Interview exclusive avec Waves of Freedom France


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Entretien réalisé le vendredi 12 septembre 2025.

Cap sur Gaza. La Global Sumud Flotilla a pris la mer mardi depuis Tunis, déterminée à briser l’isolement des Palestiniens. Après des mois de préparation et de mobilisation, ces bateaux citoyens affrontent obstacles politiques et pressions internationales pour atteindre leurs objectifs : dénoncer un blocus qu’ils jugent inacceptable et affirmer le droit du peuple palestinien d’exister libre et digne sur sa terre.

Nous avons rencontré Phénix référente communication et Meriem référente logistique pour Waves of Freedom France, l’organisation française engagée au sein de cette flottille. Nous les remercions d’avoir répondu positivement à notre demande d’entretien : elles nous livrent leurs combats, leurs espoirs et leurs réflexions, dans un contexte où l’urgence humanitaire à Gaza ne peut plus attendre. Au-delà de cette initiative – aussi audacieuse qu’inspirante – quels enseignements tirent-elles de cette expérience et quels messages souhaitent-elles adresser ?

Nos Révolutions (NRs) : Global Sumud Flotilla est une initiative d’envergure internationale, rassemblant des dizaines de navires, des centaines de militant·es et de nombreux soutiens logistiques et politiques de plus de 40 pays. Une telle opération mobilise des moyens humains et matériels considérables, depuis l’acheminement de l’aide humanitaire jusqu’à la coordination des départs depuis différents ports en Europe et en Méditerranée. Derrière ces flottilles se cache une logistique impressionnante : comment et avec qui tout cela a-t-il été coordonné ?

Meriem et Phoenix (M/P) : L’idée de la Global Sumud Flotilla est née après la Global March to Gaza en juin dernier, qui a donné le Global Movement to Gaza. Donc historiquement, on vient de la Global March pour Gaza et du convoi d’Afrique du Nord (Caravane Sumud).  Après l’envoi du bateau Handala et Madleen, nous est venu l’envie de lancer une flottille bien plus large : non pas un bateau isolé, mais plusieurs navires réunis. Le mot Sumud est au cœur du projet : il signifie résistance – au colonialisme, au néolibéralisme – mais aussi dignité et survie. C’est cette énergie qui nous porte. La Global Sumud Flotilla garde donc le terme “Sumud” pour dire notre résistance, ajoute « global » pour l’international, et « flotilla » parce qu’il y aura plusieurs bateaux. Beaucoup. Des dizaines.

C’est un mouvement résolument internationaliste, avec des figures comme Greta Thunberg, Tiago Ávila, l’activiste palestinien Saif Abukeshef (un des organisateurs de la Global March to Gaza et de cette flottille) qui regroupe de nombreuses nationalités (des Américains, des Européens, des Tunisiens, des Algériens).  Il repose sur une coalition internationale, la Global Sumud Flotilla, où chaque délégation est représentée.  On a des experts en sécurité, en logistique, en communication. Il y a également un comité de pilotage, le Steering Committee, composé d’activistes et d’experts.

Tous nos équipages sont mixtes sur le plan national, de manière à ce qu’aucun bateau ne soit spécifiquement visé par le gouvernement israélien en raison de la nationalité de ses participants. Cela concerne notamment les ressortissants de pays en conflit avec Israël ou qui ne reconnaissent pas Israël, comme l’Algérie par exemple. Notre action est non-violente, avec des formations et des trainings à la non-violence. Mais même sans armes, nous pensons que nous pouvons bouger les lignes et sensibiliser à l’échelle mondiale.

NRs : Waves of Freedom s’inscrit dans un mouvement international plus large visant à briser le blocus de Gaza. Ce qui frappe, c’est la rapidité avec laquelle cette initiative a été organisée : en l’espace de quelques semaines seulement, des citoyens, syndicats, élu·es et personnalités culturelles de dizaines de pays se sont coordonnés pour préparer le départ des navires et l’acheminement de l’aide humanitaire. De votre point de vue, quelle est la place de Waves of Freedom France dans ce mouvement mondial et comment cette structure s’est montée si rapidement en France ?

M/P : Tout a commencé avec la Global March to Gaza. C’est là que beaucoup d’entre nous se sont rencontrés. Il y avait déjà des arrestations, des descentes dans les hôtels en Égypte.  Ceux qui ont été poursuivis ont connu une répression très violente : expulsions, passages à tabac… J’ai en tête cette femme de 75 ans, qui venait de faire une grève de la faim et qui a été battue par les milices égyptiennes simplement parce qu’elle avait craché sur un soldat qui frappait une femme sans défense.

Malgré ça, les militants sur place ont décidé de continuer. La Global March est alors devenu le Global Mouvement, dont Waves of Freedom France est la délégation française. Cette dernière a vu le jour à la demande de Hicham El Gaoui, l’un des initiateurs de la Global March, qui avait déjà fait des missions à Gaza. C’est lui qui a demandé au chirurgien humanitaire Yassine Haffaf de créer la branche française. Yassine est très expérimenté : il a travaillé dans le monde entier, et il est allé deux fois à Gaza. C’est en Égypte qu’il a rencontré Hicham.

Nous sommes personnellement entrées dans l’association par bouche-à-oreille. C’est d’ailleurs comme ça que la plupart nous ont rejoints : par des réseaux de confiance, compte tenu des enjeux de sécurité. Aujourd’hui, l’association regroupe une trentaine de personnes actives et nous faisons aussi appel à des « consultants » (personnes en freelance) qui apportent un soutien ponctuel sans avoir accès aux données sensibles.

Bien sûr, il y a eu des appels à volontaires pour embarquer sur les bateaux et aider à l’organisation. Le nombre de réponses a été énorme : environ 25 000 candidatures (pour la Global). Pour la délégation française, ces personnes ont d’abord eu un entretien avec Waves of Freedom France, puis leurs dossiers ont été envoyés à la Global Sumud. Les profils retenus répondaient à des besoins précis : médecins, avocats, skippers, communication… Mais on voulait aussi des représentants de la société civile au sens large : un chauffeur de taxi, un plombier, un cuisinier, des volontaires de tous horizons. Ces 25 000 candidatures montrent à quel point beaucoup de gens veulent aller plus loin dans leur engagement pour la Palestine, au point de s’impliquer physiquement.

NRs : Global Sumud Flotilla se présente officiellement comme une initiative strictement humanitaire et citoyenne. Dans un contexte où certaines puissances et médias cherchent à délégitimer ces actions, pourquoi est-il essentiel pour vous de rappeler le caractère citoyen et politique de cette initiative, centrée sur l’acheminement d’aide et la solidarité avec les populations de Gaza ?

M/P : Dès le départ, pour des raisons stratégiques, nous tenions à affirmer le caractère humanitaire de notre action. L’aide et la solidarité sont un langage universel, que chacun peut comprendre. C’est ainsi que nous avons pu rassembler très largement. Cependant, très vite, nous avons compris qu’il était nécessaire de dépasser le cadre strictement humanitaire. D’abord, parce que nous essayons de faire, c’est d’abord briser le blocus, même si nous savons très bien que nous n’allons pas y arriver seuls  ; nous ne sommes pas une armée. Ensuite, comme l’a très bien dit Rima Hassan, réduire notre action uniquement à l’humanitaire peut être déshumanisant : cela revient à limiter les Palestiniens à de simples corps de chair et d’os qu’on doit nourrir.  Enfin, on sait que, quoi qu’il arrive, nous serons accusés d’avoir des motivations politiques. Le ministre Ben-Gvir lui-même a déclaré que les participants arrêtés seraient traités comme des terroristes.

Beaucoup d’entre nous vivent avec ce sentiment d’impuissance face à ce qui se passe, et malgré tout, nous essayons d’agir avec humilité, de faire notre part, d’apporter tout notre poids dans cette quête de justice. Nous sommes dispersés aux quatre coins du monde et tous mobilisés 24 heures sur 24. Nous sommes tous là pour des raisons profondément politiques. C’est un équilibre à avoir : montrer que nous sommes portés par la solidarité et l’action humanitaire, tout en assumant que, derrière, il y a une volonté politique de justice et de dignité.

NRs : Qu’est-ce que la Global Sumud Flotilla a appris de la Global March pour éviter les erreurs et avancer plus vite ?

M/P : La grande différence avec la Global March réside dans l’expérience accumulée. La Global March avait été extraordinaire, mais fragile : nous avions été éjectés au Caire et le projet n’avait même pas vraiment démarré. Aujourd’hui, la Global Sumud Flotilla dispose déjà d’étapes solides  (Barcelone, Tunis, malgré les attaques, quelle qu’en soit l’origine ). Ce qui a été fondamental, ce sont les contacts créés et les relations humaines établies au fil du temps, qui ont permis à ce projet ambitieux de prendre forme.

Les participants se connaissent déjà grâce à la Global March and the Sumud, ce qui permet de travailler plus vite et d’éviter certaines erreurs passées. Aujourd’hui, la Global Sumud Flotilla bénéficie d’une logistique internationale structurée, avec des experts, des juristes et des équipes organisées, indispensables pour envoyer des bateaux en toute sécurité. L’expérience de la répression au Caire a été un véritable apprentissage. Face à ces difficultés, nous avons eu envie d’aller plus loin et de mieux nous organiser pour que ce type de situation se reproduise moins, voire pas du tout. Ce n’est pas facile, mais c’est une nécessité.

Ce qui est frappant, c’est de voir des centaines de personnes venant d’horizons différents se rencontrer et créer un réseau de milliers de personnes. Au Caire, environ 4 000 participants étaient présents, et beaucoup étaient frustrés de ne pas pouvoir aller plus loin. Les contacts se sont souvent faits par réseau : un post Instagram, un ami palestinien qui se met en relation avec quelqu’un d’autre… Ces rencontres ont été cruciales pour préparer les actions suivantes. Cet échec initial a renforcé notre volonté de mieux organiser la prochaine initiative.

La dimension logistique est immense. Marcher jusqu’à Rafah était déjà ambitieux, mais envoyer des bateaux implique un tout autre niveau de préparation : sécurité, climat, infrastructure des bateaux, équipements… Certains bateaux achetés par des délégations n’avaient même pas de cuisine ou de toilettes.

NRs : Vous avez dû composer avec un environnement géopolitique particulièrement complexe. Quels ont été les principaux obstacles politiques ou diplomatiques rencontrés dans la mise en œuvre de cette action ? Y a-t-il eu des pressions ou au contraire des soutiens inattendus ?

M/P : Nous avons écrit aux Affaires étrangères pour prévenir de notre initiative. La réponse officielle a été une lettre type : « nous vous déconseillons d’y aller ». Concrètement, cela veut dire qu’il n’y aura ni soutien, ni blocage actif de la part de l’État Français, mais qu’en cas de problème, il fera le strict minimum pour protéger ses ressortissants. Comme en Égypte, où l’ambassadeur est intervenu avec réticence pour vérifier que les Français n’avaient pas été agressés. Et en Israël, il est possible qu’ils n’aillent même pas jusque-là.

Le contraste avec l’Italie est frappant. Meloni, malgré son gouvernement d’extrême droite, a clairement déclaré qu’elle protégerait ses ressortissants. Cela s’explique par la pression de son opposition et surtout par l’engagement des dockers de Gênes, qui se sont mobilisés pour faire respecter cette protection.

En France, il n’y a donc pas eu de blocage officiel contre la flottille, mais aucun soutien non plus. Cela dit, il faut souligner l’implication des dockers de Marseille. Depuis plusieurs mois, ils se préparent activement pour soutenir le mouvement, notamment pour empêcher que des bateaux ne soient déchargés ou entravés par d’autres intérêts. Leur mobilisation discrète mais déterminée est un facteur clé pour que notre initiative puisse se dérouler dans de bonnes conditions. Ce double constat – absence de soutien sans de blocage direct, et mobilisation citoyenne locale –  illustre bien le contexte dans lequel nous avançons : même si les États hésitent, la société civile peut peser de manière concrète et efficace.

NRs : Deux de vos bateaux auraient été attaqués, supposément par Israël. Selon vous, est-ce surtout des tentatives d’intimidation pour empêcher la flottille de partir ?

M/P : Oui, c’est une tentative d’intimidation, mais on ne sait pas vraiment qui est derrière. Ça peut être des anti-Palestiniens, des sionistes, des soutiens de l’État Israélien… On n’a aucune information précise. En tout cas, ils ont visé le bateau de Greta, le plus gros, donc c’était très ciblé et ils semblaient bien renseignés.

Mais l’effet a été inverse : cela a remobilisé tout le monde. Il n’y a pas eu de départ annulé suite à ça. Normalement, la mission devrait déjà être terminée, nous aurions dû être interceptés par Israël au large de Gaza, et pourtant nous sommes toujours là. Cela montre bien que certaines personnes sont prêtes à rester plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sur ces bateaux si nécessaire.

NRs : Nous avons vu Youssef Swatt’s, le rappeur belge, rejoindre la flottille, à l’instar d’autres personnalités comme l’actrice française Adèle Haenel. C’est plutôt un signe positif, non ?

M/P : Oui, absolument. Ça a un vrai effet mobilisateur et donne envie à d’autres de s’investir encore plus. Il y a beaucoup de soutiens, que ce soit des personnalités, des politiques… et pas seulement en France : aux États-Unis aussi, le mouvement prend de l’ampleur.

NRs : Certains accusent parfois ce type d’initiative d’être « symbolique » mais inefficace : Que répondez-vous à ceux qui affirment que Waves of Freedom France n’est qu’un geste symbolique, sans effet concret sur la situation à Gaza ?

M/P : Nous répondons à plusieurs niveaux. Notre objectif principal est de sensibiliser. Nous avons le sentiment de progresser dans l’opinion publique, même si ce n’est pas encore à l’échelle que nous souhaiterions. Nos actions contribuent à attirer l’attention et à inspirer d’autres luttes.

Par ailleurs, notre action s’inscrit dans un contexte plus large de rapports de force. Le génocide en cours se poursuit, avec l’intensification des frappes et des déplacements forcés à Gaza. Les déclarations de Netanyahou se font de plus en plus explicites : il affirme que la Palestine ne pourra jamais exister en tant qu’État et que cette terre leur appartient. Cette agressivité laisse peut-être transparaître qu’il ressent que le temps lui est compté. Nous constatons déjà l’agitation que ce type d’action provoquent, y compris en Israël, où de nombreux soldats désertent, montrant que la situation évolue de tous les côtés.

En même temps, différentes forces, y compris sur le plan international et à l’ONU, tentent de s’unir pour contrer le gouvernement israélien. À ce titre, une importante manifestation est prévue à New York le 26 septembre devant l’ONU, qui réunira non seulement des Américains, mais aussi des participants venus du monde entier. Il sera intéressant de voir qui restera à l’Assemblée et qui se retirera lors de la présence de Netanyahou.

Notre départ a certes été légèrement retardé, mais peut-être que tout cela convergera au bon moment. On verra. Nous voulons croire que notre flottille et la mobilisation internationale pourront avoir un impact, y compris sur la reconnaissance de la Palestine par d’autres États.

NRs : Lors du départ des navires depuis Gênes, des syndicats portuaires (dockers) ont exprimé leur soutien et signalé qu’ils prendraient des mesures coordonnées en cas d’incident. Plusieurs figures culturelles et politiques, des élus français, espagnols, portugais, brésiliens, ainsi que des maires comme Ada Colau, ont incarné cette solidarité internationale avec le mouvement. Cette convergence d’acteurs d’horizons divers est-elle essentielle ?

M/P : Notre action s’inscrit dans une bataille plus large, visant à rassembler différents acteurs mobilisés pour la Palestine. Nous n’avons pas encore pris de décision politique définitive : pour l’instant, nous restons sur le plan humanitaire. Nous évaluerons les sollicitations et déciderons dans les prochains jours, en tenant compte des stratégies et des points de vue personnels de chacun.

Évidemment, le soutien des dockers est absolument crucial pour les flottilles. Des réunions sont en cours dans tous les ports européens, de la Méditerranée au nord de l’Europe, pour coordonner des actions communes. Comme l’ont déjà affirmé les dockers de Gênes, quoi qu’il arrive à la flottille, ils interviendront par des grèves. Même 20 minutes suffisent à bloquer efficacement  le commerce, un geste puissant pour protéger et soutenir la mission. Ces soutiens permettent non seulement la sécurité et le bon déroulement de la flottille, mais aussi la légitimité et la visibilité internationale de l’action.

NRs : Les actions de la flottille Global Sumud – Waves of Freedom France, bien qu’elles rassemblent des milliers de citoyen·nes, des personnalités internationales et des élus de différents pays, restent très peu relayées par les médias mainstream. Ce silence médiatique contraste avec l’ampleur symbolique et politique de l’initiative. Quel rôle attribuez-vous aux médias dans la bataille autour du mouvement Global Sumud ? Comment l’amplifier ?

M/P : Ce qui est vraiment important, ce ne sont pas tant la sympathie ou le ton des articles, mais le fait que l’on parle de nous. Tant que les flottilles ne sont pas parties, certains peuvent encore considérer notre initiative comme une utopie, mais ce n’est pas grave.

Ensuite, il y a tout de même quelques interventions médiatiques : France 24, quelques interventions sur France Info, et même un reporter de guerre qui a parlé assez longuement. Ce n’est pas énorme, ce ne sont que quelques secondes par-ci par-là, mais c’est déjà un progrès par rapport à avant. Côté presse écrite, c’est différent. Nous faisons une revue de presse, modeste pour l’instant, mais qui compile des articles francophones et arabophones depuis le 27 août. Il faudrait encore compléter du côté anglophone, mais nous avons déjà beaucoup de sources : Mediapart, Le Figaro, Le Huffington Post, La Voix du Nord, La presse au Maroc, l’Orient-Le Jour au Liban, 20 Minutes, Le Courrier de l’Atlas, Al Watan en Algérie, Le Parisien, France Info, Radio-Canada, Libération, L’Orient, et bien d’autres.

NRs : Les flottilles Global Sumud sont actuellement en Tunisie, dont le départ prévu le dimanche 7 septembre a été reporté.  Quels sont les principaux dangers pour les participants et l’organisation de la flottille ? Comment vous y faites-vous face ?

M/P : On ne sait pas exactement comment les choses vont se dérouler. On voit bien que le contexte évolue : Israël intensifie ses frappes sur Gaza, il y a des discussions autour de la reconnaissance de la Palestine à l’ONU…

En ce qui concerne la protection des personnes sur les bateaux, chaque délégation nationale est responsable de ses membres. Par exemple, la délégation française est suivie par Waves of Freedom France (WOFF), qui assure la communication et le suivi auprès des autorités françaises en cas d’incident. Mais il y a aussi des Français dans d’autres délégations, et nous assumons la responsabilité de leur suivi.

Un danger réel provient de la multiplication des participants spontanés. Des dizaines d’individus ou de bateaux pourraient vouloir rejoindre la flottille sans coordination, ce qui pose un problème logistique et de sécurité majeure. Si le gouvernement israélien les visait en priorité, cela pourrait tourner au drame. C’est pourquoi nous insistons pour que personne ne parte derrière la flottille sans préparation : c’est un risque énorme, non seulement pour eux, mais aussi pour le succès de la mission. Actuellement, les bateaux sont encore en Tunisie, où la mobilisation est très forte. Des bus entiers viennent de tout le pays pour soutenir la flottille, et l’ambiance à Tunis est incroyable.

Enfin et surtout, nous ne voulons pas nous présenter comme des héros ayant bravé la tempête ou les difficultés. Il faut garder à l’esprit que pour les Palestiniens, c’est bien plus dur. Il s’agit de mettre en avant la situation dramatique sur place : le génocide, les déplacements de population  et les crimes de guerre. Tout cela, sans même entrer dans les débats sur la solution à adopter – un État, deux États, etc. car ce n’est plus  le cœur du sujet. Tous les participants sont pleinement conscients des dangers et, malgré cela, ils restent déterminés. Ils savent très bien les risques qui les attendent et leur engagement est intact. Ce qui prime, c’est la solidarité et la visibilité donnée à la Palestine.

NRs : Comment pouvons-nous soutenir concrètement les flottilles et amplifier l’impact de l’initiative ?

M/P : Oui, on a besoin de soutien, notamment financier. La Global Sumud et WOFF fonctionne grâce à des financements variés, provenant de petites et grandes donations, pour couvrir l’achat des bateaux, les frais de fonctionnement et le soutien aux équipages. Plusieurs cagnottes ont été lancées pour assurer le séjour des participants, certains partant sans carte de crédit pour des raisons de sécurité et se retrouvent à passer une semaine à Tunis sans argent. Les dons sont passés de quelques dizaines à plusieurs milliers de dollars, permettant de couvrir les frais d’avocats, le temps passé dans les ports, les assurances, ainsi que le stockage et le transfert des fichiers pour les équipes médias.

Soutenez ici la cagnotte de Waves of Freedom France : https://chuffed.org/project/142365-flottille-humanitaire

Ensuite, on invite chacun à s’emparer de la question de la surveillance des bateaux via le système de tracking. Ce suivi permet de détecter rapidement tout problème, qu’il s’agisse d’un incident technique, d’un changement de trajectoire ou d’une attaque éventuelle.  Nous essayons actuellement d’ouvrir, sur le site de WOFF, la surveillance au public qui est pour l’instant assurée par nos équipes. L’idée est que les citoyens puissent suivre les bateaux en direct, comme cela avait été expérimenté pour le Hamdala. Cela permet de créer une connexion entre la flottille et le monde extérieur. Cette vigilance collective est essentielle pour la sécurité et constitue également un symbole fort de soutien et de solidarité. 

Suivez ici le déplacement des bateaux : https://globalSumudflotilla.org/tracker

NRs : Pour finir, comment documentez-vous cette initiative historique  ?

M/P : Pour raconter cette aventure et garder une trace de chaque étape, nous avons d’abord créé un carnet de bord en ligne. Pour l’instant, il couvre surtout la délégation française, mais nous cherchons à l’élargir à d’autres nationalités. Ce carnet de bord ne se limite pas à des faits ou des photos : c’est un espace de réflexion et d’écriture, où les participants peuvent partager leurs impressions, raconter le soutien qu’ils reçoivent sur place et donner une dimension humaine à cette mission. Par exemple, plusieurs textes relatent l’accueil incroyable du peuple tunisien.  Nous travaillons également avec des journalistes et artistes pour enrichir le carnet de bord. La photographe Sarah Girard fournit des images libres de droit, qui sont parmi les plus marquantes du carnet, montrant les participants, les drapeaux à Barcelone, et la mobilisation dans les villes de départ.

L’intérêt du carnet de bord est aussi de proposer une lecture réfléchie et durable, qui pourra servir à des récits plus longs ou à un ouvrage à l’avenir. Contrairement aux réseaux sociaux, c’est un espace où chaque texte et chaque image a une valeur de témoignage et de mémoire. Nous invitons donc les lecteurs à consulter ce carnet de bord, pour découvrir les portraits, les témoignages et la vie quotidienne de la flottille, au-delà de l’actualité médiatique. C’est une façon de se rapprocher de l’expérience des participants et de comprendre la dimension humaine et collective de cette mission.

Par ailleurs, Enzo Pianetti, directeur de la photographie dans le milieu du documentaire et du cinéma, produit de manière quotidienne des vidéos de la délégation française qui feront l’objet d’un documentaire et qui sont diffusées sur nos réseaux sociaux.

Retrouvez ici le carnet de bord : https://waves-of-freedom.fr/carnet-de-bord


Images d’illustration : Photographies utilisées avec l’aimable autorisation de Sarah Girard (Compte Instagram : sarah.girard.bl) pour Waves of Freedom France.

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