Sébastien Lecornu a livré sa déclaration de politique générale : suspension de la réforme des retraites jusqu’à la présidentielle… Un artifice qui lui a permis d’échapper à la censure à 18 voix près. Mais la ficelle est grosse : derrière le mot « suspension », se cache un report financé par l’austérité.
Car rien n’est supprimé. La réforme est simplement gelée au prix d’une ponction sur les retraité·es eux-mêmes. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 promet 3,6 milliards d’euros économisés grâce au « gel de l’ensemble des retraites de base » et des prestations sociales (allocations familiales…). Pendant quatre ans et à partir de 2017, les pensions seront ainsi sous-indexées de 0,4 point par rapport à l’inflation. Autrement dit, on finance le report de la réforme en appauvrissant les retraité·es.
Dans le même temps, seules cinq générations bénéficieront d’un « gain » de trois mois… et encore, à condition d’avoir cotisé 170 trimestres. Pour les générations nées à partir de 1968, l’âge de départ reste fixé à 64 ans et 172 trimestres. Voilà la grande « victoire » dont il faudrait se féliciter. Une mesure transitoire, conditionnelle, et payée par celles et ceux qui touchent le moins.
Mais le tour de passe-passe ne s’arrête pas là. L’amendement sur la suspension des retraites sera intégré au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). En clair : pour obtenir cette suspension, il faudrait voter un budget d’austérité.
En effet, ce budget prévoit 7 milliards d’euros d’économies sur les dépenses d’assurance-maladie, dont 3,4 milliards sur les remboursements de soins et de médicaments. L’ONDAM, c’est-à-dire l’enveloppe des dépenses de santé, n’augmenterait que de 1,6%, bien en dessous de l’inflation.
Autrement dit, on propose à la gauche de troquer un petit sursis contre un matraquage austéritaire. Ce que Macron et Lecornu cherchent à imposer, ce n’est pas la justice sociale : c’est l’acceptation de la rigueur comme horizon politique.
Lecornu prépare par ailleurs la suite : le passage à un système par points ou par capitalisation, autrement dit la privatisation rampante de nos retraites. C’est un vieux rêve du libéralisme français, affaiblir la Sécurité sociale pour mieux livrer le marché du vieillissement au secteur financier. Alors non, ce budget n’améliore pas la vie des gens. Il organise leur appauvrissement.
N’endossons pas la rhétorique du pouvoir : au lieu de se contenter d’une victoire à la Pyrrhus, le mouvement social a les moyens de remporter la bataille des retraites !
Image d’illustration : « French Defense Minister Sebastien Lecornu signs the Pentagon guest book during a bilateral exchange hosted by Secretary of Defense Lloyd J. Austin III at the Pentagon, Washington, D.C., Nov. 30, 2022. (DoD photo by U.S. Air Force Tech. Sgt. Jack Sanders) » (CC BY 2.0)