Quelques heures avant l’interception de la Global Sumud Flotilla, Nos Révolutions a reçu ce texte de Stefano Galieni, militant de Transform! Italia. Celui-ci jette un éclairage cru sur la complaisance coupable du gouvernement Meloni à l’égard d’Israël, malgré les puissants mouvements sociaux en cours en Italie pour soutenir le peuple palestinien.
Le gouvernement italien actuel s’est installé il y a un peu plus de trois ans. Les forces de centre-droit avaient remporté des élections marquées par un record d’abstention, et c’est le parti Fratelli d’Italia, héritier du Mouvement social italien (MSI) [de Mussolini, ndlr], qui a pris les rênes du pays. Ce parti n’a jamais caché son positionnement d’extrême droite, le plus à droite de l’histoire de la République italienne.
Au-delà de l’abstention, sa victoire s’explique par l’exaltation d’un nationalisme axé sur l’anti-immigration, résumé par le slogan simpliste « Les Italiens d’abord », le tout teinté d’autoritarisme. Une vision extrêmement proche de celle d’autres forces politiques, non seulement en Europe, mais dont l’identité semble terriblement superposable à celle des États-Unis de Donald Trump.
Bien que les sondages donnent toujours le parti de Giorgia Meloni en progression, le génocide en cours en Palestine, notamment à Gaza, et les différentes formes d’opposition à celui-ci posent de sérieux problèmes à la coalition au pouvoir. Le départ de la Global Sumud Flotilla, composée de plusieurs navires battant pavillon italien et embarquant même des parlementaires de l’opposition, crée d’énormes difficultés pour un gouvernement qui a pleinement adopté la position du gouvernement israélien.
Lorsque Tel-Aviv a déclaré que ceux qui entendent apporter une aide pacifique à la population de Gaza seraient considérés comme des « terroristes », l’Italie, notamment par la voix de son président de la République, a tenté de trouver des médiations pour éviter un affrontement avec Tel-Aviv, tout en respectant le droit international. Israël a accepté de laisser entrer les navires humanitaires dans les ports sous son contrôle, tandis que l’Italie a proposé une médiation : livrer les biens de première nécessité contenus dans les navires à Chypre ou dans d’autres pays, puis trouver des canaux pour les acheminer vers la bande de Gaza ravagée. À bord des navires, certains ont décidé de débarquer pour évaluer la faisabilité de ces médiations, mais la majorité a choisi de poursuivre la navigation afin d’atteindre les eaux au large de Gaza.
Un choix motivé aussi par des raisons politiques : la mer de Gaza n’appartient à aucune autre autorité étatique, et il est inacceptable que ses eaux soient interdites par les forces armées d’un État occupant. La demande est claire : briser cet embargo absurde.
Les forces d’opposition ont exigé que le gouvernement prenne position. Entre-temps, le 22 septembre dernier, à l’initiative des dockers et d’autres acteurs engagés sur ces questions, une grève générale a paralysé le pays. Non seulement les travailleurs, mais aussi un large mouvement composé d’étudiants, d’intellectuels et de citoyens, ont envahi près de 100 villes italiennes pour exiger la fin du génocide. En cas d’attaque contre la Flotille, le pays tout entier s’arrêterait, et « plus un seul clou ne partirait vers Israël », en signe de rupture totale et de boycott.
Pris de court, le gouvernement a dû réagir. Dans un premier temps, le ministre de la Défense a ordonné à deux frégates de la Marine militaire de se rapprocher pour porter secours à la Flotille. Puis après des échanges serrés avec le gouvernement israélien, il a précisé que ces navires n’interviendraient « en aucun cas » contre les bateaux militaires d’un autre État souverain. Leur intervention se limiterait, au mieux, à des opérations de sauvetage en mer (SAR, Search And Rescue), habituellement réservées aux migrants en détresse.
La situation évolue vers un point de non-retour. Les plus de 40 navires venus du monde entier continuent d’avancer et, le 30 septembre, sont déjà entrés dans une zone à risque. Des menaces d’abordage ont été proférées, des avaries suspectes ont été signalées, et des drones surveillent la vitesse des navires la nuit.
À 16h30 le même jour, un communiqué de la frégate Alpino, l’une des deux en mer, a averti les navigateurs : la frégate ne dépassera pas les 150 milles nautiques du port de Gaza, distance qui devrait être atteinte vers 2h du matin, « pour ne pas compromettre la sécurité des personnes à bord ». Elle prendra en charge ceux qui souhaiteront quitter la Flotille avant cette limite.
Le ministre de la Défense, Crosetto, chargé de gérer l’opération, a tenu ces derniers jours des propos inquiétants. Il a déclaré qu’il « signerait » pour que les conséquences encourues par ceux qui violeraient la « zone de sécurité » israélienne se limitent à une arrestation. Mais le risque est réel que les forces israéliennes ne frappent plus violemment. Les assurances selon lesquelles des moyens létaux ne seraient pas utilisés semblent bien fragiles face à des abordages en mer, actes de guerre et de piraterie internationale auxquels Tel-Aviv n’est pas étranger.
Ainsi, le « Les Italiens d’abord » sonne creux. Pour le gouvernement Meloni, la loyauté et l’affinité idéologique avec Trump et Netanyahu semblent primer, quitte à en payer le prix en termes de soutien populaire. Après tout, ceux qui ont choisi de monter à bord de la Flotille sont des opposants, donc « moins italiens » que ceux que le gouvernement prétend défendre.
La diplomatie s’active – le Vatican est même intervenu – pour éviter des actes aux répercussions sociales inévitables. Mais les ultimatums basés sur des plans de paix flous et inacceptables, aux délais indéfinis, contrastent avec une réalité : dans quelques heures, le gouvernement italien pourrait être coresponsable d’actes de violence contre ses propres concitoyens.
Ce qui vaut pour l’Italie s’applique à d’autres gouvernements de l’UE. Pourtant, alors que l’Europe commence, bien tardivement, à prendre ses distances avec le « terrorisme génocidaire » de l’armée israélienne, mandatée par le Cabinet de guerre et toujours soutenue par une grande partie de la population israélienne, l’Italie, elle, affiche un assentiment total. Il a fallu 65 000 morts confirmés, dont au moins 20 000 enfants – certainement pas des terroristes –, pour que la présidente du Conseil qualifie de « disproportionnée » la réaction israélienne après l’attaque du 7 octobre.
L’Italie, qui jouait autrefois un rôle clé de médiation dans le monde arabe et dont l’autorité était respectée, est aujourd’hui l’un des pays les plus opposés à la reconnaissance tardive de l’État palestinien. Certains commentateurs ou dirigeants politiques voient dans le gouvernement Meloni un simple complice, voire un serviteur des États-Unis et d’Israël. Ils se trompent. Partageant la même idéologie suprémaciste et coloniale, ce gouvernement doit être considéré comme co-auteur et coresponsable, tant du génocide que de ce qui pourrait arriver à cette formidable flotte humanitaire, qui mérite un soutien populaire maximal. La phrase qui revient le plus souvent dans les rassemblements, manifestations et mobilisations, jour et nuit, est sans équivoque : « Qui touche à la Flotille, touche à nous tous. "
Image d’illustration : Photographie Collettivo OSA