans le monde, qui œuvrent pour la paix, la solidarité et la fraternité.

Mercredi dernier, le pape François a envoyé un message important au Brésil, sous la forme d’une prière pour libérer le peuple brésilien de la haine, de l’intolérance et de la violence. Nous voulons la même chose, et travaillerons sans relâche pour un Brésil où l’amour l’emporte sur la haine, où la vérité l’emporte sur le mensonge et où l’espoir l’emporte sur la peur.

Je me remémore chaque jour l’enseignement le plus fondamental du Christ : l’amour du prochain. C’est pourquoi je crois que la vertu la plus importante d’un bon dirigeant sera toujours l’amour, pour son pays et pour son peuple. Pour ce qui est en notre pouvoir, l’amour ne manquera pas dans ce pays : nous prendrons grand soin du Brésil et du peuple brésilien. Un nouvel âge, de paix, d’amour et d’espoir s’offre à nous, un âge où le peuple brésilien aura à nouveau le droit de rêver – et la possibilité de réaliser ses rêves.

C’est pourquoi je m’adresse ici à chaque Brésilien et à chaque Brésilienne, quel que soit le candidat pour lequel vous avez voté. Plus que jamais, faisons le Brésil ensemble, en nous concentrant sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous sépare. Je mesure l’ampleur de la mission que l’Histoire m’a confiée, et je sais déjà que je n’y parviendrai pas seul. J’aurai besoin de tout le monde, partis politiques, travailleurs, hommes d’affaires, parlementaires, gouverneurs, maires, fidèles de toutes les religions, bref : tous les Brésiliens et toutes les Brésiliennes qui rêvent d’un Brésil plus développé, plus juste et plus fraternel.

Pour finir, je veux simplement répéter ce que j’ai professé tout au long de la campagne électorale. Ce n’est pas une simple promesse de candidat, mais plutôt une profession de foi et l’engagement de ma vie : il y a un chemin pour le Brésil. Tous ensemble, nous pouvons réparer notre pays et construire un Brésil à la hauteur de nos rêves.

J’adresse à nouveau mon éternelle gratitude au peuple brésilien. Je vous embrasse, et que Dieu bénisse notre voyage !

Image : Créateur : Mídia NINJA. Droits d’auteur : (CC BY-NC 4.0) Mídia NINJA


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