Dans cette tribune Elsa Faucillon, Députée de la 1ère circonscription des Hauts-de-Seine, explicite sa position à propos du décalage de la réforme des retraites proposée par le gouvernement – position plus largement partagée par le groupe communiste à l’Assemblée nationale.
Cet après-midi, nous débattons du fameux article dont certains affirment qu’il suspend la réforme des retraites alors qu’il ne procède qu’à un décalage, pour une minorité et au prix d’une attaque en règle contre les retraités et les jeunes.
Dans le détail, voici ce qu’est le texte qui est proposé au vote :
- Il s’appuie sur l’article du Code de la sécurité sociale qui entérine l’âge de départ à la retraite à 64 ans, mesure contre laquelle le pays s’est largement mobilisé et que le gouvernement Borne a piétiné par un 49-3.
- Il met en place un décalage de l’âge de départ progressif : la génération 1969 partirait à 64 ans en 2033, la génération 1968 partirait à 63 ans et 9 mois en 2032 (au lieu de 64), la génération 1967 partirait à 63 ans et 6 mois (au lieu de 63 ans et 9 mois), la génération 1966 partirait à 63 ans et 3 mois (au lieu de 63 ans et 6 mois), la génération 1965 partirait à 63 ans (au lieu de 63 et 3 mois) et les générations 1964 et 1963 à 62 ans et 9 mois (au lieu de 63 ans). C’est donc bien un décalage de la réforme qui avalise les 64 ans et permet un départ anticipé de 3 mois (à condition d’avoir tous ses trimestres) aux personnes nées entre 1964 et 1968.
- Ce décalage a un coût minime en 2026, et d’environ 2 milliards ensuite. Le gouvernement souhaite faire payer cette somme par les retraités actuels en gelant les pensions ou en opérant une sous-indexation, c’est-à-dire par une augmentation moindre que l’inflation. Nous sommes là dans une stratégie largement usitée : diviser pour mieux régner.
L’Assemblée n’a jamais pu voter sur la réforme des retraites portant l’âge de départ à 64 ans, aujourd’hui au travers du vote sur le décalage partiel, les députés sont donc invités à acter la réforme Borne. Je ne crois pas que l’on puisse oublier les 80% d’habitant·es de notre pays et les près de 90% de salarié·es qui veulent l’abrogation de cette réforme.
Le texte tel qu’il est présenté est un piège tendu par le gouvernement qui va se retourner contre les retraités et les jeunes puisque les uns vont payer, et les autres voir avalisé le départ à 64 ans pour tous ceux nés en 1969 et après, c’est-à-dire la grande majorité.
Je veux aussi vous dire que nous avons tenté de faire des amendements pour que la réforme soit réellement suspendue à 62 ans et 9 mois pour tous, en attendant le débat présidentiel. Ces amendements ont été déclarés irrecevables. Cela montre que cet article n’est là que pour habiller un budget de la Sécurité sociale particulièrement injuste.
La méthode est grossière et incorrecte. Je ne me prêterai pas à cette manipulation, je voterai contre cet article.
Image d’illustration : « Retraites Manifestation du samedi 11 janvier contre la réforme des retraites à Paris », photographie du 11 janvier 2020 par Paule Bodilis (CC BY 2.0)
