Nick Beams est une figure majeure du marxisme contemporain en Australie. Membre fondateur du Socialist Labour League en Australie (aujourd’hui devenu le Socialist Equality Party – SEP) qu’il a dirigé pendant trois décennies, il est reconnu internationalement comme un théoricien de l’économie politique marxiste. Depuis les années 1990, il est aussi un contributeur clé du World Socialist Web Site (WSWS), où il publie régulièrement des analyses sur les crises financières, la mondialisation et les tensions impérialistes.
Lors du rassemblement international du 1er mai 2025 du WSWS, Nick Beams a prononcé un discours majeur, que nous publions ici, intégralement traduit en français par Hadrien Bortot. Il y analyse les implications historiques de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, qu’il considère comme un symptôme de l’effondrement du capitalisme mondial.
" En ce 1er mai, l’attention de la classe ouvrière internationale doit se porter sur les implications historiques de la guerre commerciale.
Le 2 avril 2025, soi-disant « jour de la libération », le président américain Trump a lancé sa guerre économique contre le reste du monde. Les tarifs douaniers contre la Chine, principale cible, ont été portés à 145 %. Cela équivaut à un blocus économique, mettant fin à tout commerce entre les première et deuxième économies mondiales.
C’est essentiellement un acte de guerre. Des « droits de douane réciproques », pouvant atteindre près de 50%, ont été imposés à divers pays. Les pays d’Asie du Sud-Est, qui ont des liens économiques étroits avec la Chine, étaient une cible particulière. Des droits de douane de 10% ont été imposés aux autres pays.
Il existe désormais une pause de 90 jours sur ces « tarifs réciproques », prétendument pour permettre la tenue de négociations. L’ordre commercial international mis en place après la Seconde Guerre mondiale, fondé sur la baisse des droits de douane et d’autres restrictions, a été bouleversé. Rien de tel que les mesures tarifaires de Trump n’a jamais été adopté auparavant.
Elles dépassent de loin même les droits de douane Smoot-Hawley imposés par les États-Unis dans les années 1930. Ces tarifs, fondés sur un nationalisme virulent, étaient une folie économique. Ils ont provoqué une dépression économique, une dévastation sociale et la Seconde Guerre mondiale.
Les tarifs imposés aujourd’hui par Trump, qui portent l’absurdité économique à de nouveaux sommets, entraînent un risque encore plus grand de conflagration mondiale. Aujourd’hui, chaque produit, du plus simple au plus avancé, est le résultat d’une division internationale complexe du travail. Aucun produit n’est « fabriqué en Amérique » ou, d’ailleurs, dans aucun autre pays.
Ainsi, un SUV estampillé « américain » peut comprendre jusqu’à 1 500 pièces et composants fabriqués à l’échelle internationale. Chaque produit final vendu partout dans le monde émerge d’une chaîne de valeur mondiale.
Mais la politique tarifaire de Trump, aussi folle soit-elle, a une logique. Son objectif est de « remodeler » les industries américaines essentielles, en vue de préparer l’économie nationale à la guerre. Dans son décret sur les « droits de douane réciproques », Trump a déclaré que le déficit commercial américain avait « vidé » la base industrielle américaine et « rendu notre nation dépendante d’autres pays pour répondre à nos principaux besoins de sécurité ».
Dans un sens très réel, une guerre militaire mondiale menée par les États-Unis est déjà en cours – contre la Russie en Ukraine, à travers l’autorisation du génocide israélien contre les Palestiniens à Gaza, et les menaces continues contre l’Iran. Cependant, la Chine constitue la cible centrale alors que les États-Unis cherchent à conserver leur position d’hégémonie mondiale.
La croissance spectaculaire de la Chine – d’un pays arriéré il y a 40 ans à la deuxième économie mondiale aujourd’hui – constitue une menace existentielle pour la domination américaine. Toutes les fractions de l’establishment politique et militaire américain conviennent qu’il faut l’écraser. Alors que les mesures économiques ne peuvent pas y parvenir, la guerre apparaît de plus en plus comme la seule option viable.
La guerre tarifaire de Trump et les turbulences du marché qui en résultent ont révélé une crise de longue date dans les finances de l’État impérialiste américain. Sa structure financière est criblée de dettes et de parasitisme. Cela se traduit par une montagne de dettes publiques, accumulées notamment par le sauvetage continu des entreprises et des banques, ainsi que par l’augmentation des dépenses militaires.
La dette s’élève désormais à 36 000 milliards de dollars et continue d’augmenter, avec une facture d’intérêts annuelle de 1 000 milliards. Tout autre pays dans cette situation aurait été déclaré en faillite. Mais les États-Unis ont continué en raison de la suprématie du dollar.
Aujourd’hui, cette suprématie est remise en question. Lors de turbulences financières précédentes, les investisseurs se tournaient vers les actifs financiers américains comme valeurs refuges. Aujourd’hui, le dollar baisse, et l’appel universel sur les marchés financiers est : « Vendez l’Amérique ! »
C’est une crise de l’ensemble du système capitaliste mondial. Cette crise n’est pas une création de Trump. Trump n’est que la personnification de l’agonie du capitalisme.
Les travailleurs n’ont aucun intérêt à consolider leur propre classe capitaliste nationale. Ils imposeront à la classe ouvrière les coûts nécessaires pour compenser l’impact des tarifs.
Les intérêts des travailleurs sont de s’unir à leurs frères de classe en Chine et à travers le monde. La tâche qui attend la classe ouvrière, plus urgente que jamais, est de mettre fin au capitalisme dans la lutte pour le seul programme viable, celui de la révolution socialiste mondiale. Merci. »
Image d’illustration : « May Day – Workers of the World Unite May Day March in Melbourne. Workers of the World Unite », photographie du 6 mai 2012 par Johan Fantenberg (CC BY-SA 2.0)