Parti communiste : prendre position


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Nos Révolutions, média au service des idées communistes fondé en 2022, publie ce texte cosigné par une cinquantaine de communistes d’horizons divers. Il est possible de s’y associer en écrivant à contact@nosrevolutions.fr !

L’époque de l’hégémonie libérale touche à sa fin. Dès le premier mandat d’Emmanuel Macron, avec le mouvement des Gilets Jaunes et la réforme des retraites de 2019, les politiques d’austérité se heurtaient à un rejet majoritaire. La raison en est simple : à mille lieues des promesses de « ruissellement » et de post-modernité heureuse, les solutions néo-libérales ont violemment dégradé les conditions de vie du grand nombre.  Alors que la crise sociale plongeait des millions de gens dans la pauvreté, les politiques gouvernementales alliaient cadeaux aux ultra-riches et attaques frontales contre celles et ceux qui travaillent le plus dur, les « premier·es de corvée ». Macron et ses amis, avec leur brutalité, leur arrogance et leur incompétence, ont été le point de rupture.

La situation politique

Aujourd’hui, en 2025, la colère n’a pas faibli. Les résultats électoraux le confirment : la macronie s’est vue retirer sa majorité parlementaire, à l’occasion des législatives de 2022 puis, à nouveau, de 2024. Le rassemblement de la gauche sous leadership radical y est pour beaucoup. Ce nouveau panorama parlementaire, combiné à un mouvement social combatif, a fait de l’adoption de la (seconde) réforme des retraites un parcours du combattant, puisque le gouvernement n’a même pas pu la présenter devant l’Assemblée Nationale. Ils ont aussi permis le renversement du gouvernement Barnier, qui se proposait de continuer l’offensive avec un nouveau budget d’austérité.

Face à la contestation populaire, Macron a d’emblée choisi la brutalité et le raidissement réactionnaire. Les mouvements sociaux ont tous fait l’objet des mêmes méthodes de harcèlement policier et de dénigrement public. En parallèle, il convergeait activement avec le RN de Marine Le Pen sur les thèmes de la préférence nationale, de la persécution des migrant·es et de la dénonciation de l’ »islamo-gauchisme » et/ou du « wokisme ». Loin d’être une alternative à l’ordre capitaliste, l’extrême droite en est le représentant politique le plus féroce, le plus cynique et le plus cruel. Le RN est maintenant aux portes du pouvoir, avec une influence électorale plus élevée que jamais et 123 députés à l’Assemblée Nationale, sans oublier les 16 députés ciottistes.

Naturellement, ces manœuvres n’ont pas suffi à éteindre la flamme des mouvements sociaux. Les luttes n’ont jamais cessé d’avancer, contre la flambée du coût de la vie, pour le droit à la retraite, contre les violences policières, pour la solidarité avec le peuple palestinien, contre les violences faites aux femmes, contre des projets d’infrastructures écocidaires, et même entreprise par entreprise, pour de meilleures conditions de travail. La panique de la bourgeoisie face au mouvement du 10 septembre a d’ailleurs déclenché l’étape actuelle de la crise, avec le recours de François Bayrou au vote de confiance.

En parallèle, de nombreux pays dans le monde sont confrontés à des défis analogues, entre virages autoritaires et mouvements sociaux puissants, qui soulèvent parfois l’ensemble d’une génération. En France, l’issue est incertaine. Socialisme ou barbarie ? Rien n’est écrit d’avance. Tout dépend de la lutte politique, et nous pensons que pour mener cette lutte, nous avons besoin d’un véritable parti communiste.

La responsabilité des communistes

D’après nous, la seule solution est la mobilisation de millions de femmes et d’hommes pour en finir avec le cortège d’horreurs du capitalisme, qui est aussi l’aliment principal de l’extrême-droite. Cette visée implique d’en finir avec l’accumulation privée du capital, de conquérir l’égalité réelle entre tous les êtres humains et de démocratiser l’ensemble des institutions. Elle requiert que les classes populaires chassent les classes dominantes du pouvoir. Voilà ce qu’est, pour nous, le combat communiste. Les autres composantes de la gauche radicale – insoumis, écologistes radicaux, anticapitalistes, organisations antifascistes, mouvements de solidarité internationale – sont des camarades de lutte, mais nous, les « rouges », avons un rôle particulier à jouer. 

Nous pensons que le PCF devrait porter cette perspective. Il constitue une force organisée et implantée, porteuse des traditions révolutionnaires du peuple français, capable d’agir à l’intérieur des institutions mais aussi hors d’elles et même, quand il le faut, contre elles. C’est bien pourquoi la politique impulsée par Fabien Roussel et son équipe est si décevante et contre-productive.

La parole et l’action communistes sont nécessaires partout. C’est le cas lorsque la situation politique se tend et qu’il faut agir rapidement, lors d’une éruption sociale, d’une catastrophe géopolitique ou d’un psychodrame gouvernemental. Dans ces moments de crise, notre responsabilité est d’initier la lutte et de porter la parole des secteurs les plus combatifs de la société. Au contraire, le groupe dirigeant du parti préfère généralement rester silencieux, appeler au calme, ou pire, dénigrer celles et ceux qui luttent. Nous nous souvenons toutes et tous des interventions de Fabien Roussel et de Léon Deffontaines dans la période qui a suivi le 7 octobre 2023, alors que la propagande pro-Netanyahu ciblait violemment les syndicalistes et les parlementaires engagé·es contre le génocide. Le PCF, au contraire, aurait dû peser de tout son poids pour desserrer l’étau. De même, au moment de la démission de Sébastien Lecornu, il aurait dû se ranger immédiatement du côté de l’opposition frontale et œuvrer à l’intensification du mouvement social, au lieu d’appuyer les tractations du PS (avant de changer de braquet en constatant l’impasse).

Au-delà des crises, il y a aussi la bataille des idées au jour le jour. Dans ces moments, l’essentiel est d’être intransigeant·es, de rejeter les idées dominantes, de faire entendre un autre discours. Ce n’est pas l’attitude de Fabien Roussel. Combien de militant·es ont vu leurs efforts patients pulvérisés par une petite phrase improvisée sur un plateau de télévision, sur « la gauche des allocs », les réfugiés qui ont vocation à « être raccompagnés chez eux » ou la promotion de la « valeur travail » sur l’estrade du MEDEF ? Ces sorties, suivies de semi-rétropédalages visant à éviter la critique, n’aident pas à avancer.

On entend parfois dire qu’il faut partir du réel, et que le réel est à droite. Nous sommes en désaccord complet avec cette analyse. Des millions de personnes veulent s’engager pour changer le monde. Les mettre en mouvement, les organiser aurait des conséquences incalculables, auprès de leur entourage, famille, amis, collègues ; et de proche en proche, à l’échelle du pays entier. Politiquement, une partie d’entre elles se tournent aujourd’hui vers la France Insoumise. Nous respectons ce choix. D’autres veulent aller plus loin, prendre le problème à la racine.  Ces gens peuvent constituer la base sociale d’un véritable redéploiement communiste.

Comme nous, ils se demandent comment en finir avec la loi du profit et la surexploitation de l’humain, du vivant et des ressources naturelles ; comment nouer des liens de solidarité internationale contre l’impérialisme ; comment bâtir une société où les individus ne sont pas isolés face à leurs problèmes. Les mêmes, bien souvent, sont attaché·es aux réalisations historiques du mouvement communiste et voudraient les prolonger, dans des domaines comme l’administration locale, la presse d’opinion ou les institutions salariales. Il s’agit de jeunes et de vieux, de femmes et d’hommes, d’ouvrier·es, d’étudiant·es, de fonctionnaires, issu·es de parcours migratoires divers, vivant en ville ou à la campagne. Toutes et tous partagent la conviction que l’humanité n’est pas condamnée au règne de la violence et de l’obscurantisme marchand.

Ce que nous proposons

Nous pensons qu’il faut se tourner vers ces gens, leur proposer de s’engager et de s’organiser. C’est pourquoi nous décidons d’agir en faveur de ce redéploiement communiste . Le PCF pourrait (devrait) prendre une place centrale dans une telle bataille, mais cela suppose qu’il soit réorienté en profondeur.  Pour nous, il n’est pas question d’attendre plusieurs décennies, ni même plusieurs années ; il faut agir maintenant, pour faire face à la crise de régime qui est sous nos yeux.

À ce stade, voici cinq grands axes que nous considérons comme centraux :

1- D’après nous, la solidarité internationale est un devoir moral et une nécessité politique. Pour créer des liens de confiance entre les peuples, chacun doit montrer qu’il est prêt à dénoncer l’impérialisme dans son propre pays. La dénonciation de l’impérialisme de la France et de ses alliés (USA, UK, Allemagne, Israël) est donc essentielle, ce qui n’empêche pas de dénoncer aussi la politique d’adversaires de l’OTAN sur la scène internationale. Tenons fermement le drapeau de l’internationalisme !

2- Nous défendons un processus d’appropriation sociale de l’économie qui n’est pas compatible avec les intérêts du patronat. Le rôle du parti communiste est de combattre frontalement les capitalistes et les politiciens qui les servent, pas de cohabiter poliment. Dans ce cadre, nous visons une politique industrielle raisonnée et planifiée, soumise à délibération démocratique, protectrice des travailleurs et de l’environnement. Cela implique aussi de rompre avec l’inégale répartition du travail et de ses fruits à l’échelle internationale. Il n’est pas acceptable que le confort des pays riches dépende des cadences infernales dans les usines textiles du Bangladesh ou dans les mines de cobalt du Congo !

3- Nous sommes partie prenante des luttes écologistes, syndicales, féministes, antiracistes, des quartiers populaires. Nous pensons que le combat pour l’émancipation humaine forme un tout indissociable, parfois contradictoire, donnant lieu à des conceptions variant beaucoup selon les personnes, mais au sein duquel la solidarité et la camaraderie prévalent.

4- Nous considérons que la démocratie est la meilleure méthode pour réaliser un programme d’émancipation humaine. Nous revendiquons l’intervention directe des citoyen·nes à tous les niveaux et dans tous les domaines. C’est aussi notre conception du parti : les communistes doivent débattre en permanence, au grand jour, et voter souvent.

5- Au plan stratégique, notre objectif est l’union de la gauche sous leadership radical. Par conséquent, nous rejetons toute manœuvre visant à isoler ou affaiblir les forces de gauche radicale. En particulier, l’hostilité ouverte du centre-gauche contre la FI est nuisible. Nous avons des différences avec les Insoumis, mais nous estimons qu’ils sont des alliés naturels. Notre rôle est d’être, à la fois, l’aile gauche du rassemblement et son ciment.

Dans l’immédiat, nous pensons qu’il faut organiser, avec les structures et personnalités qui le veulent, une campagne publique, ouverte, offensive en faveur du communisme et de la transformation sociale. Nous inviterions à l’adhésion dans le même mouvement, car pour nous, l’organisation et l’action militante sont des enjeux essentiels. Dans ce domaine, il n’y a pas de formule magique. La politisation du grand nombre s’appuie sur des conceptions de la lutte qui ont une longue histoire, comme l’activité revendicative au travail, mais aussi sur des formes de militantisme plus récentes, liées à l’essor du numérique ou des contre-cultures ; sans compter le rôle de la créativité populaire, comme lors des Gilets Jaunes. Nous sommes à notre place, dans les unes comme dans les autres. Nous voulons diffuser un militantisme créatif et exigeant, populaire, tourné vers le collectif, attaché au débat, refusant toujours que les intérêts fondamentaux du grand nombre soient sacrifiés aux intérêts particuliers de quelques-uns.

Cette campagne serait l’occasion de réunions publiques dans les territoires, d’interventions dans la presse, de réunions d’élaboration programmatique. Ce dernier point est essentiel. Pour nous, un programme communiste est l’ensemble des mesures que l’on estime nécessaires pour sortir du capitalisme, avec méthode et de manière démocratique, c’est-à-dire avec le soutien majoritaire des populations. Il est vital de l’élaborer et de le ré-élaborer en permanence, pour qu’il soit directement en prise avec les luttes et avec les problèmes de la vie réelle. De fait, une telle campagne serait aussi un point d’appui pour mobiliser dans les mouvements sociaux et dans les campagnes municipales, où le nouvel essor du communisme municipal est d’ores et déjà un enjeu décisif. 

En parallèle, nous voudrions donner à voir les « figures du communisme » d’aujourd’hui. Nous pourrions montrer à quoi ressemble la journée de paysan·nes en lutte contre l’agro-industrie, d’élu·es qui portent le fer au cœur des institutions, d’étudiant·es, de syndicalistes, de militant·es des quartiers populaires ou encore de scientifiques ;  ces porte-paroles seraient également chargé·es de faire vivre nos idées dans le débat public.

Par ailleurs, nous voulons aussi défendre ces idées dans le débat interne, car nous croyons dans la discussion militante. Nous interviendrons dans le congrès du PCF, avec celles et ceux qui le souhaitent, pour y porter cette démarche.

Un tel projet requiert beaucoup d’implication, d’énergie et d’intelligence. Nous voulons rencontrer, associer, mélanger toutes celles et tous ceux qui sont prêt·es à agir. Les signataires de ce texte doivent donc être vu·es comme un point de départ qui a vocation à être dépassé rapidement, à être élargi et enrichi. Naturellement, les échanges de ce type ne se produisent pas par magie. Nous décidons donc de mandater Nadine Garcia, Antoine Guerreiro et Marie Jay pour les susciter et pour y porter nos préoccupations et propositions.

Signatories
Josselin Aubry
Emmanuelle Becker
Lionel Béthune
Hugo Blossier
Antoni Bourdel
Sophie Bournot
Mathis Brière
Bruno Cadez
Serge Cao
Fabien Cohen
Mateo Crespo Garcia
Emmanuel Deleplace
Manel Djadoun
Rosa Drif
Anaïs Fley
Nadine Garcia
Grégory Géminel
Laureen Genthon
Antoine Guerreiro
Estelle Havard
Marie Jay
Alain Job
Alexis Ka
Elsa Kaczmarek
Randy Kalubi
Noâm Korchi
Jean-Pierre Landais
Helena Laouisset
Isabelle Lorand
Sébastien Lorian
Jacques Martinez
Cédric Meyer
Jean-Pierre Moineau
Léo Michel
Colette
Nuria Moraga
Hervé Nédélec
Basile Noël
Régis Oberhauser
Philippe Pellegrini
Odile Planson
Hugo Pompougnac
Baptiste Porelle
Theau Poulat
Alain Puppo
Mona Queyroux
Mathilde Rata
Bradley Smith
Pascale Soulard
Pascal Tournois
Armeline Videcoq-Bard


Image d’illustration : « Drapeau rouge », photographie du 12 septembre 2017 par carac3 (CC BY-NC-ND 2.0)

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